Élections. Le candidat de l’extrême droite Jair Bolsonaro triomphe au premier tour des élections avec un score nettement supérieur aux sondages, qui l’annonçaient favori. Bien que député depuis 27 ans, il apparait comme le “ candidat du changement ” et du retour à l’ordre dans un Brésil en crise, économiquement fragile, et rongé par la corruption et l’insécurité.
Le candidat Jair Bolsonaro, 63 ans, surnommé le « Trump tropical », a triomphé dimanche 7 octobre au premier tour des élections présidentielles au Brésil (147 millions d’électeurs appelés aux urnes dans un pays de 207 millions d’habitants), avec un score de 46,06%, nettement supérieur aux sondages qui l’annonçaient favori (entre 36% et 40% selon les instituts). Ex-capitaine de l’armée, le député de la droite dure, laudateur décomplexé de la dictature (1964-1985) n’a cessé de creuser l’écart avec les douze autres candidats pendant la campagne.
Un second tour face au remplaçant du président déchu Lula da Silva
« Le Capitaine est arrivé » clament ses supporters avant de chanter l’hymne national mais Jair Bolsonaro, candidat du parti social libéral (PSL) ne savoure pas encore sa victoire. Alors que ses supporters se sont rassemblés devant son domicile à Rio de Janeiro, triomphants voire euphoriques, soulignant que leur candidat « avait contre toutes attentes, frôlé la victoire au premier tour » et était « aux portes du pouvoir », celui-ci a posté sur les réseaux sociaux une vidéo dans laquelle il assure qu’il aurait été élu si « des problèmes dans les urnes électroniques n’étaient pas survenus » : « Nous aurions eu dès ce soir le nom du président de la République. » Bien avant l’issue du scrutin, le candidat connu pour ses saillies qui surpassent largement celles du président américain Donald Trump — dérapages misogynes et homophobes, appels à la « torture » et regrets d’une junte militaire qui n’a pas « assez tué » — avait déclaré sans détours qu’il ne reconnaîtrait pas les élections s’il n’était pas élu. Il affrontera au second tour, le 28 octobre, Fernando Haddad, 55 ans, avocat, candidat du Parti des Travailleurs (PT) et remplaçant de l’ex-président Lula da Silva incarcéré après avoir été reconnu coupable de corruption et blanchiment d’argent. Fernando Haddad, qui a obtenu 29,30% des suffrages au premier tour, est poursuivi depuis septembre pour corruption dans une affaire de pots-de-vin avec l’entreprise de construction UTC : 3 millions de réaux (environ 723 000 dollars) versés pendant sa campagne électorale (2012) pour devenir maire de Sao Paulo (22 millions d’habitants), capitale économique du pays.
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« Les résultats étaient attendus même si le score de Jair Bolsonaro surpasse largement les derniers sondages. Cela illustre son ascension spectaculaire pendant la campagne et sa force. Il a frôlé la victoire au premier tour et entre en campagne pour le second tour bien plus fort que Fernando Haddad. En dépit du spectre large des forces politiques, le candidat Bolsonaro aura moins à faire pour gagner que Haddad » estime l’expert Thiago de Aragao, d’Arko Advice. Bien que médiocre député depuis 27 ans, Jair Bolsonaro apparaît comme le « candidat du changement » et du retour à l’ordre dans un Brésil en crise, économiquement fragile et rongé par la corruption et l’insécurité. Dans un pays où, depuis des décennies, le pouvoir a été partagé par deux partis (PSDB et PT), Bolsonaro fait figure de candidat anti-système, même s’il ne l’est pas. « C’est un animal politique, un dinosaure politique », à la Chambre des députés, « depuis plus de vingt-cinq ans, on n’a retenu que ses provocations » rappelle l’écrivain et sociologue Sergio Abranches. Il a pour lui l’absence de poursuites pour corruption.
Profil atypique et promesse d’un retour à l’ordre
Il incarne des valeurs traditionnelles brésiliennes avec une ligne militaro-nationaliste qui plaît et a emporté tant l’adhésion des évangélistes (un électeur sur quatre) que des puissants acteurs de l’agro-business. Il avoue ne rien connaître à l’économie mais a séduit les marchés comme un rempart au PT, grâce à un programme économique défendu par un libéral respecté, Paulo Guedes. « Mais il n’est pas le libéral pro-marché qu’il prétend être » a averti l’économiste Monica de Bolle, responsable des études latino-américaines de l’Université Johns Hopkins, lors de plusieurs conférences pendant la campagne.
Depuis le début de sa campagne, Jair Bolsonaro ne choque pas une grande partie des Brésiliens, ni par ses dérapages envers des communautés ni lorsqu’il évoque avec tendresse la dictature militaire ; ceux-ci étant seulement attentifs au « changement » qu’il peut représenter notamment face à l’insécurité. Son approche musclée de la lutte contre le crime et la corruption, avec intervention de l’armée, voire autorisation de port d’armes, n’est ainsi non seulement plus crainte par de nombreux Brésiliens, mais plébiscitée. Des quartiers chics aux favelas, Bolsonaro est parvenu à séduire le temps d’une campagne extrêmement polarisée.
Rejet des caciques de la politique
Jair Bolsonaro, victime d’une grave attaque à l’arme blanche le 6 septembre par un militant d’extrême gauche déséquilibré, profite en outre d’un net rejet du Parti des Travailleurs (PT), qui s’effondre sans l’appel d’air du « lulisme ». Si certains Brésiliens sont nostalgiques des « années Lula » de l’émergence de la classe moyenne et de l’amélioration des conditions de vie des pauvres, beaucoup d’autres tiennent responsable son gouvernement et celui de sa dauphine, l’ex-présidente Dilma Rousseff, des difficultés économiques du pays, qui a basculé dans la plus grave récession de son histoire en 2015 et 2016 et peine à refaire surface.
Le candidat de l’extrême-droite a frôlé dimanche soir la victoire dès le premier tour en raison d’un profond dégoût et rejet des Brésiliens d’une classe politique qui a toujours profité de « petits arrangements » entre amis, ce en toute impunité (plus d’un tiers du Congrès fait l’objet de poursuites pour corruption).
Les députés du parti de Bolsonaro, également plébiscités
Parmi les surprises de ces élections, qui étaient aussi celles de l’ensemble des 513 députés de la chambre basse du Congrès et du renouvellement des deux tiers du Sénat (54 sur 81 sièges), il y a la défaite de l’ex-Présidente Dilma Rousseff (PT) au Sénat. Les sondages lui prédisaient une victoire nette et sans difficulté dans l’Etat du Minas Gerais ; elle a échoué, se classant quatrième.
Contre-toute attente, le petit parti de Bolsonaro, le PSL, a connu un plébiscite sans précédent. « Nous avions prédit le gain de trente sièges de députés. C’est très impressionnant, le PSL en totalise cinquante-deux » relève Lucas de Aragao, expert chez Arko Advice. « Les grands partis demeurent grands mais dans le nouvel échiquier politique qui se profile, ils ont laissé plus d’espaces aux petits partis. Le PSL a progressé, le parti Novo a été capable de faire élire ses représentants au Congrès. A contrario, des politiciens aguerris, des noms connus, ont échoué particulièrement au Sénat ; illustrant le souhait de renouvellement de la classe politique par les électeurs » complète Thiago de Aragao.
Jair Bolsonaro ne promet pas encore un Brésil « great again » mais martèle : « Ensemble, reconstruisons notre Brésil. » Il peut encore puiser des voix dans la colère des Brésiliens, mais il demeure aussi un politicien très controversé et contesté, objet d’un rejet massif (44%) au second tour.
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