Le projet de loi 1881 pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, en Procédure accélérée, vient d’être adopté.
Cette loi qui a été votée par nos députés donne littéralement les pleins pouvoirs pour la reconstruction de Notre-Dame au gouvernement qui va pouvoir tout décider par ordonnance, sans aucun vote, sans aucune contestation possible et ce à peu près sur tous les domaines directs et indirects de la reconstruction tellement ce texte est large.
Je vous invite à le partager, et à le lire. Il est court, bien rédigé dans le sens où il donne une marge de manœuvre juridique considérable au gouvernement et supprime potentiellement l’ensemble des gardes-fous qui sont indispensables dans tout pays démocratique où la séparation des pouvoirs est une donnée bien ancrée. A croire que non.
Voici copie intégrale des deux articles les plus contestables et inquiétants de ce projet de loi.
Source Assemblée Nationale ici
Article 8
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d’un établissement public de l’État aux fins de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. L’ordonnance fixe les règles d’organisation et d’administration de l’établissement de façon à y associer notamment la Ville de Paris et le diocèse de Paris et peut prévoir que les dirigeants de l’établissement ne sont pas soumis aux règles de limite d’âge applicables à la fonction publique de l’État.
Un projet de loi de ratification est déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Article 9
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes, des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et à adapter aux caractéristiques de cette opération les règles applicables à ces travaux et aux opérations connexes, comprenant notamment la réalisation des aménagements, ouvrages, et installations utiles aux travaux de restauration ou à l’accueil du public pendant la durée du chantier, ainsi que les travaux et transports permettant l’approvisionnement de ce chantier et l’évacuation et le traitement de ses déchets.
Dans la mesure strictement nécessaire à l’atteinte de cet objectif, ces ordonnances peuvent prévoir des adaptations ou dérogations :
1° Aux règles en matière d’urbanisme, d’environnement, de construction et de préservation du patrimoine, en particulier en ce qui concerne la mise en conformité des documents de planification, la délivrance des autorisations de travaux et de construction, les modalités de la participation du public à l’élaboration des décisions et de l’évaluation environnementale, ainsi que l’archéologie préventive ;
2° Aux règles en matière de commande publique, de domanialité publique, de voirie et de transport.
Même les règles sur les fouilles archéologiques pourront être contournées!
Lorsque vous construisez une maison neuve, une autoroute ou n’importe quel ouvrage ou bâtiment, lorsque la pelleteuse arrive, fait son trou et tombe sur des vestiges, les travaux s’arrêtent ce qui n’arrange pas franchement les promoteurs. On fait venir les archéologues après avoir suspendu les travaux, puis, on creuse, on passe les petits pinceaux pour récupérer les petits ossements et autres objets ayant la moindre valeur historique, on cartographie le site, bref, on sauve tout ce que l’on peut sauver et on étudie avant éventuellement de détruire les vestiges et reprendre les travaux, mais les travaux peuvent ne jamais être repris si l’intérêt archéologique est majeur.
Or, si l’on commence à creuser autour de Notre-Dame il est évident, que les vestiges seront plus que nombreux, dans toutes les strates, et que les travaux ne pourront tout simplement pas avancer si l’on commence ne serait-ce qu’à répertorier et sauver tous les vestiges sur lesquels nous allons tomber.
Creuser par exemple pour faire un beau parvis en verre avec arrivée des bateaux mouches directement au niveau de la seine et vue imprenable sur la Cathédrale par en-dessous… j’en parlais ici.
Tout le monde sait bien compte-tenu de la position de la Cathédrale que le sujet archéologique sera majeur.
Pas grave.
Ecrasons-tout.
Détruisons-tout.
N’étudions rien.
Faisons passer les bulldozers.
Il faut construire pour les JO de Paris ce « Disney-land » à touristes sur l’île de la Cité pour profiter pleinement de la raisonnance médiatique des JO pour s’offrir une campagne publicitaire mondiale.
Ne jamais donner les pleins pouvoirs.
Donner les pleins pouvoirs n’est jamais une bonne idée, pas parce que c’est Macron ou Edouard Philippe, mais parce que c’est du bon sens, et qu’il ne sert à rien de nous rabâcher à longueur d’année le couplet culculgnangnan sur les heures les plus sombres de notre histoire et de ne retenir aucune des leçons reçues avec grande souffrance de notre histoire.
Nos députés et sénateurs, très courageusement avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain avec le succès que l’on sait.
Parce que c’est évidemment du bon sens, on ne donne jamais les pleins pouvoirs à quelqu’un, car les pleins pouvoirs sont le plus court chemins vers les abus. Donnez les pleins pouvoirs à un policier et vous aurez des bavures, et c’est pour cela qu’il y a des règles et des organismes de surveillance, donnez les pleins pouvoirs à un chef d’entreprise et il détournera des sous ou brutalisera plus facilement ses troupes, bref, dans tous les cas, la confiance n’exclut jamais le contrôle, et les pleins pouvoirs en toutes choses sont à proscrire.
Dans le cas de Notre-Dame, c’est encore plus évident, puisque nous ne sommes pas en guerre, et il n’y aucune urgence si ce n’est celle inventée de toute pièce par nos dirigeants.
Ce pays enchaîne les dénis démocratiques à une vitesse vertigineuse.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
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