C'est un aveu d'échec qui ne dit pas son nom. Après des années de bataille judiciaire, politique, économique, voire médiatique, le gouvernement du Zimbabwe est en train de mettre en place un système d'indemnisation des fermiers blancs expropriés lors de la réforme agraire lancée par le président Robert Mugabe dans les années 2000.
Le revirement de Mugabe
La nouvelle est tombée le 11 mars dernier, lorsque le ministre des Finances, Patrick Chinamasa, a annoncé les modalités de la mise en œuvre de la loi entérinée par un conseil des ministres et qui permet une indemnisation des fermiers blancs. « Cette compensation est inscrite dans notre Constitution et de ce que je sais, c'est une obligation constitutionnelle », a déclaré le ministre à l'AFP avant de préciser que le gouvernement a démarré l'évaluation de la valeur des fermes pour déterminer le montant des indemnisations. « Sur les 6 000 fermes qui ont été saisies par le gouvernement, seules 1 500 ont été évaluées, et une fois les chiffres obtenus nous pourrons étudier les modalités des compensations », a-t-il précisé, refusant de fournir plus de détail sur le mode de financement de cette opération et les délais de sa mise en œuvre.
La productivité des terres au cœur de la nouvelle stratégie
L'annonce de l'indemnisation des fermiers blancs intervient alors que le FMI demande au Zimbabwe de mener des réformes économiques, en prélude à une reprise de son aide financière. Mais ce n'est pas la seule cause. En effet, le gouvernement doit affronter la réalité du terrain. La réforme agraire a produit l'effet inverse et la terre est devenue l'otage de tout un pays. Menée de manière violente, cette réforme visait en effet, selon le régime de Robert Mugabe, à corriger les inégalités raciales héritées de l'époque coloniale. Les fermiers étaient au nombre de 4 000 à la fin du siècle dernier, ils ne sont plus que 150 aujourd'hui. Leurs hectares ont été donnés le plus souvent à des soutiens du président Robert Mugabe et à son parti la Zanu-PF. Des centaines de bénéficiaires noirs n'ont pas pu exploiter ces terres, faute d'un savoir-faire, de fonds et moyens ou plus simplement par désintérêt. Cette redistribution des terres retirées aux fermiers blancs a donc conduit à une grave crise dans le secteur agricole et à une importante famine. Alors même que dans les années 1990, le Zimbabwe était le grenier à céréales du continent africain. 14,6 millions d'habitants, dont 3 millions vivent à l'étranger, le pays occupe la 180e place dans le classement Doing business de la Banque mondiale, et l'espérance de vie est passé de 62 ans en 1985 à 56 en 2013 sans compter des années d'inflation totalement incohérente. La réforme agraire et la politique d'indigénisation, laquelle exige que la majorité des parts dans les entreprises soient détenues par des Zimbabwéens noirs, sont à l'origine de la grave crise économique que traverse ce pays d'Afrique australe depuis plusieurs années. Alors, de plus en plus, certains bénéficiaires zimbabwéens noirs ont recours à des agriculteurs blancs pour leur venir en aide sur les terres. Ce sont des joints-ventures, et le modèle se répand dans toutes les régions. Les blancs leurs apportent appuis financiers, capitaux, et expertises. C'est ce constat qui a poussé le gouvernement de Mugabe à donner désormais la priorité à la productivité pour sauver une économie en crise depuis de longues années. Et d'inciter désormais les fermiers blancs qui ont quitté le Zimbabwe à revenir au pays et à y investir. Un revirement politique qui ouvre une nouvelle ère ? Même si le texte de la Constitution zimbabwéenne extrêmement précis fait débat : « Il incombe à l'ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, de dédommager les fermiers blancs expulsés de leurs terres lors de la réforme agraire. » Une équation qui n'a toujours pas trouvé de solution, mais le gouvernement assure avoir les moyens de sa nouvelle politique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.