Évidemment, Derrière Napoléon, l’apéro dominical ne saurait, fût-ce pour la commémoration du déboulé de Rois Mages à Bethléem, faire l’impasse sur les amuse-gueules et les cochonnailles, tant lyonnaises que corses, dont la patronne prend soin d’assurer un approvisionnement aussi constant que profus. Et pour le premier apéro de l’année, le Champagne apparaissant de rigueur, les petits toasts au foie gras préparés par l’amie Monique remplacèrent avantageusement une galette dont nous n’eussions que foutre à cette heure pré-prandiale. Cependant, afin de préserver la tradition, la bonne dame crut malin de coller une fève, ou plus précisément un gros bouton de culotte en ferraille, n’ayant rien trouvé de plus adapté, dans l’un des bouts de pain gentiment tartinés par ses soins. N’en ayant soufflé mot, manière de laisser la surprise faire son œuvre, la dondon attendait impatiemment que le Roi se découvrît, avec l’espoir secret que Jean Foupallour, dont la légendaire goinfrerie lui confère toujours une avance considérable sur les copains, trouve ladite fève afin qu’il la couronne à son tour et lui roule, en supplément de programme, un bonne grosse pelle assortie d’un massage judicieusement localisé. Manque de pot, l’objet en question, au lieu d’échoir à de brave Jeannot, se retrouva directement dans le clapoir du vieux Maurice, lequel, au lieu de répondre poliment à la question qui venait de lui être posée, se répandit aussi sec en injures et imprécations.
-« Sacré nom de bordel de dieu de putain de merde, c’est quoi cette saloperie de connerie d’arnaque à la mords moi le nœud? Christ pountach buzaron putane (1), précisa-t-il, employant ainsi l’une des expressions les plus percutantes qu’il tenait de sa vieille nourrice piémontaise, voilà-t-y pas que je me suis pété ma dernière molaire, sans compter la saloperie qui m’est entrée dans le corgnolon…ça coince, viédâne! Ça ne veut plus ni monter ni descendre, cornebleu! Tapez moi dans le dos, crévaindieu, au lieu de me regarder m’étouffer comme ruminants abrutis! Thérèse, nahdin bébek (2), un coup de roteux, vite, ça urge, laisse moi pas crever comme un rat dans le désert, viergé pétan salopa! Démontrant ainsi une tessiture polyglottique englobant, outre le turinois moderne, l’arabe le plus classique, ainsi que le nissart du Babazouk (3).
Du coup, tout le monde s’y est mis, Thérèse lui déversant carrément la divine boisson dans le gosier et nous autres étrillant les endosses du vieillard comme jadis une horde de Chemises Brunes l’échine percluse du rabbin égaré. Bref, en deux coups les gros le bouton de culotte dégringolait dans l’estomac du vieux birbe, en attendant une prochaine évacuation, plus ou moins douloureuse, par les sorties traditionnelles. Tout est bien qui finit bien, sauf pour la dent endommagée. Pas content le Maurice!
-« Alors c’était quoi ce piège à gnolus, là! Faudrait voir à justifier les défectuosités de la marchandise, dites donc, comment je vais faire pour mastiquer, moi désormais, hein? Avec la bite et le couteau, c’est ça? Va falloir que je me mette à la purée liquide, merde, avec une paille! Vous réalisez la cata, hein?…
Bon, ques’tu me disais, Marcel, avant de parler? »…
Il avait déjà oublié sa ratoune, le mec! La gravité des dommages apparaissant dès lors manifestement surévaluée, l’incident se retrouva clos, au grand soulagement de la malheureuse Monique qui ne savait vraiment plus où se mettre… D’un commun accord, tacite autant qu’informel, nous décidâmes illico de zapper la cérémonie de couronnement épiphanique afin de terminer paisiblement les toasts au foie gras, lesquels ne présentaient plus désormais le moindre danger.
Marcel Grauburle, les susdites circonstances dramatiques lui avaient fait totalement oublier la question évoquée par le vieux Maurice. Du coup, il se retourna vers les potes, d’un air interrogatif, en essayant de trouver parmi nous l’assistance d’une mémoire secourable. Naturellement, vu que tout le monde s’en foutait éperdument, la tentative se solda par un échec…sauf qu’à ce moment-là notre ami remarqua un détail susceptible de relancer la conversation dans une direction nouvelle:
-« Dites, Maître, fit-il en s’adressant à se cher Jean Trentasseur, lequel tenant sa coupette d’une main délicate, le petit doigt légèrement surélevé, s’attaquait de l’autre à l’assiette de lonzu et de figatelli dont le contenu baissait déjà à vue d’œil, c’est chouette ce badge Je suis Charlie, vous au moins les accessoires vous font de l’usage! »
Il est vrai que notre avocat ex-socialiste, désormais macronophore (voir ici), affichait au revers de son veston d’alpaga, juste à côté de la rosette, une sorte de gros pin’s émaillé portant le fameux slogan blanc sur noir, si cher à tous ceux qui pensent convenablement en ce bas monde. Comme toujours, dans le bistrot de cette chère Thérèse, l’éminent juriste en question se révèle le seul à étaler avec éclat ses convictions, rigoureusement conformes, par principe, aux diktats de la sacro-sainte Bien-Pensance, aux dogmes gaucho-laïcards, ainsi qu’aux exigences profondes des poncifs maçonniques. Et, comme toujours, il se trouve un énergumène de la bande de facho-réacs, pour engager l’opération foutage de gueule trentasseurienne.
