30 août 2017

Les États-Unis tirent leur première salve dans la guerre commerciale contre la Chine


Alors que le programme nucléaire nord-coréen et ses tests de missiles captent l’attention du public mondial, une autre guerre est sur le point de se déclencher. Le 14 août, le président américain Trump a lancé la première salve en autorisant une enquête sur le présumé vol de propriété intellectuelle par Pékin en vertu de l’article 301 de la Loi sur le commerce de 1974. C’est la première mesure commerciale directe de l’administration prise à l’encontre de la Chine.

Washington estime que les entreprises américaines opérant dans l’Empire céleste sont contraintes de partager la propriété intellectuelle si elles veulent avoir accès à l’économie chinoise. Les entreprises américaines sont souvent obligées de créer des coentreprises avec des partenaires chinois, leur transférant ainsi leurs actifs technologiques de valeur. « Nous allons résister à tout pays qui oblige illégalement les entreprises américaines à transférer leur précieuse technologie comme condition d’accès au marché. Nous allons combattre la contrefaçon et le piratage qui détruit les emplois américains », a déclaré Trump.

Au cours de sa campagne électorale, le président Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 35% à 45% sur les importations chinoises pour obliger la Chine à renégocier sa balance commerciale avec les États-Unis. Le représentant commercial des États-Unis, Robert Lighthizer, aura une année pour décider s’il faut lancer une enquête formelle sur les politiques commerciales de la Chine en matière de propriété intellectuelle, que les groupes de pression de la Maison Blanche et de l’industrie américaine accusent de nuire aux entreprises et aux emplois américains. Les responsables de l’administration Trump ont estimé que le vol de propriété intellectuelle par la Chine pourrait être à hauteur de 600 milliards de dollars.

Le déficit du commerce bilatéral entre les États-Unis et la Chine s’est approché des 350 milliards de dollars en 2016, et Trump a accusé à maintes reprises les importations chinoises d’éliminer de l’emploi dans les secteurs américains comme l’acier. « Nous allons mener une enquête approfondie et, si nécessaire, prendre des mesures pour préserver l’avenir de l’industrie américaine », a déclaré Lighthizer.

L’enquête est susceptible de déterminer que la Chine poursuit des pratiques commerciales déloyales. Dans l’affirmative, le président Trump devra agir, qu’il le souhaite ou non. Et la réaction en chaîne commencera à plonger les deux grandes nations dans une guerre commerciale dont personne n’a besoin. Washington sera entrainé dans un autre conflit qui ne fera que saper les ressources de l’Amérique.

Il est à noter que l’enquête sur la propriété intellectuelle s’ajoute à d’autres enquêtes lancées par la Maison Blanche plus tôt cette année sur les pratiques commerciales chinoises, notamment celles concernant l’acier et l’aluminium. Ce mois-ci, Washington a annoncé des sanctions préliminaires contre les importations de papier d’aluminium venant de Chine.

Ce n’est pas une question de principe, mais plutôt un élément de la politique de la carotte et du bâton. C’est plutôt symbolique que le président ait signé l’ordre exécutif à un moment où les relations bilatérales sont déjà tendues au sujet des ambitions nucléaires de la Corée du Nord. Le 10 août, Trump a déclaré qu’il pourrait adoucir sa position sur le commerce si Pékin faisait plus pour aider à maîtriser une Corée du Nord nucléaire. « Si la Chine nous aide, je changerai d’avis sur le commerce », a déclaré le président, démontrant son approche donnant-donnant.

Le journal China Daily a prévenu qu’une guerre commerciale pourrait être déclenchée si le président Trump poursuit ses projets de lancer une enquête sur la question de savoir si la Chine vole de la technologie américaine. Le ministère chinois des Affaires étrangères a fait appel à l’administration américaine pour éviter une « guerre commerciale ». Selon les estimations des experts, les États-Unis perdraient si une guerre commerciale était menée.

Le président Trump préfère agir selon la législation nationale, et non selon le droit international. Washington peut ne pas aimer les pratiques commerciales de Pékin, mais la Chine respecte l’accord d’adhésion à l’OMC, qui a laissé une grande liberté au pays pour restreindre le commerce des services et des investissements étrangers. Des droits de douane élevés introduits unilatéralement pourraient entraîner des sanctions contre les États-Unis au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Une guerre commerciale pourrait porter atteinte au système du commerce international et faire de l’OMC une coquille vide.

Le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) était un moyen de résoudre les problèmes liés aux pratiques commerciales de la Chine, y compris par l’introduction de règles rigoureuses sur la propriété intellectuelle et les investissements ouverts. Si l’accord devenait effectif, un grand marché serait créé en Asie, et la Chine mise à l’écart. Afin de rejoindre le TPP, Pékin aurait du présenter les réformes que les États-Unis veulent la voir mettre en œuvre.

L’accord était signé et les participants étaient désireux de ratifier le document. Personne d’autre que le président Trump n’a déclaré que le TPP était un mauvais accord et en a fait sortir l’Amérique, au grand chagrin des alliés et partenaires asiatiques. Maintenant, les États-Unis font face au résultat. Vous récoltez ce que vous semez !

En 2008, l’économie mondiale a fait face à la crise économique la plus dangereuse depuis la Grande Dépression des années 1930. Où les États-Unis et les autres puissances économiques en seraient-ils, sans la Chine qui a fourni un soutien essentiel à la demande mondiale ? Voici un autre aspect du problème à prendre en compte. Si la Chine ralentit, les États-Unis ralentissent aussi. De nombreux pays seront touchés et l’Amérique ne sera pas une exception à cette règle. Mener une guerre commerciale contre la Chine est comme se tirer une balle dans le pied.

Finalement, la tendance étasunienne à résoudre ses problèmes avec la Chine en lançant une guerre commerciale fait partie d’une image plus large. L’approche en terme de confrontation est toujours privilégiée par les États-Unis. Vous souvenez-vous de la loi « Countering America’s Adversaries Through Sanctions » (résister aux adversaires américains par des sanctions) actuellement en vigueur, qui a lancé une guerre des sanctions contre la Russie, l’Iran et la Corée du Nord ? Elle a été signée par le président le 2 août.

L’armée américaine est déployée dans de nombreux pays, avec des bottes sur le terrain en Europe, en Syrie, au Yémen, en Irak, en Afghanistan, aux Philippines, en Libye, dans le golfe Persique… Une attaque contre la Corée du Nord ou l’Iran est envisageable à tout moment. Une invasion du Venezuela est en option. Le président a déclaré que cela n’était pas exclu. Les relations diplomatiques avec l’Europe, l’alliée traditionnelle de l’Amérique, se sont détériorées. Et les appels à laisser les Nations Unies faire leur boulot augmentent aux États-Unis. La Maison Blanche continue pourtant de s’accrocher à sa politique du « Fais bien ce que je dis, sinon… ». Il reste à voir comment cela fonctionnera, mais c’est pourtant ce que nous avons actuellement. C’est une question de mentalité – la chose la plus difficile à changer.

Peter Korzun

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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