Après l’éviction de Bayrou, c’est la seconde faute politique majeure que tu commets depuis ton entrée par effraction à la tête de l’État – mais pour la suite de ton règne, elle sera autrement plus grave et conséquente que la première, crois-moi.
Même pendant la guerre d’Algérie, le Général De Gaulle n’a pas osé parler aux chefs de l’Armée (dont certains cherchaient pourtant à attenter à sa vie) comme tu viens de le faire. Et malgré tout, c’était De Gaulle : il avait – face à la France, face à l’Histoire et face à l’armée – une légitimité que tu n’as pas et que tu n’auras jamais.
Que tu humilies le larbin LR que tu as nommé à Matignon ou d’autres traîtres et seconds couteaux de même catégorie qui grouillent autour de toi, personne ne t’en voudra jamais : ils sont tes choses, et, si j’ose dire, elles sont faites pour ça.
Mais humilier publiquement le Chef d’état-major des armées, un officier aimé et respecté de ses hommes, au côté duquel tu paradais aujourd’hui sur les Champs-Élysées, avec ta morgue habituelle de robin janséniste, tout cela après avoir froidement et cyniquement menti à ses subordonnés pour complaire à ta suzeraine allemande, c’est beaucoup plus qu’une forfanterie ou une imprudence : c’est l’expression du premier de tes parjures qui révèle clairement et distinctement, le jour même de la Fête de la Nation, que tu ne devrais pas être là où tu te trouves aujourd’hui.
Tous les chefs d’État doivent, un jour ou l’autre, s’exercer à la trahison ou au sacrilège, mais c’est un art à la fois de préméditation et d’exécution qui pour eux est semblable à une ordalie : si l’on ne sait pas s’y prendre, on y perd sa tête. Puisqu’il paraît que tu apprécies le Prométhée d’Eschyle, tu devrais le savoir, petit banquier…
N’oublie pas que, même chez tes alliés politiques, beaucoup de gens ne t’aiment pas et ont de très bonnes raisons pour ne pas t’aimer. N’oublie pas aussi que ta volonté de transformer les salariés de ce pays en zombies corvéables à merci pour la plus grande gloire des élites mondialisées risque de rencontrer, après les fastes de l’été, quelques menues résistances, surtout si le chômage dans l’année qui vient ne diminue pas réellement (ce qui à mon avis est l’hypothèse la plus probable).
Et comme tu as détruit toute forme d’opposition parlementaire normalement constituée alors que ta propre majorité n’est qu’un parti-fantôme constitué d’ilotes même pas ivres, les refus qu’un pouvoir suscite sans pouvoir les civiliser par la médiation symbolique qu’opèrent les institutions deviennent susceptibles de se muer en autant de violences de masse dionysiaques ou régicides.
N’oublie pas que, là où tu es, content de toi comme tu l’es, c’est sans doute le pire qui t’attend – et que, comme Nicolas Sarkozy avant toi – tu ne pourras pas alimenter ton cirque de communicant toutes les semaines de ton quinquennat. Tu n’es pas Louis II de Bavière, petit banquier, et tu ne peux pas construire de beaux châteaux dignes de Viollet-le-Duc. Vu le niveau des déficits budgétaires qui obsèdent tant la secte des libéraux d’où tu viens, la Commission de Bruxelles, de toute façon, ne te le permettrait pas.
La colère et la haine des peuples que leurs élites se plaisent à mépriser de façon un peu trop systématique en ont surpris de beaucoup plus malins que toi, figure-toi. Et je crois qu’on te déteste aussi parce que si jamais pareille déconvenue t’arrivait, il n’est pas du tout exclu, aux yeux de beaucoup, que tu puisses te montrer capable du pire, ou de provoquer l’apparition du pire.
Quoiqu’il en soit, ce qui est sûr, d’ores et déjà, pour moi depuis hier, c’est que dans ce dernier cas, pour la première fois sans doute depuis l’époque du Général Boulanger, l’armée de la République, qui est aussi celle de la Nation, ne te protègera pas.
Et partant, la foudre de Jupiter, c’est toi, peut-être, qu’elle va finir par frapper…
Gabriel Nerciat
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