Des policiers à peine sortis de l’école, peu ou pas formés pour faire face aux tueries de masse, dotés d’un équipement flambant neuf que personne ne leur a appris à utiliser... sans oublier un matériel de protection parfois stocké à quarante minutes à pied du lieu de patrouille : c’est le terrifiant portrait de l’Unité de sécurisation opérationnelle de la capitale (Usoc), lancée fin 2016, qu’ont peint à RT France des sources policières.
Afin de vérifier les propos de ces lanceurs d'alerte, RT France a donc contacté Nicolas Pucheu et Kevin Serviolles, respectivement secrétaire départemental adjoint et délégué permanent au syndicat Unsa Police de Paris. A l'inverse des plus hautes instances hiérarchiques, ces derniers confirment les révélations portées à la connaissance de RT France.
«Ils apprendront sur le tas»
Les jeunes recrues de l'Usoc subissent une pression énorme et travaillent dans l’angoisse. En effet, conscients de constituer des cibles privilégiées pour des attaques terroristes éventuelles, elles ont tenté à de multiples reprises d’alerter leur hiérarchie par voie syndicale, sans résultats.
Kevin Serviolles a tenté de faire valoir les revendications de ses collègues et de se faire le porte-voix de leurs inquiétudes : «Les jeunes collègues n'ont pas reçu la formation adéquate pour mener la mission qu'on leur a confiée. Quand je suis allé voir la hiérarchie pour porter leurs demandes, on m'a répondu : "Ils apprendront sur le tas."»
Ils ont le sentiment qu'on les envoie au casse-pipe, de constituer des cibles et d'être considérés comme de la chair à canon
Nicolas Pucheu résume bien l'incompréhension de ses collègues : «Le sentiment qu'ont les collègues de l'Usoc à l'heure actuelle, c'est qu'on leur demande d'assurer des missions sans leur en donner les moyens [...], ils ont le sentiment qu'on les envoie au casse-pipe, de constituer des cibles et d'être considérés comme de la chair à canon.»
Un gros manque de formation
La mission Usoc est constituée de 250 policiers, répartis en plusieurs brigades qui sillonnent les rues de la capitale française inlassablement. A terme, il s’agira de remplacer complètement l’opération Sentinelle à Paris, qui compte 7 000 à 10 000 militaires sur toute la France métropolitaine, et jusqu'à 6 500 à Paris.
Les policiers de l’Usoc sont équipés de matériel sophistiqué et neuf : boucliers balistiques, casques, gilets lourds et fusils d’assaut allemands de type HK G36, commandés par l’Etat pour répondre aux potentiels tirs d’AK-47 de terroristes. Mais, selon les syndicats, ils n’ont absolument pas été formés pour utiliser une grande partie de ces équipements... et n’ont droit qu’à une séance de tir par an dans les stands de tir surchargés de la police !
Des policiers, pas des soldats
Dans le même ordre d’idée, les Usoc ne seraient pas davantage aguerris au combat urbain, contrairement à leurs homologues de Sentinelle. «Pour la tuerie de masse de niveau 2 [niveau intermédiaire entre la patrouille de police de premier niveau et les agents du Raid du troisième niveau], ils n’ont pas du tout été formés […], comment utiliser le bouclier balistique ? Comment le déplier et le sortir du véhicule ? Comment se protéger et progresser avec ? Ils ne savent pas faire, voilà […], ils sont complètement démunis !» s’alarme Kevin Serviolles.
Des cibles parfois sans moyen de défense
Pire : casques, gilets et boucliers se trouvent dans les véhicules de patrouille qui ne suivent pas les brigades dans les rues. Garés dans l’enceinte du commissariat du secteur, ils se trouvent parfois à quarante minutes à pied de leur position. Et ce quand véhicule il y a : «Comme le garage central de la police est débordé, ils prennent tous les véhicules disponibles en même temps. Du coup, ils sont parfois à pied, sans voiture de soutien et ils doivent prendre le métro en tenue, avec leurs armes de service», témoigne le syndicaliste, écœuré. Et d'ajouter : «On leur a ajouté des brassards bleu et rouge, comme s'ils n'étaient pas déjà assez visibles !»
Sois beau et tais-toi !
Quels sont vraiment les objectifs de l’Usoc : défendre les Français ou rassurer le quidam dans la rue ? Tenues de service impeccables, recrues jeunes et armes ronflantes sont exhibées : «La DOPC [Direction de l'ordre publique et de la circulation] est la vitrine de la police parisienne. On demande aux collègues de se comporter en accord avec les principes de leur mission, c'est-à-dire : une opération de communication», déplore Kevin Serviolles.
Et gare aux contrevenants : un «pôle discipline» a été créé pour les surveiller, et un calot retiré en pleine rue par 35° pendant les périodes de canicule peut valoir une sanction au policier fautif.
«On va expliquer aux collègues qu'il faut qu'ils aillent à 40 minutes de leur bouclier et de leur casque pare-balles, et, dans le même temps, on les prévient que s'ils ne portent pas le calot, ils vont être sanctionnés ! Naturellement, c'est incompréhensible et inaudible», résume Nicolas Pucheu.
Malaise en haut lieu ?
RT a tenté d’obtenir de la hiérarchie des réponses à ces questions angoissantes, afin de les confronter aux accusations de ses subordonnés. Manifestement, le malaise semble avoir soudain contaminé la hiérarchie. Le ministère de l’Intérieur s’est déclaré incompétent en la matière, redirigeant les questions de RT France vers la Préfecture de police de Paris, qui a tenté à son tour de renvoyer la balle vers la Direction générale de la police nationale… Au terme de quelques jours de ce match de ping-pong, la sentence est tombée : il a été décidé en haut lieu de ne pas «donner de suite favorable à [notre] demande».
Reste à espérer que les inquiétudes légitimes des effectifs de terrain et de leurs représentants syndicaux soient, elles, mieux entendues avant la fin de l’opération Sentinelle. Sans quoi, c'est bel et bien de la sécurité des Parisiens qu'il en irait.
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