Pourquoi l’armée US n’est (mal)heureusement pas préparée pour un conflit conventionnel majeur
Seule une nation qui envisage d’envahir et d’occuper d’autres pays, et qui se retrouvera toujours dans un environnement hostile, aura besoin de tant de véhicules de transports blindés. Aucune autre armée majeure dans le monde n’a décidé de suivre ce nouveau modèle américain. Cela est peut-être dû au fait que le principal devoir de leurs forces armées est de se défendre. Les armées de défense nationale n’ont pas besoin de se préparer à combattre une population autochtone hostile.
Sommaire
Armée US : état des lieux [1/3] Introduction et Contexte impérial
Armée US : état des lieux [2/3] Contre-insurrection et déboires de l’US Navy
Armée US : état des lieux [3/3] Catastrophe du JSF et Corruption institutionnelle
Contre insurrection
L’expérience militaire américaine en matière d’occupation et de contre-insurrection a déterminé la priorité des projets d’acquisition et de conception des véhicules blindés du futur, mais elle a également entraîné une focalisation excessive des ressources sur un sous-ensemble, traditionnellement élitiste, limité, et spécialisé, des forces de combat conventionnelles, les opérations spéciales.
Accident de l’USS MacCain
Toutes les forces de défense nationales modernes efficaces gèrent un petit groupe d’unités d’opérations spéciales. Ces unités sont composées de soldats hautement motivés, entraînés et très qualifiés, capables d’effectuer un grand nombre de tâches militaires, mais se concentrant spécifiquement sur des sous-ensembles de guerres asymétriques, hybrides et très ponctuels. Elles complètent et renforcent les forces de combat conventionnelles, et agissent souvent comme des démultiplicateurs de force significatifs dans tout conflit.
Avant les guerres américaines d’occupation en Afghanistan et en Irak, les États-Unis ont mis en place une solide force d’opérations spéciales comprenant des unités de tous les services. Les investissements considérables dans ces forces hautement sélectives, les normes élevées requises et les exigences extrêmement difficiles en matière de formation, ont toujours limité la quantité de ces forces. Cependant, cela a beaucoup changé au cours des 17 dernières années. La nécessité d’avoir des soldats dotés de compétences spécifiques à la contre-insurrection en Irak et en Afghanistan conduit à une focalisation et à une demande accrue d’opérations spéciales. Depuis 2001, les forces d’opérations spéciales relevant du Special Operations Command (SOCOM) sont passées de 42 800 hommes à environ 63 500 aujourd’hui. Le financement spécifique aux opérations spéciales a été multiplié par quatre au cours de la même période, passant de $3,1 milliards à $12,3 milliards. Selon le SOCOM, 8 300 opérateurs spéciaux, en moyenne, sont présents dans pas moins de 149 pays du monde, chaque semaine, et dans 70 pays chaque jour.
L’U.S Special Operations Command a accès à des unités hautement qualifiées issues de toutes les branches de l’armée américaine.
Il ne fait aucun doute que la focalisation excessive du Pentagone sur la contre-insurrection – le département d’État est également responsable – a conduit à l’aventurisme militaire américain, l’impliquant dans les conflits internes de 75% des pays du monde. Cette implication militaire clandestine dans les conflits civils ou régionaux de la majeure partie de la planète a-t-elle vraiment quelque chose à voir avec la sécurité nationale américaine ? Cela sécurise-t-il les États-Unis ou cela crée-t-il seulement plus d’ennemis ? Le SOCOM a même déployé des moyens pour entraîner clandestinement la population civile des États-Unis, ce qui constitue une violation flagrante du Posse Comitatus Act de 1878 [Interdiction faite à l’armée de s’occuper des affaires civiles domestiques].
Cette surdétermination excessive des opérations spéciales a entraîné une atrophie des structures et des établissements martiaux plus traditionnels. Alors que les forces armées de la Fédération de Russie sont restées à la pointe du développement des blindages et de l’artillerie modernes, et ont fait avancer les tactiques correspondantes, les États-Unis ont pris beaucoup de retard. Même l’Armée chinoise de libération du peuple a fait de grands progrès dans ces domaines de la guerre conventionnelle par rapport aux États-Unis. Les États-Unis ont certes les ressources économiques et la capacité technique pour combler le fossé, mais les forces militaires doivent être réorientées vers les combats de guerres conventionnelles.