-« Alors, puisque vous êtes toujours Charlie, poursuivit vicieusement Grauburle, vous pourrez peut être nous expliquer pourquoi, à ce qu’on entend, ça serait désormais passé de mode, surtout chez les d’jeun’s…Faut dire que si les sondeurs ont demandé à Mohamed, Djibril ou Moustafa, y a peu de chance qu’ils répondent présent, ou alors ça serait qu’ils n’auraient rien capté à la question…c’est sans doute pour ça qu’on arrive encore à trouver des Charlie chez les dix-huit à trente cinq piges…oui probablement même, vu que les merdeux en question, ils ne savent même plus de quoi ça causerait cette affaire…trois ans déjà…pour ces morpions ça représente un sacré bail, le temps de l’oubli, quoi… »
« De toute façon, intervint Foupallour sans même laisser à l’interpellé l’opportunité d’en placer une, vous autres les gens bien, ça fait cinquante ans que vous prêchez pour importer du Maghrébin à doses massives et en plus pour les encourager à nous fabriquer un déluge de chiares tous plus mal éduqués les uns que les autres. Et vous avez conforté tout ce joli monde dans sa religion de mes deux, qu’il ne fallait surtout pas toucher ni encore moins critiquer si peu que ce soit, sous peine de condamnation pour racisme, islamophobie et autres inventions géniales de la Grande Famille de Gauche. Maintenant que vous vous retrouvez avec une population innombrable de Muz fanatiques qui nous aiment comme vous adoreriez manger leurs excréments (enfin je suppose), vous la trouvez saumâtre et du coup, au lieu de prendre les mesures qui s’imposeraient, par exemple le renvoi de toute cette racaille là d’où elle vient, vous vous collez des chouettes badges sur le poitrail et vous défilez comme des cégétistes entre République et Nation! Vous êtes sans doutes des super-intellectuels, tous autant que vous êtes, mais quelque part ce n’est pas la logique ni le bon sens qui vous étouffent, non? Je me goure? Parce qu’avec vos idées à la con -et les rigolos de Charlie-Hebdo parmi les premiers, paix à leurs âmes- vous nous avez foutus dans une mélasse pire que ce qu’on avait pu connaître dans toute l’histoire de ce pays de tordus… Charles Martel, lui, il ne se faisait pas suer avec les concepts éthérés de la pensée germanopratine, il chargeait lance en avant, ce Charlie-là, et les Arabes de l’époque, ce genre de méthode ils comprenaient parfaitement… ceux d’aujourd’hui ne sont pas si différents, vous savez, ce sont les mêmes…et nous aussi dans le fond… sauf les couilles… »
Alors, bon, on n’allait tout de même pas continuer systématiquement à tabasser ce pauvre bougre, à la longue cela eût plombé l’ambiance. Pour sauver Jean Trentasseur d’un naufrage idéologique prévisible, souvent Thérèse parvient à choper la balle au bond; cette fois, en guise de balle, elle trouva France Gall, dont le décès venait de tomber sur les téléscripteurs, lesquels, bien qu’ils n’existassent plus depuis lurette, se révèlent encore bien pratiques pour le pauvre blogueur qui cherche des expressions imagées afin de pondre tant bien que mal ses conneries à deux balles (voire pas de balles du tout). Bon, ça jette tout de même un froid quand tout à coup vous voyez à nouveau disparaître un petit morceau de votre jeunesse. Je l’aimais bien moi, cette mignonne, avant qu’elle n’épouse l’autre couillon chevelu… Après, bien sûr, il ne m’en restait plus grand chose à foutre. Mais l’impression s’impose, dure et implacable, « un de plus un de moins » comme disait, temporibus illis, une vieille de ma connaissance…sacrée philosophie de vie! Ça s’applique à tout ce truc, vous ne trouvez pas?
Bonne semaine et amitiés à tous.
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
(1) Difficilement traduisible et pas très catholique, en tout cas, ne parlant pas le piémontais je vous laisse le soin d’en saisir grosso modo le sens général.
(2) Question arabe, je n’en connais pas plus…en l’occurrence il s’agirait d’une histoire de religion maudite et conchiée par le bon Musulman…mais je ne saurais l’affirmer.
(3) Ça, je sais! Ce terme désigne la vieille ville de Nice et viendrait de « Bab el Souk » ainsi qu’elle fut appelée en 1543, lors de l’occupation par les Turcs et les Français de François 1er… Comme quoi la France a toujours su bien choisir ses amis…
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