28 mars 2019

La bataille pour la Bulgarie a commencé

Le premier ministre russe, Medvedev, a visité la Bulgarie la semaine dernière

Cette visite du premier ministre russe avait pour but d’évaluer la possibilité d’étendre le gazoduc TurkStream dans ce pays des Balkans, afin d’étendre son cheminement vers la Serbie et l’Europe Centrale. Cette extension nécessiterait que Sofia obtienne des garanties légales fermes et définitives de la part de Bruxelles, afin d’éviter une répétition du fiasco du South Stream, à l’origine de ce nouveau projet.
 Le gazoduc Turkstream, en Bulgarie

Le calendrier de cette visite officielle coïncidait également avec les commémorations de la Libération en Bulgarie, au cours desquelles le pays se souvient de la lutte contre l’Empire Ottoman, et de l’aide que la Russie lui a apportée ; la solennité de l’opération était donc grande, et le moment était idéal pour la visite d’un dirigeant russe. Les liens entre les deux pays slaves sont historiquement forts, ce qui n’a pas empêché divers problèmes de se présenter – notablement au cours des deux guerres mondiales où les deux pays se sont trouvés dans des camps opposés.

La complexité des relations russo-bulgares explique qu’il est bien plus facile de proposer une extension du TurkStream vers la Bulgarie que de réaliser celle-ci en pratique, et ce d’autant plus dans le contexte récent, qui a vu cet État des Balkans devenir un protectorat partagé entre les USA et l’UE, fonctionnant en pratique comme l’un de leurs vassaux. Cela étant dit, les autorités bulgares présentent un désir sincère d’œuvrer en faveur des intérêts de leur nation, et travaillent donc concrètement sur ce projet d’extension. Il est évident que l’Union Européenne a besoin de cette source d’énergie : quoiqu’elle préférerait diversifier ses approvisionnements en la matière et s’éloigner de la Russie en la matière pour des raisons politiques, ou à tout le moins conserver le tracé du gazoduc via l’Ukraine. Mais le bloc pourrait accepter le Turkstream, faute de disposer d’une autre option réaliste à ce stade. Les USA, alliés de la Bulgarie, s’opposent quant à eux frontalement à ce projet, car ils préféreraient vendre plus de gaz naturel liquéfié au continent européen. [Mais plus cher, NdT]

Il est donc raisonnable d’affirmer qu’une lutte d’influence est en cours en Bulgarie. L’UE pourrait s’appuyer sur son poids économique et institutionnel dans le pays pour promouvoir l’extension de Turkstream vers le « cœur de l’Europe », cependant que les USA pourraient user de leur influence militaire, au travers de l’OTAN, et des autorités nationales sous leur coupe pour essayer d’entraver ce projet. Restent, au milieu de cela, des décideurs bulgares qui – malgré leurs fautes politiques et leur loyauté envers tel ou tel parrain – gardent à cœur leurs intérêts nationaux et comprennent l’importance du succès de ce projet russe pour leur pays ; c’est la raison pour laquelle plusieurs progrès notables ont été réalisés sur ce projet jusqu’à présent. L’avenir dira qui parviendra à l’emporter dans la lutte d’influence pour la Bulgarie, qui est dans tous les cas devenue une pièce importante sur l’échiquier de la Nouvelle guerre froide. 

Andrew Korybko
Source

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Sputnik News le 8 mars 2019.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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