Le secrétaire Mattis a évidemment reconnu la nécessité de se focaliser sur l’approvisionnement des forces conventionnelles, ainsi que sur le financement des efforts de R & D dans le domaine de l’artillerie de campagne, des missiles, des véhicules de combat blindés tels que l’AMPV et d’un nouveau char de combat principal (MBT). En identifiant des adversaires à parité comme la plus grande menace pour la sécurité nationale, le secrétaire Mattis est conscient du fait que les États-Unis ne doivent pas perdre de temps pour combler le fossé technologique et qualitatif qui existe actuellement entre les forces de combat conventionnelles des États-Unis et celles de la Russie et de la Chine, respectivement.
Une marine en déroute
Alors que les forces terrestres des États-Unis ont souffert de deux décennies d’occupation et de contre-insurrection, qui ont transformé une force de combat conventionnelle équilibrée et à forces combinées, en une force obsédée par les engins piégés, les insurgés et la guérilla, l’US Navy semble avoir perdu toute idée de son rôle en matière de sécurité nationale. Après deux décennies de contrôle absolu des mers et de capacité à utiliser des frappes aériennes à partir des porte-avions pour pilonner des adversaires inférieurs – aucun d’entre eux ne possédant ni une marine, ni une force aérienne digne de ce nom, ni un réseau de défense anti aérienne moderne, ni une capacité anti-navale basée à terre – la marine américaine a semblé déterminée à dériver encore plus loin vers l’insignifiance dans tout conflit futur. À moins qu’elle ne compte s’engager dans des batailles contre des adversaires considérablement plus faibles, la marine américaine ne disposera d’aucun avantage sur ses deux adversaires les plus puissants, la Russie et la Chine.
La marine américaine ne s’est pas engagée dans un combat naval majeur, avec un adversaire à parité, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Pendant la guerre froide, les États-Unis et l’Union soviétique se tenaient en grande partie à distance, avec une concurrence très étroite se traduisant par des avancées significatives dans la guerre navale. Ils ne se sont livrés à aucune action hostile vérifiée. Bien que la marine américaine ait combattu les forces militaires libyennes en 1986 dans le golfe de Sidra, elle a également coulé une petite flotte de navires de faible tonnage de la marine irakienne lors de la « bataille de Bubiyan » – ce n’est pas vraiment une bataille et la plupart des combats ont été menés par des hélicoptères de la marine britannique – ces engagements étaient généralement à sens unique et personne ne pouvait jamais dire que les résultats étaient une surprise. Quoi qu’il en soit, la marine américaine a apparemment décidé qu’il s’agissait d’une force invincible pouvant aller où bon lui semble et que personne ne pouvait lui faire obstacle. Un tel hubris et une telle arrogance sont l’une des raisons pour lesquelles elle se porte si mal à ce jour. L’autre raison doit sûrement être attribuée à un complexe militaro-industriel qui a vendu ses services pour de coûteux projets chimériques d’armes miraculeuses qui n’ont pas été à la hauteur de leur battage médiatique. Tout cela accompagné d’énormes profits. Les exemples les plus flagrants sont les suivants :
Le navire de combat près du littoral (LCS)
Basé sur le concept, erroné depuis le début, d’un petit combattant de surface pouvant être adapté au cas par cas à des tâches spécifiques, par opposition au concept polyvalente traditionnel, le Littoral Combat Ship (LCS) était en grande partie condamné pour un certain nombre de raisons. Deux conceptions différentes ont obtenu des contrats : le trimaran Independence Class conçu par General Dynamics et le monocoque Freedom Class conçu par Lockheed Martin. La décision de produire deux modèles différents pour répondre aux besoins d’une même classe aurait dû être considérée comme problématique. Dans ce cas, la marine acceptait la responsabilité et les coûts associés à la maintenance de deux plates-formes différentes, avec des besoins et des calendriers de maintenance distincts, sans oublier deux programmes de formation distincts pour les équipages.
Le concept du LCS divergeait également à bien des égards et, très franchement, on attendait beaucoup trop d’un navire de taille inférieure à une frégate conventionnelle. L’US Navy s’attendait à ce que le navire conjugue une puissance de feu importante, une modularité adaptée à pratiquement toutes les formes de guerre navale moderne, ainsi que les nouvelles technologies de mise en réseau et d’information permettant de réduire au minimum les effectifs requis. Il en résulta que les membres des forces armées qui devaient utiliser ce navire à contrecœur l’on nommé « Little Crappy Ship » [petit bateau merdique]. Les coques des navires en aluminium et matériaux composites (Classe Independence) ou en acier léger (Classe Freedom) fournissent peu de protection blindée, la puissance de frappe offensive est loin d’être suffisante pour la guerre de surface ou pour le soutien aux forces déployées à l’intérieur des terres.
