15 août 2017

Les moulins des dieux broient lentement, mais ils broient extrêmement bien


Je sais que je ne suis pas le premier à souligner comment Anthony Scaramucci, le nouveau directeur de la communication du président Trump, porte tout à coup, (et à merveille comme son homonyme), le rôle du coquin / bouffon de la Commedia dell’arte du vieux monde en attaquant ses camarades et ses bozos de l’école des clowns qu’est devenue la Maison Blanche. Bien sûr, ces bouffonneries ne reflètent que la vulgarité violente et étonnante de la culture américaine actuelle, d’autant plus qu’elle se ré-amplifie récursivement dans la chambre d’écho distordante de la télévision. C’est comme ça que nous roulons aujourd’hui – directement dans le trou du cul collectif de l’Histoire jusqu’à ce qu’un événement fatal provoque une dernière effrayante purge de nos propres bêtises.

Pourtant, il était plutôt choquant d’entendre Scaramucci se référer au chef d’état-major de la Maison Blanche, Rance Priebus, comme « un putain de schizophrène paranoïaque » et le très proche conseiller de Trump, Steve Bannon, comme quelqu’un qui « aime sucer sa propre bite ». C’est un peu comme si Paulie Walnuts de la série Les Sopranos errait dans l’aile Ouest de Veep. Quelqu’un va se faire éclater, et ce sera une émeute de rire quand cela se produira.

Nous avons besoin d’un petit soulagement comique sous ces latitudes des chevaux de l’esprit du milieu de l’été, alors que le Show Trump, qui a été mis en vedette, semble entrer dans sa danse rituelle de la mort. Il y a aussi quelque chose de napoléonesque au sujet de Scaramucci. Voici un gars qui tranche la graisse odieuse de la politique américaine jusqu’à l’os avec le couteau d’équarrissage de sa morale profane. Personnellement, j’aimerais le voir jeter ses filets sur quelques cibles plus méritantes, et je peux même imaginer un scénario un peu farfelu où le petit mec vire Trump pendant une urgence nationale concoctée et parvient à se déclarer lui-même Premier Citoyen, ou un autre titre innovant pour lui permettre de diriger pendant un certain temps – disons, jusqu’à ce que les généraux le balancent par une fenêtre. Ou peut-être qu’il durera moins d’une semaine à son poste actuel. Je ne serais pas surpris non plus, si M. Bannon bat le petit Mooch à mort avec un poteau de cheminée du bureau ovale juste devant le Golem d’or de la grandeur lui-même.

Les moulins des dieux broient lentement, mais ils broient extrêmement bien – dans ce cas, inexorablement vers la médecine réparatrice du 25e amendement. Il y a, après tout, cet ancien artefact déchiré, appelé l’intérêt national qui se cache quelque part à l’extérieur de toute cette momie colorée, d’autant plus que le gambit du tripatouillage russe ne semble se diriger nulle part. Il est plus qu’évident que le pauvre Trump est dépassé par un désordre systémique débilitant le rendant inapte à assumer ses pouvoirs de président. Dans quelques décennies, on dira qu’il avait « les tweets ».

C’est un type de mélodrame que le monde a vu auparavant dans une centaine de palais royaux et autres centres de pouvoir. La nécessité de se débarrasser du chef de l’État devient si péniblement évidente que le bavardage inutile cesse et toute intention est signalée par de simples regards appuyés, des soupirs et autres dispositifs lourds de langage corporel. C’est ce qui se passe maintenant au Sénat, dans les bureaux de direction des agences de renseignement, les terrasses de Martha’s Vineyard et sûrement les couloirs sanctifiés de la Maison Blanche elle-même. D’une manière ou d’une autre, les couteaux sont de sortie.

Le scénario le plus économique serait que Trump gracieusement « démissionne » et soit autorisé à revenir à ses activités familières de rançonnage d’argent dans l’immobilier, où il ne peut vraiment nuire qu’à ses propres comptes bancaires et à sa postérité familiale. Ou il pourrait être viré à coups de pied, hurlant vers la sortie, disons-nous, et jeté aux bêtes sanglantes de la justice de l’État profond. Ce ne sera pas joli. L’un ou l’autre résultat pourrait provoquer beaucoup de méfaits « parmi les personnes qui ont voté pour lui ».

Dans tous les cas, je doute que la politique puisse supporter Trump beaucoup plus que jusqu’à la fête du Travail [premier lundi de septembre, NdT] – et je dis tout cela comme une personne qui n’a jamais fait partie de la soi-disant « Résistance ». Je ne suis même pas très convaincu que se débarrasser de Trump et installer son remplaçant, Mike Pence, laissera le gouvernement moins dysfonctionnel. Après tout, la nation traverse un arc d’histoire plus vaste et effrayant alors que la fête techno-industrielle est en bout de course, avec toutes les conséquences terriblement perturbatrices qui cela implique. Mais au moins il y a une chance que nous puissions au moins faire face à cette situation sérieusement au lieu de nous sentir pris au piège dans une sorte de sitcom cosmique, dans un univers alternatif d’incohérences sans fin.

James Howard Kunstler

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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