Les chefs des partis Mouvement 5 Étoiles et Ligue, qui ont obtenu le plus grand nombre de voix aux élections du 4 mars, sont convenus des principes fondamentaux de la politique économique du gouvernement de coalition. Ils sont persuadés que ce ne sont pas les recettes libérales qui garantiront la sortie de la stagnation économique, mais les «investissements» et la «stratégie expansionniste».
Les exigences de Rome
En 2017, l'économie italienne a affiché une croissance économique de seulement 1,5%, alors que la moyenne dans toute la zone euro s'élevait à 2,5%.
Au premier trimestre, la croissance italienne a ralenti jusqu'à 1,4% en glissement annuel, alors qu'au sein de l'UE elle restait stable à 2,5%.
Pour redresser la situation, les dirigeants des partis vainqueurs préconisent le recours à plusieurs stimulations fiscales allant à l'encontre des principes conservateurs de la Banque centrale européenne (BCE). Ces idées révolutionnaires sont très onéreuses.
La baisse des impôts sur le revenu pour les entreprises et les particuliers à 15% augmentera significativement leurs capacités d'investissement, tout en réduisant les revenus budgétaires de 80 milliards d'euros par an. L'abandon de la réforme des retraites diminuerait la tension sociale, mais ferait perdre 15 milliards supplémentaires au budget. Et le refus d'augmenter l'impôt sur les ventes encore 12,5 milliards.
Au total, c'est plus de 100 milliards d'euros qui manqueront au budget sachant que la dette publique de l'Italie s'élève à 131,8% du PIB — l'indicateur le plus élevé en UE après la Grèce. Or selon les règles de l'UE, la dette publique ne doit pas dépasser 60% du PIB.
Les Italiens sont conscients qu'en transgressant une règle ils en enfreignent une autre — sur le montant du déficit du budget public qui ne doit pas dépasser 3% du PIB. Pour l'instant, la situation est tolérable: d'après l'agence nationale des statistiques Istat, le déficit du budget italien se chiffrait à 2,3% du PIB en 2017. Mais si les plans annoncés étaient mis en œuvre, cet indice dépasserait considérablement la barre des 3%.
C'est pourquoi les leaders des principaux partis ont préalablement avancé deux exigences à l'UE: premièrement, la BCE doit annuler 250 milliards d'euros de la dette publique italienne; deuxièmement, lever les restrictions sur le niveau de la dette publique et du déficit budgétaire qui, selon les Italiens, n'existent plus que sur le papier depuis longtemps. «Cela fait dix ans que la France dépasse le plafond du déficit, la dette de la France et de l'Espagne est supérieure à 60% du PIB», rappelle le représentant économique de la Ligue Claudio Borghi.
Les marchés ont pris ces déclarations très au sérieux: le rendement des obligations italiennes sur 10 ans a augmenté de 16 points de base en une journée — un record depuis 14 mois. Le principal indice boursier italien FTSE MIB a chuté de 3,5% en deux jours et continue de baisser: autrement dit, les investisseurs vendent les actions des compagnies italiennes.
Que dira l'UE cette fois?
La démarche inattendue des Italiens place Bruxelles dans une position très compliquée. Il est évident que l'UE ne peut pas accepter ces conditions: cette dernière estime que les problèmes budgétaires doivent être réglés par la réduction des dépenses, les réformes libérales et la privatisation des biens publics.
Ainsi, pour bénéficier du soutien financier de l'UE, la Grèce a été contrainte d'augmenter les impôts, de réduire les programmes sociaux et d'organiser une vente d'actifs nationaux. Au final, le port du Pirée appartient aujourd'hui aux Chinois, et les Allemands possèdent une compagnie de communication grecque.
Des ports, des îles, des compagnies d'électricité et de gaz, de grands terrains, y compris la région de l'ancien aéroport près d'Athènes, Hellinikon — avec des plages, des parcs, des forêts et une multitude de monuments antiques — ont été mis en vente.
L'UE est complètement satisfaite du résultat
fin avril, le commissaire européen à l'économie et aux finances Pierre Moscovici a déclaré que le programme d'aide extérieure à la Grèce se terminerait en août 2018. Et d'ajouter: «Finir le programme grec serait un symbole que nous avons mis la crise derrière nous. Et puis, surtout pour les Grecs, ce sera la bonne nouvelle que ce pays est lui aussi sorti de sa crise et est capable de créer de la croissance et de l'emploi.» Mais les Grecs ne s'empressent pas de se réjouir.
«C'est comme une occupation: ils ont capturé notre pays, s'indigne la professeure d'architecture Eleni Portaliou. Les investisseurs étrangers sont comme des vautours: ils savent que nous sommes forcés de vendre nos richesses nationales, et les créditeurs veulent seulement obtenir de l'argent au plus vite. C'est pourquoi les prix deviennent dérisoires et nous perdons sur tous les fronts. Les investisseurs étrangers paieront seulement 900 millions d'euros pour Hellinikon, tandis que les experts indépendants ont évalué ce terrain à au moins 3 milliards.»
Pas étonnant, donc, que les Italiens ne veuillent pas suivre le chemin de la Grèce.
Un trou dans le budget
De plus, même si l'UE se pliait aux exigences de l'Italie, cela ne fonctionnerait pas à cause de ses propres problèmes financiers. Le Brexit prive en effet l'UE de son troisième plus grand donateur: le Royaume-Uni versait 12,76 milliards d'euros au budget européen commun et ne recevait que 7,05 milliards de dotations. En d'autres termes, cela forme dans le budget européen un trou de presque 6 milliards d'euros. Les tentatives de Bruxelles de le combler en faisant augmenter la cotisation des autres membres rencontrent une très forte opposition.