Cette image de l’USS Independence en construction montre clairement la structure en aluminium de la coque. L’aluminium offre peu de protection blindée, brûle vite à haute température et entraîne une corrosion accrue des composants en acier du système de propulsion dans les zones où les métaux dissemblables se trouvent à proximité immédiate de la ligne de flottaison.
En raison de son incapacité à répondre aux attentes de l’US Navy ou sous la surveillance du Congrès, la taille totale de la flotte de navires LCS a été ramenée des 50 initialement prévus à 32. Les dépassements de coûts du projet, de nombreuses défaillances importantes dans le système, et la taille réduite de la flotte ont entraîné un coût total de $12,4 milliards pour les 26 premiers navires. Le Congrès américain a plafonné le coût unitaire du navire à $480 millions, portant ainsi le coût total théorique à $15,5 milliards. Le tout pour un navire qui a une chance minimale de survivre à la plupart des scénarios de combat naval modernes. Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’US Navy ait décidé de commencer à construire une frégate polyvalente, baptisée FFG (X), afin de rattraper les échecs du LCS.
Le DDG 1000 Zumwalt Class
Si le LCS n’a pas été une déception énorme et sans équivoque, le destroyer furtif tant vanté, le DDG-1000 de la classe Zumwalt a été un embarras total et un échec cuisant. Considéré comme un changeur de donne de haute technologie, le DDG-1000 était censé utiliser de nouvelles technologies puissantes, une capacité de feu écrasante et un système de propulsion et de production d’énergie ultra-performant, le tout enveloppé dans une furtivité qui le rendrait invisible. Bien que conçu comme un navire de combat de surface à missions multiples, l’accent a été mis sur l’appui naval au tir de surface (NSFS) dans les eaux littorales. En raison d’un certain nombre de facteurs, principalement le coût exorbitant du programme, la Marine tente maintenant de trouver une utilité aux navires de la classe Zumwalt.
À l’origine, la Marine avait l’intention de construire 32 de ces destroyers furtifs, mais son coût initial exorbitant, et la dérive des coûts de production, ont amené la Marine et le Congrès américain à réduire la flotte à 24, puis 16, puis 7 et enfin à 3 navires. Parallèlement, le coût par navire a considérablement augmenté, de même que le coût de tous les systèmes spécifiques à une classe, notamment les systèmes d’armes, de production d’énergie et les systèmes de propulsion. Le coût par navire s’élève à plus de $7,5 milliards.
Le système avancé de canon de 155 mm (AGS), Mark 51, conçu spécifiquement pour le DDG 1000 a été étudié pour tirer des obus guidés sur une distance supérieure à 150 km, avec une marge d’erreur de seulement 50 mètres. Chaque DDG 1000 est équipée de deux AGS sur le pont avant. Ces canons ont été prévus pour frapper avec précision les objectifs côtiers afin de soutenir les forces terrestres alliées et les forces de débarquement amphibies. Lockheed Martin et BAE Systems ont mis au point le projectile d’attaque au sol à longue portée (LRLAP) destiné à l’AGS, mais en raison de la flotte actuelle de 3 navires, le coût unitaire de chaque projectile est passé à plus de $800 000. La Marine avait déjà acheté 90 obus avant que la décision ne soit prise de cesser d’acheter ces projectiles en raison des coûts prohibitifs.
Le DDG-1000 utilise les mêmes moteurs à turbine à gaz Roll-Royce MT-30 que les navires LCS (vus plus haut) de la classe Freedom. Cependant, dans le cas des destroyers, la turbine à gaz doit nourrir un réseau électrique important qui alimente non seulement les moteurs électriques qui propulsent le navire, mais aussi presque tous les autres systèmes embarqués, y compris les systèmes d’armes. L’arrangement s’avère problématique, car les deux premiers navires de la classe ont tous deux subi des pannes et des avaries sur les moteurs principaux. Le DDG-1001 USS Michael Monsoor a subi des dommages aux aubes de turbine de l’un de ses principaux moteurs lors des essais en mer qui ont eu lieu en février de cette année. Le moteur Rolls Royce MT-30 devra être remplacé pour un coût de $20 millions. Le DDG-1000 USS Zumwalt est caricaturalement tombé en panne lors de son transit du Maine à San Diego, il a dû être remorqué du canal de Panama à son nouveau port d’attache.
