24 septembre 2018

L’effondrement imminent de la production américaine de pétrole de schiste

La mort de l’indépendance énergétique des États-Unis se produira lorsque l’effondrement de la production de pétrole de schiste commencera. Et lorsque la production américaine de pétrole de schiste atteindra son maximum et diminuera, la production pourrait chuter beaucoup plus rapidement qu’on ne le pense. Le rythme auquel la production américaine de pétrole de schiste diminuera à l’avenir est fondé sur deux facteurs clés, les réserves restantes et le prix du pétrole.

Avant de parler des réserves restantes de pétrole de schiste, considérons d’abord le prix. Lorsque le prix du pétrole s’est effondré de la mi-2014 à son plus bas niveau au début de 2016, les industriels de la fracturation hydraulique ont considérablement réduit les forages. De mars 2015 à septembre 2016, la production totale de pétrole de schiste aux États-Unis a chuté d’environ 600 000 barils par jour (info Shaleprofile.com). Toutefois, cette baisse n’était pas attribuable à un pic de la production, mais plutôt au fait que le faible prix du pétrole rendait le forage du pétrole de schiste non rentable.

Que se passera-t-il lorsque la production américaine de pétrole de schiste atteindra finalement un pic et que les prix du pétrole seront beaucoup plus bas ? Eh bien, ce sera la TEMPÊTE PARFAITE pour l’industrie américaine du pétrole de schiste. Comme je l’ai mentionné dans plusieurs articles et vidéos, lorsque le cycle économique actuel de 9 ans se renversera enfin, nous allons avoir une sacrée correction du marché. Lorsque les marchés au sens large vont fortement s’orienter à la baisse, ils feront très certainement chuter le prix du pétrole en même temps.

Pour avoir une idée de la production totale de pétrole de schiste aux États-Unis, voici un graphique d’Enno Peters sur ShaleProfile.com :

Ce graphique montre la production américaine de pétrole de schiste en avril de cette année. La production totale de pétrole de schiste aux États-Unis s’élève à un peu plus de 5 millions de barils par jour. Chaque couleur dans le graphique représente la valeur d’une année de production de pétrole. Ce qui est intéressant dans le graphique ci-dessus, c’est l’énorme taux de déclin de la production nationale du pétrole de schiste. Et chaque année qui passe, la pente du déclin s’accentue.


Maintenant, pour avoir une idée de la façon dont la production américaine d’huile de schiste diminuera à l’avenir, j’ai inclus une série de graphiques de Jean Laherrere. Vous pouvez consulter l’intégralité du document de Laherrere et Hall sur Forecast For U.S. Oil & Gas Production. Jean prend le profil de production passé et base la production future sur les réserves de pétrole restantes en utilisant une formule de linéarisation à la Hubbert. Par exemple, la production de pétrole de schiste du Dakota du Nord Bakken tombera à un peu plus de 100 000 barils par jour d’ici 2025, pour un total de 4 milliards de barils de réserves totales :

Ce graphique date un peu car la production de pétrole du Bakken est légèrement supérieure à ce qui est montré dans le graphique, mais je crois que la pente à la baisse est une prévision réaliste. Voici deux autres graphiques montrant les prévisions futures pour Eagle Ford et le bassin Permien :
Jean montre que le bassin Permien atteindra un pic en 2019. Bien sûr, le pic pourrait être un peu retardé, mais comme on peut le voir, la production de pétrole de schiste du bassin Permien baissera de la même manière qu’elle a crû. De plus, si le prix du pétrole s’effondre, cela pourrait avoir une incidence sur la rapidité avec laquelle la production de pétrole de schiste argileux du bassin Permien diminue.

Si nous regardons le profil de la production totale de pétrole de schiste aux États-Unis, Jean montre un effondrement de 75 % d’ici 2025 :
En disséquant la ligne pointillée verte vers 2025, on obtient 1,3 million de barils par jour. En supposant un pic de 5 millions de barils par jour, on a une baisse de 3,7 millions de barils par jour, ou 75%. Encore une fois, ces graphiques sont des estimations fondées sur les réserves totales de pétrole de schiste des États-Unis qui s’élèvent à 20 milliards de barils. Si vous regardez la ligne marron, elle montre la production cumulative de pétrole de schiste qui a déjà passé plus de 10 milliards de barils (échelle de droite).

