Et là, patatras : le scénario prévisible, pour ne pas dire le scénario prévu, est perturbé par un bataillon d’authentiques gilets jaunes qui s’agenouillent devant la tombe et chantent « La Marseillaise ». Sur le plateau, le ministre reste coi. Il semble pris au dépourvu. Relancé par le journaliste de service, Laurent Nuñez se met alors à réciter des éléments de langage qui tombent complètement à plat dans ce nouveau contexte : « Euh, certes… vous voyez qu’ils chantent “La Marseillaise”, mais vous voyez bien que ce n’est pas ce que nous voyons sur le terrain. » Traduisons : ce que vous voyez de vos propres yeux est moins fiable que ce que le gouvernement et les médias vous racontent.
Mais le plus saisissant est à venir ; toujours sous le coup de cette « Marseillaise » impromptue, le secrétaire d’État crache inconsciemment le morceau : à deux reprises, il répète « l’image que je veux retenir, l’image que je veux retenir [vous aurez correctement traduit par l’image que nous voulons donner de ce mouvement], ce sont des gens qui sont extrêmement violents, qui sont venus pour casser et qui s’en prennent aux forces de l’ordre ». C’était en contradiction totale avec ce qui défilait à ce moment-là à l’écran, mais cela correspond très exactement aux images que les médias ont servies aux Français tout le reste de la journée. Un esprit soupçonneux dirait que Laurent Nuñez a simplement vendu la mèche, qu’il a quasiment avoué en direct que le pouvoir médiatique et le pouvoir policier étaient de mèche pour allumer, à Paris et si possible en Province, les mèches susceptibles de mettre le feu aux poudres.
Complotisme, me direz-vous ? Eh bien, il me semble que nous avons le choix, dans cette affaire, entre être complotistes et être cons tout court, dans la mesure où notre vice-ministre de l’Intérieur nous a aussi expliqué qu’il y avait 4.000 CRS et gendarmes déployés à Paris pour 5.000 manifestants, et 60.000 policiers déployés en province pour 70.000 manifestants. Si, dans ces conditions, le pouvoir a été dépassé, il n’y a que trois explications possibles : soit ceux qui dirigent nos forces de l’ordre sont nullissimes, soit le pouvoir politique a grossièrement menti sur les chiffres, soit ce pouvoir a volontairement organisé le chaos.
Mais pourquoi nos dirigeants auraient-ils ainsi instrumentalisé les milices d’extrême gauche et les casseurs-pilleurs ? Une première explication s’impose : il s’agissait bien évidemment de séparer les gilets jaunes de cœur des gilets jaunes de terrain en discréditant le mouvement. Malheureusement, c’est du déjà-vu des dizaines de fois depuis trente ans. C’est presque devenu le b.a.-ba de la gestion des mouvements sociaux. Une autre explication est possible, mais elle est aussi plus inquiétante. Dimanche matin, le syndicat de police Alliance a réclamé l’instauration de l’état d’urgence, ce à quoi le ministre Castaner a répondu que l’hypothèse n’était pas taboue.
Il n’en fallait pas plus pour embraser les réseaux sociaux où moult commentateurs craignent que ce climat délétère ne serve de prétexte à Emmanuel Macron pour réprimer sévèrement les manifestants pacifiques ou même pour activer l’article 16 de la Constitution afin de s’arroger, temporairement, les pleins pouvoirs. Allons, allons… ne sombrons pas dans le complotisme !
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