La marine américaine a maintenant du mal à trouver un nouveau créneau pour les DDG-1000. Maintenant que leur mission d’appui naval au littoral (NSFS) est mort-née, ils sont en train de devenir des plate-forme pour frapper des cibles à terre avec des missiles de croisière d’attaque terrestre (LACM) et engager d’autres navires de surface avec un missile de croisière anti-navires (ASCM) qui n’a pas encore être mis en service. Les DDG-1000 manquent d’une forte capacité de guerre anti-aérienne (AAW) et seraient donc liés à d’autres composants de la flotte tels que les DDG-51 de classe Arleigh Burke et les CG de classe Ticonderoga qui possèdent de fortes capacités anti-aériennes. Pour donner une utilité à l’USS Zumwalt, la marine a ajouté des systèmes d’armes, des radars et des antennes de communication traditionnels à la superstructure furtive, annulant sans aucun doute sa signature radar minimale. Il reste à savoir quelles munitions seront fournies pour les deux tourelles AGS, car il n’existe pas de munitions autres que le LRLAP, dont le coût est prohibitif.
La dernière révision du navire de la classe DDG-1000 Zumwalt qui possédait autrefois une superstructure lisse et sans accrocs est maintenant gâchée par divers réseaux sensoriels et de communication externes. Deux canons de pont arrière pour la défense rapprochée ont également été rajoutés.
Le CVN-78 de la classe Gerald R. Ford
Comme si l’US Navy n’en avait pas eu assez avec le gaspillage de $38 milliards sur les programmes défaillants du LCS et du DDG-1000, une entreprise encore plus grandiose a été envisagée pour le service. Elle révolutionnerait le bien trop important et largement obsolète « super porte-avion ». C’est un fait largement accepté que la marine américaine est obsédée par les porte-avions depuis la Seconde Guerre mondiale et par les batailles navales cruciales entre la marine américaine et la marine impériale japonaise. Cette obsession est bien vivante à ce jour et apparemment à l’abri des réalités de la technologie des missiles modernes, en particulier en ce qui concerne le guidage, la vitesse, la portée et l’avènement de véhicules aériens sans pilote (UAV) armés et semi-autonomes de plus en plus meurtriers.
La US Navy avait lancé en 2005, avec la construction avancée du CVN-78, un programme visant à remplacer les porte-avions à propulsion nucléaire de la classe Nimitz, qui constituent actuellement la composante centrale des groupes de frappe de porte-avions (ASG), au nombre de dix – avec le CVN-65 Enterprise supplémentaire en réserve. En 2008, la marine américaine a signé un contrat avec Northrop Grumman Shipbuilding d’une valeur d’environ $5,1 milliards pour la construction du premier d’une série de quatre porte-avions. L’objectif est de construire un navire par période de quatre ans dans le cadre du calendrier de financement actuel. La classe Gerald R. Ford était censée tirer parti d’un certain nombre de nouvelles technologies et améliorer considérablement l’efficacité de ses opérations par rapport à la classe précédente du Nimitz.
Le coût initial estimé du CVN-78 s’élevait à environ $10 milliards (le Congrès américain a plafonné le prix à $10,5 milliards en 2007), le coût total du navire a dépassé $13 milliards en mai de cette année lorsqu’il a été révélé que le système avancé d’ascenseur pour monter les avions et les munitions et un vérin principal de poussée avaient subi des dommages lors d’essais en mer et devaient être réparés. Le CVN-78 est de loin le navire de guerre le plus cher jamais construit. Dans un geste controversé, il a été décidé de tenter l’incorporation, dans la nouvelle conception, d’un certain nombre de nouveaux systèmes non éprouvés. Rétrospectivement, cette décision devait entraîner des dépassements de coûts et une période de rodage plus problématique. Les nouveaux systèmes intégrés dans le Gerald R. Ford comprennent le catapultage électromagnétique des aéronefs (EMALS), le freinage des aéronefs à l’appontage, l’élévation d’armes depuis les ponts inférieurs, un radar à double bande (DBR) et un réacteur nucléaire plus puissant.