Même si la production totale de pétrole de schiste aux États-Unis n’a pas encore atteint son pic, nous avons dépassé la moitié des réserves totales de pétrole de schiste. Si l’industrie du pétrole de schiste peut ajouter des réserves plus économiques, alors le pic pourrait être un peu retardé. Toutefois, si le prix du pétrole s’effondre et demeure bas pendant une récession déflationniste – dépression, le pic et le déclin de la production de pétrole de schiste aux États-Unis seront probablement encore plus graves.

La production de pétrole de schiste dans le bassin Permien perd toujours de l’argent

Bien que le bassin Permien soit aujourd’hui la plus grande région productrice de pétrole de schistes des États-Unis, les entreprises ont encore du mal à réaliser des profits. Par exemple, le plus important producteur de Permian, Pioneer Resources, a subi un flux de trésorerie disponible négatif de 248 M$ au cours du premier semestre de 2018.

Pioneer Resources a dépensé 1,6 milliard de dollars en dépenses en immobilisations au cours du premier semestre de 2018 pour accroître sa production de 21 000 barils par jour d’équivalent pétrole. Selon le communiqué de presse du deuxième trimestre de Pioneer, leur production de pétrole permien est passée de 251 000 bep (barils équivalent pétrole) au début de 2018 à 272 000 bep au deuxième trimestre de 2018. C’est une sacrée somme d’argent pour n’augmenter la production que d’à peine 8%.

Ainsi, Pioneer continue de dépenser plus d’argent en frais d’immobilisations qu’elle n’en reçoit en flux de trésorerie provenant de l’exploitation. Et la raison en est le taux de déclin sévère qui sévit dans l’industrie du pétrole de schistes. Si nous regardons le graphique suivant, nous pouvons voir à quel point le taux de diminution était élevé en fonction de la production de 2017 :
La couleur bleu clair représente la production de pétrole de schiste mise en place en 2017. Si aucun nouveau puits n’avait été foré en 2018, la production globale aurait diminué de 500 000 barils par jour au cours des cinq premiers mois de 2018 seulement. Il faut énormément de dépenses en capital pour remplacer les 500 000 barils perdus par jour. C’est précisément la raison pour laquelle Pioneer continue à jeter l’argent par les fenêtres.

Certains diront : « Pourquoi Pioneer reste-t-il dans le business et pourquoi son cours boursier s’élève-t-il à 175$ ? » C’est une bonne question. D’une part, Pioneer a émis un montant net de 5 milliards de dollars en nouvelles actions depuis 2010 pour financer ses activités. Bien que certaines sociétés de pétrole de schistes émettent des titres d’emprunt, Pioneer a décidé de profiter du cours élevé de ses actions pour en diluer la valeur pour les actionnaires afin de poursuivre le schéma de Ponzi du pétrole de schiste de l’Amérique « Great Again ».

De plus, l’émission nette d’actions de 5 milliards de dollars a contribué à combler le déficit de 6,4 milliards de dollars en flux négatifs de trésorerie disponibles cumulés chez Pioneer depuis 2010.

Les signes révélateurs sont partout à la vue de tous. Cependant, les Américains seront quand même choqués lorsque la production américaine de pétrole de schiste s’effondrera de 75% d’ici 2025. L’effondrement de la production américaine de pétrole de schiste aura un impact profond sur le mode de vie américain.

SRSROCCO

Note du Saker Francophone 

Il faudra combler ce déficit de production par des achats sur les marchés mondiaux. Les tentatives de révolutions colorées au Venezuela n'y sont sans doute pas pour rien. La volonté de relocaliser la production manufacturière aux USA par une partie de l'État profond va nécessiter plus d'énergie. On peut prévoir de grosses tensions à moyen terme en Irak et en Iran, les deux producteurs pouvant encore moderniser leur appareil de production.

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

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