17 novembre 2018

Édouard Philippe veut imposer le télétravail pour les Français en arrêt maladie


Édouard Philippe a évoqué la piste du télétravail pour favoriser une reprise progressive des salariés absents pour raisons de santé. Le gouvernement cherche à réduire le coût des arrêts maladie, en hausse depuis plusieurs années.

Comment endiguer la hausse annuelle de 4 % du coût des arrêts de travail ? L’assurance maladie et le gouvernement cherchent désespérément des pistes pour réduire de 200 millions d’euros l’enveloppe de 7 milliards d’euros consacrée en 2017 aux indemnités journalières. Soit 7,4 millions d’arrêts maladie prescrits dont la majorité (60 %) ont une durée inférieure à 15 jours.

Le Premier ministre, Édouard Philippe, a mandaté l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui, ce mardi soir, a réuni tous les acteurs - médecins, syndicats du patronat et des salariés, et représentants des patients - pour faire un point d’étape. Un état des lieux a été dressé, et plusieurs pistes évoquées dans un document que nous avons pu consulter.

Parmi elles, celle d’un retour précoce au travail, lors d’un arrêt maladie, en ayant recours au télétravail. Piste évoquée ce mercredi matin sur RTL, par le Premier ministre qui n’est pas entré dans les détails. En réalité, c’est tout un arsenal que propose l’Igas qui va réunir une dernière fois les partenaires sociaux les 28 et 29 novembre avant de rendre sa copie au Premier ministre le 13 décembre. Objectif de cette boîte à outils : que les salariés arrêtés perdent le moins possible l’habitude de travailler. Un point sur ces mesures.

Réduire la durée des arrêts en favorisant le télétravail. L’Igas a fait un constat à la fois simple et inquiétant : 50 % des salariés arrêtés plus de six mois ne reprennent jamais le travail. D’où cette idée de réduire au maximum le recours et la durée des arrêts maladie. Comment ? En faisant « pression » sur les salariés et les médecins pour qu’ils prescrivent des arrêts très courts dès le départ. Pour cela, il faudra manier la pédagogie. L’idée, c’est d’inciter le patient à discuter avec son employeur d’une reprise anticipée grâce au télétravail.

Une nouvelle case sur la feuille de maladie. L’Igas a constaté que pour les arrêts longue durée (supérieurs à 15 jours d’arrêt), un quart avait pour cause les conditions de travail. Pour inciter le salarié à reprendre plus vite le travail ou éviter son installation dans la maladie, l’Igas suggère d’introduire sur la future feuille d’arrêt une nouvelle case à cocher par le médecin : « Voir la médecine du travail ». Si cette case est cochée, l’employeur devrait alors organiser un rendez-vous entre le salarié et le médecin du travail pour régler le problème et accélérer la reprise du travail. C’est le volet accompagnement du retour au travail. Un point d’autant plus important que l’accroissement du nombre d’arrêts de travail est en grande partie liée à la réforme des retraites qui a repoussé l’âge d’arrêt d’activité. Les salariés seniors se retrouvent plus nombreux à poursuivre leur activité, souvent sans adaptation de leurs conditions de travail, ils tombent donc plus souvent et plus longtemps en maladie.

Augmenter les contrôles et convocation par SMS. Chantier déjà engagé depuis plusieurs mois, la dématérialisation des arrêts de travail pourrait intervenir rapidement. La prescription d’un arrêt maladie devenue électronique serait alors transmise via Internet à l’employeur qui pourrait plus rapidement demander un contrôle en cas de doute sur la légitimité de cet arrêt. Le salarié concerné pourrait alors se voir convoqué pour un contrôle, par SMS. Des expérimentations seraient déjà en cours, ce que l’assurance maladie ne nous a pas confirmé.

Permettre l’arrêt maladie à temps partiel. « Aujourd’hui, explique un médecin, on ne peut pas accorder un arrêt à temps partiel à un patient déprimé parce que, par exemple, son enfant est en chimiothérapie. Il faut d’abord un arrêt complet. » Consciente de cet obstacle, l’Igas propose que le médecin puisse, dès le premier rendez-vous, prescrire un arrêt de travail à temps partiel, par exemple à mi-temps.

Pas de pistes sur les jours de carence. L’idée avait été avancée par le ministère de la Santé cet été : augmenter le nombre de jours de carence, c’est-à-dire sans indemnisation du salarié par l’assurance maladie. Idée qui avait suscité un tollé au Medef qui se voyait déjà contraint d’augmenter sa part d’indemnisation des salariés arrêtés. Édouard Philippe avait rapidement fait marche arrière. L’Igas semble l’avoir entendu.

Un médecin contrôleur mandaté par l’employeur ? Nul ne sait si cette demande du Medef sera retenue, mais elle est clivante : le patronat veut pouvoir dire son mot sur un arrêt de travail. Pourquoi ? Parce que dès lors que le salarié en arrêt à plus d’un an d’ancienneté, l’employeur est tenu de lui verser une indemnité complémentaire à celle versée par l’Assurance maladie afin de maintenir l’intégralité de son salaire durant l’arrêt. Cette contribution frise les 50%, l’assurance maladie ne compensant que la moitié du salaire journalier. Les employeurs souhaitent donc pouvoir mandater un médecin pour contrôler les malades et si la prescription n’est pas jugée légitime, pouvoir annuler l’indemnisation du salarié. « Nous ne sommes pas du tout d’accord avec cette mesure qui vise à privatiser le contrôle », réagit Fereuze Aziza, représentante de France asso santé, qui fédère les associations de patients. Jusque-là, seule l’assurance maladie est habilité aux contrôles, y compris à la demande de l’employeur. « Avec le système voulu par le Medef, on peut avoir plus que des doutes sur l’impartialité du contrôle et le respect du contradictoire», insiste Fereuse Aziza.
POURQUOI TANT D’ARRÊTS ?
7 millions d’arrêts de travail ont été prescrits en 2017. /LP

Le vieillissement des salariés, lié à la réforme des retraites, explique en partie l’envolée de 10 % des dépenses d’arrêts maladie depuis trois ans. La reprise de l’emploi est l’autre raison de cette hausse : plus de gens qui travaillent, c’est forcément plus de gens qui s’arrêtent, note l’Igas.

Parmi les autres causes identifiées, les inspecteurs ont relevé que les médecins « surprescripteurs » d’arrêts ne seraient pas plus de 500 à 600, sur un total de 60 000 généralistes en exercice, soit 1 %. Un taux particulièrement faible.

Agir sur les arrêts courts peut paraître une piste importante d’économies : les arrêts de moins de 15 jours représentent, en effet, 60 % des 7 millions d’arrêts prescrits en 2017. Sauf que ces 60 % ne représentent que 9 % de la dépense, soit 660 millions d’euros. Pour économiser 200 millions d’euros en 2019, il faudrait réduire d’un tiers le volume de ces arrêts, ce qui semble très ambitieux.

 
Idée : mettre des caméras pour surveiller les personnes en arrêt de travail et les pister avec un tracker GPS ???

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