Il y a eu beaucoup de discussions au sein de la Marine sur la pertinence d’introduire autant de nouvelles technologies sur une seule et même plateforme. De nombreux officiers supérieurs ont fait valoir que le règlement des problèmes, prévisibles et imprévisibles, liés à la mise en service de nombreuses technologies nouvelles entraînerait de graves retards. Cette opinion a été confirmée, car Gerald R. Ford a immédiatement rencontré des problèmes avec à peu près tous ses nouveaux systèmes. Le navire a connu deux dysfonctionnements de la propulsion principale au cours de l’année écoulée, le système avancé de frein d’appontage s’est avéré peu fiable et le système de catapultage EMALS – ainsi que d’autres «systèmes critiques» – a affiché une «fiabilité faible ou inconnue» selon l’évaluation opérationnelle de la Marine après des tests. Lors des premiers essais, le système EMALS n’avait pas été en mesure de catapulter un avion d’attaque F-18 en pleine charge de combat. Tous ces problèmes ou lacunes ont été mis en évidence lors d’essais en mer et le navire est retourné au chantier naval de Newport News, dans l’État de Virginie, le 15 juillet 2018, pour y subir d’importantes réparations et améliorations.
Cette situation n’aurait pas dû surprendre la plupart des architectes, ingénieurs navals et officiers de ligne qui ont commandé des navires, sachant que les problèmes susmentionnés étaient inévitables. La grande question est de savoir pourquoi les dirigeants de la marine ont choisi une telle plate-forme. Quel est l’intérêt d’investir autant d’argent et d’efforts dans un navire aussi grand et sophistiqué – sans parler du fait que l’efficacité de nombreux systèmes critiques n’est pas prouvée – lorsque, par ailleurs, les porte-avions sont devenus si vulnérables aux missiles modernes anti-navires ? Qui plus est, pourquoi investir autant dans un nouveau transporteur plutôt que dans l’augmentation de la portée et de la puissance de frappe des aéronefs embarqués ? Un porte-avions ne vaut rien sans une flotte aérienne puissante et flexible.
Vulnérabilités de la flotte aérienne du porte-avion
Tant le président Trump que divers responsables de l’administration et sénateurs se vantent de la puissance de l’armée américaine, citant souvent un budget de défense croissant comme indicateur de cette puissance, de son efficacité et de sa fiabilité, il ne fait aucun doute que l’aviation navale américaine s’est atrophiée au cours de décennies d’abus, de négligence et de mauvaises décisions aux plus hauts niveaux. L’aviation navale américaine est sans doute dans son pire état depuis les premiers jours du théâtre du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale. Non seulement elle est en mauvais état, mais elle est mal équipée pour la lutte contre un adversaire à parité.
Parlons maintenant du premier problème : le nombre de plus en plus restreint d’appareils de portée de plus en plus réduite. Au cours de la dernière décennie de concurrence navale lors de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, les porte-avions de la classe Nimitz se sont déployés avec neuf, voire dix escadrons d’avions. Aujourd’hui, ce nombre a été réduit à six. Plus important encore, le F/A-18 Hornet et le Super Hornet sont les seuls aéronefs utilisés pour les opérations de combat, avec toutes leurs lacunes inhérentes, notamment une portée opérationnelle limitée à 700 km en pleine charge d’armes et de carburant.
Les appareils qu’il a remplacés, le A-7 Corsair II et le A-4 Skyhawk de la Marine, ainsi que le F-4 Phantom du Marine Corps, avaient tous une portée opérationnelle beaucoup plus longue et tous sauf le A-4 avaient une plus grande capacité de charge utile en armements. Le F/A-18 est un homme à tout faire et un champion inégalable. Pour tenter de réduire les coûts – bien que peu d’avions de combat aient déjà opéré à un coût inférieur à celui du A-4 Skyhawk – en utilisant une seule structure pour tous les rôles, l’US Navy a mis tous ses œufs dans le même panier, et celui-ci n’est pas à la hauteur de la tâche. Cela ne veut pas dire que le F/A-18 Hornet et le F-/A-18E/F Super Hornet sont de mauvais avions. L’avion ne peut simplement pas faire tout ce qui lui est demandé, comme beaucoup d’autres avions. Il en résulte une flotte aérienne moins capable à tous égards, qui ne peut pas concurrencer et exceller dans un conflit futur face à un adversaire à parité.
Le CVN-78 de la classe Gerald R. Ford
Comme si l’US Navy n’en avait pas eu assez avec le gaspillage de $38 milliards sur les programmes défaillants du LCS et du DDG-1000, une entreprise encore plus grandiose a été envisagée pour le service. Elle révolutionnerait le bien trop important et largement obsolète « super porte-avion ». C’est un fait largement accepté que la marine américaine est obsédée par les porte-avions depuis la Seconde Guerre mondiale et par les batailles navales cruciales entre la marine américaine et la marine impériale japonaise. Cette obsession est bien vivante à ce jour et apparemment à l’abri des réalités de la technologie des missiles modernes, en particulier en ce qui concerne le guidage, la vitesse, la portée et l’avènement de véhicules aériens sans pilote (UAV) armés et semi-autonomes de plus en plus meurtriers.
