Pourtant, moins il y a de radars sur les routes et moins il y a de morts…
Le Parisien titre sur un scoop : les radars vandalisés – 60% du parc total officiellement – coûteraient 512.8 millions d’euros à l’État, donc au contribuable. De quoi mettre un peu d’eau au moulin de la communication du gouvernement contre les Gilets jaunes. En réalité la vraie facture est dix fois inférieure. « Et serait même de zéro si l’État comprenait une fois pour toutes que les Français ne veulent pas de radars sur leurs routes : certains ont déjà été incendiés à plus de cinq reprises au même emplacement depuis la crise des Bonnets Rouges », remarque Paul, un Gilet jaune breton rencontré sur un rond-point.
Selon Valérie Rabault (PS), ex-rapporteur général du budget à l’Assemblée Nationale, « on peut tabler sur 500 millions d’euros de manque à gagner pour l’État et 50 millions de réparations », soit une vraie facture de 50 millions d’euros. Le Parisien arrive de son côté à 82.3 millions d’euros de réparations et 430 millions d’euros de manque à gagner.
Des estimations hasardeuses
Cependant ces deux chiffres sont des estimations, dont rien n’est vraiment sûr. Le manque à gagner est estimé sur un an… et à la louche, comme le précise le Parisien : « nous tablons sur une progression linéaire des radars hors service : 10 % des radars en juillet, 20 % en août… Jusqu’à 60 % en décembre […] Puisque, selon nos sources, il faudra au moins six mois pour remettre en état le parc des radars, nous avons également considéré que la remise en état serait progressive : 10 % réparés en janvier, 20 % en février… ».
Pareil pour les réparations, dont les coûts ont été uniformisés et simplifiés : 40.000 € par radar fixe en moyenne, 100.000 par radar tronçon. Avec des si, on peut mettre Paris dans une bouteille. Idem, plutôt que de rechercher quels radars ont été dézingués – et comment – le Parisien semble avoir pris 60% des radars de chaque catégorie : soit 1196 radars fixes (47.6 millions d’euros de réparations estimées), 417 radars feux rouges, 244 discriminants, 61 radars tronçons et 47 de passage à niveau. Ce qui fait beaucoup trop d’approximations pour que le calcul final soit juste.
Des statistiques plus fiables existent pourtant – ce sont notamment celles du site spécialisé Radars-auto.com qui compile les radars détruits par le feu. Ainsi, le 15 janvier, le site fait un nouveau bilan : 65% des radars sont hors service – mais la plupart ne sont que repeints, recouverts ou bâchés, comme on peut s’en rendre compte aisément lorsqu’on circule sur les routes.
Près de 400 – soit 1 sur 7 – sont incendiés. Au début, à raison de 10 par nuit, maintenant au rythme de deux par nuit. Ce qui n’empêche pas des pointes locales : 10 en Vendée mi-janvier, 7 autour d’Avignon puis quatre ailleurs dans le Vaucluse fin décembre, 5 autour de Rethel (08) – les auteurs ont été identifiés et condamnés à huit mois de prison dont 6 avec sursis, 4 près du Puy-en-Velay (43) début janvier, trois dans le Gers (32) début janvier encore…
En Vaucluse (84) et Lot-et-Garonne (47), ce sont 16 radars qui ont été incendiés. Et en Haute-Loire (43), Saône-et-Loire (71), Drôme (26), Finistère (29) et Ille-et-Vilaine (35) dix ou plus. En revanche, aucun n’a encore été incendié dans la petite couronne parisienne qui en compte pourtant beaucoup.
Dans le détail, il s’agit de 315 cabines radars classiques, 45 discriminants, 41 radars autonomes et 2 radars tronçons. Cependant, difficile de chiffrer le coût des réparations car certains radars sont complètement retirés du réseau routier – par exemple en Côte d’Or (21) ou dans les Ardennes (08), et d’autres remplacés par des radars de génération plus récente. Et comme il est aussi envisagé de ne pas les remplacer du tout, mais privilégier les radars embarqués, mobiles – fixés sur le mobilier urbain et déplaçables – ou autonomes, eux-aussi déplaçables, il est encore plus compliqué de savoir si ces radars seront remplacés ou non, et par quoi.
