Ou disons, le gouvernement peut se réjouir sur le papier : alors qu’il a été au bord du gouffre en décembre, que la panique pouvait clairement se lire dans les décisions hâtives et mal boutiquées du pouvoir, le voilà maintenant en territoire plus connu et mieux balisé. Après 18 semaines d’un essoufflement clamé chaque semaine, le gouvernement décide d’agir fermement…
À force de dégradations et moyennant le limogeage d’un fusible parfaitement accessoire, le soutien du peuple aux manifestants s’évapore. Entre leurs revendications, passées très très vite d’un « Les impôts ça suffit » à un « Augmentez les impôts des méchants riches », et les exactions des casseurs menées d’abord en parallèle de leurs manifestations puis, maintenant, avec un support de plus en plus affirmé par une part croissante des Gilets jaunes eux-mêmes, la grogne fiscale s’est muée en mouvement de protestation tous azimuts avec une composante collectiviste et anti-capitaliste majoritaire, comme le pays en produit maintenant régulièrement depuis des décennies.
De façon toujours aussi calculée, on appréciera à sa juste valeur l’entrée de l’armée dans la danse politique du moment. Alors qu’il semblait impensable qu’on puisse pacifier ou sécuriser avec l’armée le moindre bâtiment civil sur le territoire national à partir du moment où il était malencontreusement placé dans un quartier sensible, il semble maintenant tout à fait idoine de la faire intervenir pour des bâtiments dans des quartiers à l’émotivité différente.
La froide réalité est qu’au-delà de l’effet d’annonce de l’actuel gouvernement, il s’agit simplement de placer des troufions devant quelques « bâtiments républicains » pour assurer un semblant de sécurité et espérer focaliser l’action des forces de l’ordre « traditionnelles » sur les débordements possibles. Autrement dit, on s’interroge sur ce qui pourrait vraiment se passer si, d’aventure, lesdits militaires se retrouvaient face à des foules violentes et des casseurs déterminés.
Et pendant que le gouvernement s’en donne donc à cœur joie dans l’emploi plus ou moins judicieux de la force de coercition propre à l’État, l’opposition parlementaire est globalement inaudible ou d’une crédibilité elle-même si ténue qu’elle rend tout son discours grotesque.
La droite, devenue un blob visqueux depuis sa perte de colonne vertébrale idéologique il y a des années de cela, est maintenant en train de lentement sécher sur place ; seul un optimisme qui confine à l’opacité mentale permet de trouver dans Wauquiez ou les autres « ténors » de droite le moindre espoir d’un renouveau conservateur (sans même parler de libéral) ou, encore plus simplement, une idée d’opposition parlementaire crédible. Le redressement de la droite parlementaire ne peut décemment passer par un type qui inspire moins confiance que ces publicités gluantes qui promettent « des femmes chaudes à 3 km de chez toi » ou les « trucs étranges pour maigrir que les médecins détestent ».
Quant au fatras qui sert de gauche, il est tout aussi peu crédible : ses représentants n’ont pas caché leurs sympathies (et nettement plus si affinités évidentes) pour les engeances les plus délétères du mouvement des Gilets jaunes, ce qui rend grotesque leurs couinements émis à présent contre la mobilisation de l’armée.
Il n’y a donc officiellement aucune opposition.
Le Grand Débat, pour sa part, n’aura essentiellement impliqué qu’une petite frange de la population de retraités, calme et pondérée, peu ou pas concernée par les revendications initiales ni évolutives des Gilets jaunes, et n’a abouti à rien de concret si ce n’est entériner la scission maintenant claire de la société française avec d’un côté, les vaches à lait payeurs d’impôts, et de l’autre, tous ceux qui traient et boivent goulûment.
Cette fumisterie inutile ne débouchera, au mieux, que sur quelques bricolages sociétaux ou, au pire, sur de nouveaux impôts, et s’est doucement dégonflée dans l’indifférence quasi-générale avec un exercice égotique ridicule où l’on a pu voir Emmanuel Macron discourir en roue libre avec quelques dizaines d’intellectuels pris en otage de sa politique de gribouille.
Les élections européennes approchent à grands pas et on assiste à un véritable déferlement d’une propagande aussi onctueuse que le nectar sirupeux des plantes carnivores. Il faut voir le « clip de campagne » (ou l’un d’eux au moins) de la République En Marche pour mesurer l’ampleur de ce qui se joue actuellement avec ce côté tragi-comique dans le grotesque qui donne cette impression d’halluciner debout :
Avec cette propagande en mode « gens alliages & toutes options » dont on avait déjà observé le fleurissement délirant dans un précédent billet à base de Captain Europe et d’Eurolapins consternants, on retrouve la dichotomie artificielle « Moi ou le chaos » qui en dit plus long sur la façon dont Macron et son équipe considèrent les électeurs que sur le réel état des lieux de l’Union européenne en général et de la France en particulier.
Bref : avec une opposition en carton, des électeurs propagandisés à mort et de toute façon éparpillés aux quatre vents, une abstention qui va encore fricoter dans les gros pourcentages, la probabilité n’est pas nulle que le parti présidentiel s’en sorte honorablement, et ce malgré l’état déplorable du pays et la direction catastrophique qu’il prend.
Et alors que le fossé démocratique continue de se creuser de jour en jour, on se demande exactement comment ces nouvelles dispositions (militaires), comment ces clips de campagne, comment cette propagande et comment ces non-propositions de réformes fiscales permettront d’améliorer la situation du pays.
Avec deux sous de bon sens, on comprend surtout que c’est exactement l’inverse qui va se produire. Le boulevard qui s’ouvre devant Macron nous mène droit vers les pires options.
Ce pays est foutu...
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