La US Navy avait lancé en 2005, avec la construction avancée du CVN-78, un programme visant à remplacer les porte-avions à propulsion nucléaire de la classe Nimitz, qui constituent actuellement la composante centrale des groupes de frappe de porte-avions (ASG), au nombre de dix – avec le CVN-65 Enterprise supplémentaire en réserve. En 2008, la marine américaine a signé un contrat avec Northrop Grumman Shipbuilding d’une valeur d’environ $5,1 milliards pour la construction du premier d’une série de quatre porte-avions. L’objectif est de construire un navire par période de quatre ans dans le cadre du calendrier de financement actuel. La classe Gerald R. Ford était censée tirer parti d’un certain nombre de nouvelles technologies et améliorer considérablement l’efficacité de ses opérations par rapport à la classe précédente du Nimitz.
Le coût initial estimé du CVN-78 s’élevait à environ $10 milliards (le Congrès américain a plafonné le prix à $10,5 milliards en 2007), le coût total du navire a dépassé $13 milliards en mai de cette année lorsqu’il a été révélé que le système avancé d’ascenseur pour monter les avions et les munitions et un vérin principal de poussée avaient subi des dommages lors d’essais en mer et devaient être réparés. Le CVN-78 est de loin le navire de guerre le plus cher jamais construit. Dans un geste controversé, il a été décidé de tenter l’incorporation, dans la nouvelle conception, d’un certain nombre de nouveaux systèmes non éprouvés. Rétrospectivement, cette décision devait entraîner des dépassements de coûts et une période de rodage plus problématique. Les nouveaux systèmes intégrés dans le Gerald R. Ford comprennent le catapultage électromagnétique des aéronefs (EMALS), le freinage des aéronefs à l’appontage, l’élévation d’armes depuis les ponts inférieurs, un radar à double bande (DBR) et un réacteur nucléaire plus puissant.
Il y a eu beaucoup de discussions au sein de la Marine sur la pertinence d’introduire autant de nouvelles technologies sur une seule et même plateforme. De nombreux officiers supérieurs ont fait valoir que le règlement des problèmes, prévisibles et imprévisibles, liés à la mise en service de nombreuses technologies nouvelles entraînerait de graves retards. Cette opinion a été confirmée, car Gerald R. Ford a immédiatement rencontré des problèmes avec à peu près tous ses nouveaux systèmes. Le navire a connu deux dysfonctionnements de la propulsion principale au cours de l’année écoulée, le système avancé de frein d’appontage s’est avéré peu fiable et le système de catapultage EMALS – ainsi que d’autres «systèmes critiques» – a affiché une «fiabilité faible ou inconnue» selon l’évaluation opérationnelle de la Marine après des tests. Lors des premiers essais, le système EMALS n’avait pas été en mesure de catapulter un avion d’attaque F-18 en pleine charge de combat. Tous ces problèmes ou lacunes ont été mis en évidence lors d’essais en mer et le navire est retourné au chantier naval de Newport News, dans l’État de Virginie, le 15 juillet 2018, pour y subir d’importantes réparations et améliorations.
Cette situation n’aurait pas dû surprendre la plupart des architectes, ingénieurs navals et officiers de ligne qui ont commandé des navires, sachant que les problèmes susmentionnés étaient inévitables. La grande question est de savoir pourquoi les dirigeants de la marine ont choisi une telle plate-forme. Quel est l’intérêt d’investir autant d’argent et d’efforts dans un navire aussi grand et sophistiqué – sans parler du fait que l’efficacité de nombreux systèmes critiques n’est pas prouvée – lorsque, par ailleurs, les porte-avions sont devenus si vulnérables aux missiles modernes anti-navires ? Qui plus est, pourquoi investir autant dans un nouveau transporteur plutôt que dans l’augmentation de la portée et de la puissance de frappe des aéronefs embarqués ? Un porte-avions ne vaut rien sans une flotte aérienne puissante et flexible.
Vulnérabilités de la flotte aérienne du porte-avion
Tant le président Trump que divers responsables de l’administration et sénateurs se vantent de la puissance de l’armée américaine, citant souvent un budget de défense croissant comme indicateur de cette puissance, de son efficacité et de sa fiabilité, il ne fait aucun doute que l’aviation navale américaine s’est atrophiée au cours de décennies d’abus, de négligence et de mauvaises décisions aux plus hauts niveaux. L’aviation navale américaine est sans doute dans son pire état depuis les premiers jours du théâtre du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale. Non seulement elle est en mauvais état, mais elle est mal équipée pour la lutte contre un adversaire à parité.
