Le communisme représente, certes, une utopie qui aura fini, une fois mise en application, par dégénérer en régime concentrationnaire de la pire espèce. Il n’empêche que cette utopie puise dans les expériences des premières communautés chrétiennes afin de prôner une mise en commun des moyens de production susceptible d’assurer un niveau de vie décent à l’ensemble de la société. L’« Utopie » de Charles Fourier préconise la mise en place et le développement d’une société de type communautaire où les habitants de la cité mettraient en commun les moyens de production et s’épanouiraient dans un cadre de vie où la cellule familiale est élargie pour être pratiquement dissoute. Penseur d’une forme d’anarchie organisée, Fourier s’inspire de certains prédicats énoncés dans « La République de Platon ». D’autres protagonistes, on pense à l’architecte Frank Lloyd Wright, mettront en scène des scénarios de sociétés utopiques où les participants fuient les grandes métropoles pour s’organiser en semie-autarcie et se déplacer à la manière des premiers pionniers américains.
L’utopie, c’est un peu la face cachée qui participe à la genèse des nouvelles sociétés appelées à remplacer celles de nos ancêtres. Elle finira par représenter, de manière galvaudée, un état de rêverie qui procure aux idéalistes une forme de fuite en avant, les dispensant d’agir sur le bios politikos. Cette commode déformation du sens et de l’essence du terme permettra à notre société du Spectacle et des loisirs de discréditer ceux qui s’aviseraient de tenter d’imaginer des « ailleurs meilleurs » comme le chantait si bien Pierre Calvé, chansonnier québécois d’origine bretonne. Puisque, il faut bien le dire, l’UTOPIE tient la fonction réelle d’un appel d’air, véritable dispositif de la pensée critique qui permet d’oxygéner toutes formes de représentation de la cité et de ses évolutions. À notre époque, dans un contexte où la réalité virtuelle, oxymore de première, s’insinue par tous les pores de la représentation, neutralisant jusqu’aux fonctions réparatrices du rêve, il importe de réhabiliter les grandes histoires utopiques.
Puisqu’à défaut de pouvoir réellement influer sur l’organisation politique de nos cités concentrationnaires, nous avons le droit et le devoir d’imaginer l’avènement d’une société plus juste. Penser l’UTOPIE n’empêche point de s’investir au sein de nos communautés, de dénoncer les dysfonctionnements de la cité ou de proposer des solutions concrètes destinées à répondre à des besoins ponctuels. Mais, nous savons tous, du moins ceux qui sont éveillés, que la classe politique ne compte plus dans ses rangs que des gestionnaires et des amuseurs publics qui tentent de maquiller les dérives mortifères qui menacent jusqu’à l’existence même de nos cités encrassées. Il faut donc libérer le rêve et ses fonctions thérapeutiques à une époque où la morosité s’est emparée de cette opinion publique qui représente tout le monde et personne.
Nous vous proposons une série dédiée à l’UTOPIE dans toute sa splendeur et ses misères en espérant que vous profiterez de ce survol historique pour vous ressourcer tout en régénérant vos batteries. Cette série de billets se prolongera jusqu’au début de l’année 2019 et nous ambitionnons de remanier le tout afin de produire un essai-fiction qui devrait être disponible à l’horizon de 2020, stade suprême de la décomposition de nos état-nations. Nous avons pris le parti de composer ou de rééditer des écrits qui vous seront présentés de manière thématique et non pas chronologique. Ainsi, nous n’allons pas remonter le cours des utopies, en commençant par l’« histoire des Esséniens » pour finir avec quelques anecdotes sur Étienne Chouard, mais bien plutôt tenter de brosser un récit synoptique qui puisse vous permettre de prendre la pleine mesure de ce thème. Nos lecteurs sont invités à nous transmettre leurs commentaires et leurs préoccupations, histoire de nous permettre d’ajuster le tir tout au long d’une nouvelle saga qui s’annonce fructueuse. Puisqu’il faut bien le dire : le rêve et la réalité font partie d’une seule et même histoire puisque c’est à partir de la puissance de l’esprit que la matière est transformée. Il en va de même pour toutes les alchimies véritables qui se proposent de recréer le monde, cette somme d’énergies inépuisable. Et, que vogue le récit …
Patrice-Hans Perrier
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