L’Inde a battu tous les records en envoyant un total de 104 satellites dans l’espace, embarqués sur une seule fusée
L’Inde a créé la surprise générale en annonçant pour la première fois que sa campagne de tests de missiles anti-satellites avait donné de bons résultats.
Ses essais précédents, en février, avaient échoué à accomplir cet exploit. Divers responsables de la communauté internationale ont immédiatement émis des préoccupations quant aux implications que ce développement pourrait engendrer en matière de sécurité stratégique régionale, vis-à-vis du Pakistan et de son allié chinois. Mais ce n’est pas tout : alors que le monde commençait à comprendre les conséquences de cette progression indienne, l’Inde a de nouveau surpris le monde en début de semaine en lançant un satellite espion couplé à un essaim de nano-satellites [« cubesat », NdT] : le message envoyé par l’Inde est parfaitement clair : elle entend être désormais considérée comme une « puissance spatiale » de facto. L’agenda de ces événements et leur densité dans le temps visait clairement également à donner un sérieux coup de pouce à Modi, le Premier ministre indien, qui entre dans l’arène pour sa survie politique, avec un processus long d’élections générales d’un mois qui s’ouvre la semaine prochaine en Inde, et qui s’achèvera fin mai.
Indépendamment des retombées politiques intérieures dont Modi espère tirer profit dans l’opération, il ne fait aucun doute que celle-ci vient de modifier de manière permanente l’équilibre stratégique entre l’Inde et ses voisins pakistanais et chinois, même s’il ne faut pas en surestimer les conséquences. La Chine continue de faire la course en tête, et de loin, dans la « course à l’espace », et dispose d’un nombre bien plus important de satellites militaires que l’Inde ; pour le Pakistan, c’est une toute autre affaire. Mais il est crédible de penser que le Pakistan dispose d’accès aux satellites chinois et peut donc se passer d’en lancer en son nom propre, chose dont les bénéfices sont doubles : d’une part, cela constitue une économie considérable, et laisse au pays des crédits pour investir dans d’autres technologies militaires, et d’autre part Islamabad peut compter sur l’aide de Pékin en cas de crise. Ce deuxième point est d’une importance tout à fait capitale : si l’Inde voulait « rendre aveugles » l’armée pakistanaise, ce sont les satellites chinois qu’elle devrait détruire, ce qui impliquerait immédiatement Pékin dans une telle perspective de conflit.
Pour déstabilisante que puisse apparaître l’émergence de l’Inde comme « puissance spatiale » en matière de sécurité régionale, l’événement va également jouer le rôle de catalyseur sur le Partenariat stratégique sino-pakistanais, et sur le niveau d’interdépendance entre ces deux grandes puissances en vue d’assurer une stabilité régionale ; de quoi en retour pousser l’Inde à se tourner encore plus vite vers les USA pour « rétablir » un équilibre militaro-stratégique en Asie du Sud en train de tourner à son désavantage. Tout ceci pourrait déboucher sur un système de quasi-bipolarité dans cette région du monde, dont la Russie pourrait tirer profit en faisant usage de ses relations excellentes avec toutes les parties en présence (à l’exception des USA, bien entendu) et de consolider son rôle d’« équilibrage » et de stabilité entre elles. Considérées sous cet angle, les percées réalisées par l’Inde pourraient ne faire aucun perdant en fin de compte, mais rendre la Russie grande gagnante du jeu stratégique.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone
Indépendamment des retombées politiques intérieures dont Modi espère tirer profit dans l’opération, il ne fait aucun doute que celle-ci vient de modifier de manière permanente l’équilibre stratégique entre l’Inde et ses voisins pakistanais et chinois, même s’il ne faut pas en surestimer les conséquences. La Chine continue de faire la course en tête, et de loin, dans la « course à l’espace », et dispose d’un nombre bien plus important de satellites militaires que l’Inde ; pour le Pakistan, c’est une toute autre affaire. Mais il est crédible de penser que le Pakistan dispose d’accès aux satellites chinois et peut donc se passer d’en lancer en son nom propre, chose dont les bénéfices sont doubles : d’une part, cela constitue une économie considérable, et laisse au pays des crédits pour investir dans d’autres technologies militaires, et d’autre part Islamabad peut compter sur l’aide de Pékin en cas de crise. Ce deuxième point est d’une importance tout à fait capitale : si l’Inde voulait « rendre aveugles » l’armée pakistanaise, ce sont les satellites chinois qu’elle devrait détruire, ce qui impliquerait immédiatement Pékin dans une telle perspective de conflit.
Pour déstabilisante que puisse apparaître l’émergence de l’Inde comme « puissance spatiale » en matière de sécurité régionale, l’événement va également jouer le rôle de catalyseur sur le Partenariat stratégique sino-pakistanais, et sur le niveau d’interdépendance entre ces deux grandes puissances en vue d’assurer une stabilité régionale ; de quoi en retour pousser l’Inde à se tourner encore plus vite vers les USA pour « rétablir » un équilibre militaro-stratégique en Asie du Sud en train de tourner à son désavantage. Tout ceci pourrait déboucher sur un système de quasi-bipolarité dans cette région du monde, dont la Russie pourrait tirer profit en faisant usage de ses relations excellentes avec toutes les parties en présence (à l’exception des USA, bien entendu) et de consolider son rôle d’« équilibrage » et de stabilité entre elles. Considérées sous cet angle, les percées réalisées par l’Inde pourraient ne faire aucun perdant en fin de compte, mais rendre la Russie grande gagnante du jeu stratégique.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone
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