Parlons maintenant du premier problème : le nombre de plus en plus restreint d’appareils de portée de plus en plus réduite. Au cours de la dernière décennie de concurrence navale lors de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, les porte-avions de la classe Nimitz se sont déployés avec neuf, voire dix escadrons d’avions. Aujourd’hui, ce nombre a été réduit à six. Plus important encore, le F/A-18 Hornet et le Super Hornet sont les seuls aéronefs utilisés pour les opérations de combat, avec toutes leurs lacunes inhérentes, notamment une portée opérationnelle limitée à 700 km en pleine charge d’armes et de carburant.
Les appareils qu’il a remplacés, le A-7 Corsair II et le A-4 Skyhawk de la Marine, ainsi que le F-4 Phantom du Marine Corps, avaient tous une portée opérationnelle beaucoup plus longue et tous sauf le A-4 avaient une plus grande capacité de charge utile en armements. Le F/A-18 est un homme à tout faire et un champion inégalable. Pour tenter de réduire les coûts – bien que peu d’avions de combat aient déjà opéré à un coût inférieur à celui du A-4 Skyhawk – en utilisant une seule structure pour tous les rôles, l’US Navy a mis tous ses œufs dans le même panier, et celui-ci n’est pas à la hauteur de la tâche. Cela ne veut pas dire que le F/A-18 Hornet et le F-/A-18E/F Super Hornet sont de mauvais avions. L’avion ne peut simplement pas faire tout ce qui lui est demandé, comme beaucoup d’autres avions. Il en résulte une flotte aérienne moins capable à tous égards, qui ne peut pas concurrencer et exceller dans un conflit futur face à un adversaire à parité.
Cette image illustre clairement la charge utile imposée à l’A-4 Skyhawk. Il pourrait porter 9 000 kg de munitions sur 5 points d’ancrage externes. Il a un rayon de combat effectif autour du porte-avions de plus de 1 300 km et une portée maximale de 3 700 km.
Bien que le Super Hornet amélioré F/A-18E/F soit nettement plus grand que son prédécesseur, il gagne environ 185 km de portée en raison de sa plus grande capacité d’emport de carburant, il lui manque encore la portée requise pour protéger son porte-avion. Sans surprise, même s’il y avait une meilleure option, la Marine a décidé d’utiliser des F/A-18 pour les tâches de ravitaillement en vol. Le S-3 Viking avait été maintenu en service en tant que ravitailleur aérien, après avoir abandonné son rôle d’origine d’aéronef anti sous-marins, et il était supérieur au F/A-18 à cet égard. Bien que la plupart des S-3 en service aient encore environ 12 000 heures de service disponibles, la Marine a poursuivi leur retrait en 2009. Avec une portée beaucoup plus grande que celle du F/A-18 et une capacité de carburant de 7 300 kg , le S-3 était une solution meilleure et beaucoup moins chère. Le fait que ce soit une option beaucoup moins chère a probablement causé sa perte. Le profit est le moteur du complexe industriel militaire américain, et non l’efficacité ou la performance.
Bien que le Super Hornet amélioré F/A-18E/F soit nettement plus grand que son prédécesseur, il gagne environ 185 km de portée en raison de sa plus grande capacité d’emport de carburant, il lui manque encore la portée requise pour protéger son porte-avion. Sans surprise, même s’il y avait une meilleure option, la Marine a décidé d’utiliser des F/A-18 pour les tâches de ravitaillement en vol. Le S-3 Viking avait été maintenu en service en tant que ravitailleur aérien, après avoir abandonné son rôle d’origine d’aéronef anti sous-marins, et il était supérieur au F/A-18 à cet égard. Bien que la plupart des S-3 en service aient encore environ 12 000 heures de service disponibles, la Marine a poursuivi leur retrait en 2009. Avec une portée beaucoup plus grande que celle du F/A-18 et une capacité de carburant de 7 300 kg , le S-3 était une solution meilleure et beaucoup moins chère. Le fait que ce soit une option beaucoup moins chère a probablement causé sa perte. Le profit est le moteur du complexe industriel militaire américain, et non l’efficacité ou la performance.