Ainsi, lors d'un récent débat sur le projet de budget de l'UE pour 2021-2027, le ministre néerlandais des Affaires étrangères Stef Blok a directement indiqué que la «proposition d'augmenter les cotisations était inadmissible» pour son gouvernement. Il a été soutenu par le Premier ministre danois Lars Løkke Rasmussen qui a noté qu'une «UE réduite aura également besoin d'un budget réduit».
Un discours similaire a été tenu par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte et la ministre suédoise des Finances Magdalena Andersson, qui a qualifié le nouveau projet de budget européen de «déraisonnable». Si 6 milliards d'euros suscitent de tels litiges, alors on s'imagine facilement quel scandale éclaterait si l'on parlait de 250 milliards…
Enfin, en répondant favorablement à la requête de Rome, l'UE créerait un dangereux précédent dont ne manqueraient pas de profiter les autres pays qui éprouvent des problèmes budgétaires — l'Espagne et la France. Par conséquent, Bruxelles ne fera pas de concessions à l'Italie.
D'un autre côté, les Italiens pourraient, eux aussi, ne pas céder: le nouveau gouvernement n'a aucune chance de redresser la situation économique avec la politique budgétaire actuelle. Et l'exemple du Royaume-Uni montre qu'il est possible de réduire à un niveau tolérable les frais de séparation avec l'UE en se débarrassant au final d'une multitude de problèmes, notamment migratoires. De cette manière, le scénario de sortie de l'Italie de la zone euro paraît parfaitement plausible.
En février, les experts de l'Economist Intelligence Unit, département analytique du magazine The Economist, ont inscrit l'éventuel éclatement de la zone euro dans le top-10 des principaux risques pour l'économie mondiale. «Le risque de sortie de la Grèce de la zone euro à moyen terme persiste, tandis que les problèmes économiques pourraient pousser l'Italie à sortir de la zone euro. La sortie des pays en crise de la zone euro entraînerait une forte dévaluation de leur monnaie et leur incapacité à rembourser leur dette en euros. Tout cela pourrait plonger l'économie mondiale dans la récession», constatent les analystes.
«C'est comme une occupation: ils ont capturé notre pays, s'indigne la professeure d'architecture Eleni Portaliou. Les investisseurs étrangers sont comme des vautours: ils savent que nous sommes forcés de vendre nos richesses nationales, et les créditeurs veulent seulement obtenir de l'argent au plus vite. C'est pourquoi les prix deviennent dérisoires et nous perdons sur tous les fronts. Les investisseurs étrangers paieront seulement 900 millions d'euros pour Hellinikon, tandis que les experts indépendants ont évalué ce terrain à au moins 3 milliards.»
Pas étonnant, donc, que les Italiens ne veuillent pas suivre le chemin de la Grèce.
Un trou dans le budget
De plus, même si l'UE se pliait aux exigences de l'Italie, cela ne fonctionnerait pas à cause de ses propres problèmes financiers. Le Brexit prive en effet l'UE de son troisième plus grand donateur: le Royaume-Uni versait 12,76 milliards d'euros au budget européen commun et ne recevait que 7,05 milliards de dotations. En d'autres termes, cela forme dans le budget européen un trou de presque 6 milliards d'euros. Les tentatives de Bruxelles de le combler en faisant augmenter la cotisation des autres membres rencontrent une très forte opposition.
Ainsi, lors d'un récent débat sur le projet de budget de l'UE pour 2021-2027, le ministre néerlandais des Affaires étrangères Stef Blok a directement indiqué que la «proposition d'augmenter les cotisations était inadmissible» pour son gouvernement. Il a été soutenu par le Premier ministre danois Lars Løkke Rasmussen qui a noté qu'une «UE réduite aura également besoin d'un budget réduit».
Un discours similaire a été tenu par le Premier ministre néerlandais Mark Rutte et la ministre suédoise des Finances Magdalena Andersson, qui a qualifié le nouveau projet de budget européen de «déraisonnable». Si 6 milliards d'euros suscitent de tels litiges, alors on s'imagine facilement quel scandale éclaterait si l'on parlait de 250 milliards…
Enfin, en répondant favorablement à la requête de Rome, l'UE créerait un dangereux précédent dont ne manqueraient pas de profiter les autres pays qui éprouvent des problèmes budgétaires — l'Espagne et la France. Par conséquent, Bruxelles ne fera pas de concessions à l'Italie.
D'un autre côté, les Italiens pourraient, eux aussi, ne pas céder: le nouveau gouvernement n'a aucune chance de redresser la situation économique avec la politique budgétaire actuelle. Et l'exemple du Royaume-Uni montre qu'il est possible de réduire à un niveau tolérable les frais de séparation avec l'UE en se débarrassant au final d'une multitude de problèmes, notamment migratoires. De cette manière, le scénario de sortie de l'Italie de la zone euro paraît parfaitement plausible.
En février, les experts de l'Economist Intelligence Unit, département analytique du magazine The Economist, ont inscrit l'éventuel éclatement de la zone euro dans le top-10 des principaux risques pour l'économie mondiale. «Le risque de sortie de la Grèce de la zone euro à moyen terme persiste, tandis que les problèmes économiques pourraient pousser l'Italie à sortir de la zone euro. La sortie des pays en crise de la zone euro entraînerait une forte dévaluation de leur monnaie et leur incapacité à rembourser leur dette en euros. Tout cela pourrait plonger l'économie mondiale dans la récession», constatent les analystes.
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