L’estimation du Parisien très largement surestimée ?
Cependant, même en reprenant l’estimation du Parisien, c’est-à-dire « Jusqu’à 80 000 € pour un radar fixe, le plus courant » s’il est entièrement détruit, nous arrivons à 32 millions d’euros de réparations pour les radars brûlés.
Pour un radar cabossé, repeint ou bâché, l’intervention est facturée 500 euros – ce sont d’ailleurs les mêmes sociétés qui assurent l’entretien que celles qui fabriquent les radars, le tout dans un marché très restreint et assez opaque. Ce qui permet d’ailleurs de s’interroger sur la réalité des coûts facturés, et sur la connivence entre décideurs politiques et entreprises concernées qui empêche de revoir ces coûts à la baisse pour le contribuable.
Il est en effet assez curieux que le simple retrait d’une bâche ou d’un gilet jaune posé sur un radar soit facturé 500 €, tout comme le remplacement des vitres brisées ou peintes – dans la plupart des radars se trouve en effet une petite boîte avec des vitres de rechange, pour faciliter les réparations. Il suffit pour l’agent réparateur d’ouvrir le boîtier, remplacer la vitre et refermer. En revanche nettoyer un radar complètement repeint ou le débosseler a un coût.
Comme ce sont surtout les radars fixes (1993), les radars discriminants (407) et les radars autonomes (275 cabines) qui sont pris pour cibles, on peut essayer de faire un calcul concernant les dégradations et les bâchages, en partant de l’estimation de 69% du parc des radars hors service selon une estimation de 20 Minutes mi-janvier, et en retirant les radars incendiés, soit 2675 radars en tout, 1846 hors service dont 401 incendiés, soit 1445 radars dégradés légèrement, repeints ou bâchés. Toujours en reprenant l’estimation du Parisien, on arrive à 722.500 € de coûts de réparation.
Soit en tout près de 33 millions d’euros de réparations, un tiers de moins que ce qui est avancé par le député PS Valérie Rabault et 2.5 fois moins que le chiffre avancé par Le Parisien. Qui avec des si et pas mal d’approximations met les radars en bouteille pour démontrer ce qu’avance le gouvernement : les Gilets jaunes coûtent au contribuable.
Les radars continuent à prendre cher
D’autres, plus légèrement dégradés (repeints) ou recouverts (bâche, objets divers) sont réparés plus facilement – comme ceux de Trignac, Vallet et de Clisson en Loire-Atlantique, de Fougères sud et Châteauneuf en Ille-et-Vilaine. Cependant le radar de Trignac a été à nouveau bâché en fin de semaine dernière, et celui de Fougères sud encore repeint.
D’autres continuent à être installés, compilés par Radars-auto.com : un radar autonome (de chantier) à Verdun sur la RN20 le 16 janvier, un autre au Parcq (pas de Calais) le lendemain, trois le 21 à Pringy (Haute-Savoie), Hirson (Aisne), Sabran (Gard), etc. Nombre d’usagers flashés affirment cependant ne pas recevoir de PVs : il se trouve que le centre de traitement automatisé des radars à Rennes (CNT) est quasiment en chômage technique, et reçoit nombre d’images illisibles car les radars ont été repeints ou bâchés.
Si le gouvernement ne désarme pas, les Français non plus. En Sarthe (72), 15 radars sur 22 sont hors-service, dans l’Aude (11) au moins 8 dont tous ceux des abords de Narbonne, dans le Vaucluse (84) et en Charente (16) ils sont tous hors service. Le Courrier Picard a sillonné la Picardie et n’a relevé que deux cabines en état en Oise (Blincourt et Arsy), ainsi que quatre en Somme (Tilloloy, Grivilliers, Glisy, Fouilloy), en Corrèze d’après le préfet la moitié sont hors service – contre 5 sur 21 à Noël – dont deux brûlés (Burg sur la RD901 et le tunnel de Cornil sur la RD1089).
Louis Moulin
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