Le seul aéronef à voilure fixe opérant à partir de porte-avions de la Marine américaine sont actuellement le F / A-18 Hornet, F / A- Le 18E Super Hornet et les E-2C et E2-D Hawkeye AEW & C.
Le deuxième problème, qui est peut-être plus accablant, est le fait que les escadrons F/A-18 sur lesquels la Marine s’appuie pour effectuer presque toutes les tâches aériennes, à savoir : les missions d’attaque ; de supériorité aérienne ; de défense de la flotte ; de ravitaillement en vol ; de guerre anti-sous-marine et de surveillance sont dans un état de délabrement alarmant. En février 2017, la Marine a annoncé que les deux tiers, soit 62% de tous les F/A-18 Hornets et Super Hornets, étaient hors d’usage en raison de problèmes de maintenance. 27% de ces aéronefs subissaient d’importants travaux de maintenance lourde, et non pas de maintenance mineure ou préventive. Sur les 542 Hornets F/A-18 et E/F-18, 170 seulement étaient capables de mission. Un an plus tard, avec un nouveau budget accru pour la défense et la marine, il reste encore beaucoup à faire pour remédier à la pénurie de pièces de rechange disponibles, rien que pour faire face aux besoins normaux en matière de maintenance. La décision a également été prise de cannibaliser 140 des plus anciens Hornets (variantes A/C) de la Marine au bénéfice des escadrons du Marine Corps qui rencontrent des problèmes de maintenance similaires. Dans ce dernier cas, le Marine Corps attend depuis si longtemps les nouveaux F-35B que leurs anciens F-18 tombent en ruine.
Le deuxième problème, qui est peut-être plus accablant, est le fait que les escadrons F/A-18 sur lesquels la Marine s’appuie pour effectuer presque toutes les tâches aériennes, à savoir : les missions d’attaque ; de supériorité aérienne ; de défense de la flotte ; de ravitaillement en vol ; de guerre anti-sous-marine et de surveillance sont dans un état de délabrement alarmant. En février 2017, la Marine a annoncé que les deux tiers, soit 62% de tous les F/A-18 Hornets et Super Hornets, étaient hors d’usage en raison de problèmes de maintenance. 27% de ces aéronefs subissaient d’importants travaux de maintenance lourde, et non pas de maintenance mineure ou préventive. Sur les 542 Hornets F/A-18 et E/F-18, 170 seulement étaient capables de mission. Un an plus tard, avec un nouveau budget accru pour la défense et la marine, il reste encore beaucoup à faire pour remédier à la pénurie de pièces de rechange disponibles, rien que pour faire face aux besoins normaux en matière de maintenance. La décision a également été prise de cannibaliser 140 des plus anciens Hornets (variantes A/C) de la Marine au bénéfice des escadrons du Marine Corps qui rencontrent des problèmes de maintenance similaires. Dans ce dernier cas, le Marine Corps attend depuis si longtemps les nouveaux F-35B que leurs anciens F-18 tombent en ruine.
Des équipes de maintenance effectuant des réparations sur un F / A- 18 à bord d’un porte-avion La marine et le corps des marines américains doivent faire face à la crise de maintenance qui sévit dans les services, mais le problème ne peut pas être résolu à ce niveau. Seule une réduction du rythme des déploiements, des opérations aériennes ou l’octroi d’un financement supplémentaire permettra d’atténuer le problème qui sera tranché par la Maison Blanche et le Congrès.
Est-ce que quelqu’un a posé la question suivante : « À quoi sert un porte-avions dernier cri et gigantesque si sa flotte aérienne a une portée et des capacités limitées ? ». Si l’US Navy parvient à mettre en service les trois premiers porte-avions de la classe Gerald R. Ford, combien de F/A-18E Super Hornets seront en mesure de voler ? Les avions de combat F-35C et F35B sont-ils appelés à compléter l’ensemble des avions de combat enfin disponibles pour un déploiement ? Voyant que le F-35 ne comble pas le « retard dans le domaine des missiles » qui menace les porte-avions américains en général, la marine demande-t-elle à l’industrie de la défense de produire un avion embarqué, qu’il soit habité ou non, afin de remédier à cette faiblesse évidente ? Les missiles balistiques anti -navires russes et chinois et les missiles de croisière hypersoniques peuvent frapper les groupes de combat aéronaval américains bien avant que leurs appareils ne parviennent à frapper le territoire de l’un de ces adversaires à parité. Ce « retard de missiles » ne sera pas comblé de si tôt.
Analyse écrite par l’équipe de South Front : Brian Kalman, Daniel Deiss, Edwin Watson
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