14 juillet 2017

Paris Match : le reportage polémique sur l’attentat de Nice




La justice examine jeudi après-midi la demande de retrait en urgence du dernier numéro du magazine Paris Match, dont la publication d'images de la vidéosurveillance de l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 suscite la colère des victimes et de leurs proches.


Le parquet de Paris, qui a assigné jeudi en référé Hachette Filipacchi et la directrice de publication, "demande au tribunal d'ordonner le retrait de la vente" du magazine et "l'interdiction de sa diffusion sous tous formats, notamment numérique".

Ce référé, une procédure d'urgence, devait être examiné à partir de 14H00 au tribunal de grande instance (TGI) de Paris, à la veille de la commémoration de l'attentat qui avait fait 86 morts et 450 blessés sur la Promenade des Anglais.

Le parquet estime que ces images "portent atteinte à la dignité des victimes".

Ce type de procédure, de surcroît à l'initiative du ministère public, est rarissime. En mars 2012, le parquet de Paris avait assigné la chaîne qatarie Al-Jazeera pour empêcher la diffusion d'une vidéo des tueries de Mohamed Merah, qui a assassiné dans le sud de la France des enfants et un enseignant juifs ainsi que trois parachutistes. Mais la chaîne avait annoncé peu après qu'elle ne diffuserait pas ces images.

Informé mercredi de la publication par Paris Match de ces images, le parquet a "immédiatement ouvert une enquête pour violation du secret de l'instruction et recel" de ce délit.

"C'est une satisfaction de voir le parquet s'emparer de cette question qui est à la fois une question de principe et d'ordre public", a déclaré à l'AFP Eric Morain, l'avocat de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), qui avait appelé mercredi le parquet "à faire cesser ce trouble manifestement illicite".

Le maire de Nice Christian Estrosi (LR) a critiqué sur France Inter la publication d'images "ignobles".
'Des plans larges'

"Notre rédaction a voulu rendre hommage aux victimes en allant à leur rencontre un an après, dans un devoir de mémoire, pour que la société n'oublie pas", s'est défendu mercredi soir Olivier Royant, le directeur de la rédaction.

"Quant aux photos du camion cette nuit-là, largement publiées et relayées par nos confrères depuis un an, et encore ces jours-ci dans des émissions de télévision à grande audience, il s'agit de vues de loin, de plans larges, sans identification possible des victimes ni atteinte à leur dignité", a-t-il estimé.

"Si j'avais su que c'était pour faire de la presse sensationnaliste, je n'aurais pas accepté", a affirmé à l'AFP Kamel Sahraoui, 26 ans, une des victimes qui témoigne dans ce numéro du magazine. "Ces photos m'ont choqué, tout particulièrement celle du terroriste" abattu dans la cabine du camion, a ajouté le jeune homme, qui a perdu sa fille, sa mère et son neveu sur la Promenade des Anglais.

L'Association française des victimes du terrorisme (AFVT) a dénoncé un "parti pris éditorial assimilable à de la pornographie terroriste qui n'a pour but que de participer à la déshumanisation des victimes (...) et d'assurer le testament morbide du terroriste".

La Société des journalistes (SDJ) du magazine a estimé jeudi dans un communiqué qu'une interdiction semblait "disproportionnée" et "remettrait en cause le droit de la presse à informer librement". De son côté, le syndicat national des journalistes (SNJ) trouve "choquant" qu'une telle demande de retrait des kiosques soit "encouragée" à travers "une procédure rarissime, plus mise en oeuvre depuis l'époque de la guerre d'Algérie".

A la suite de cet attentat, plusieurs médias avaient déjà été pointés du doigt pour avoir notamment diffusé des images de victimes. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait appelé les médias audiovisuels à "la prudence et à la retenue, protectrices de la dignité humaine et de la douleur des personnes".

Chose rare, l'audience qui se tient à la première chambre civile du TGI de Paris est conduite par son président, Jean-Michel Hayat, en formation collégiale.

Les deux autres magistrats et lui devront déterminer si la publication de ces images est de nature à créer "un trouble à l'ordre public".

La décision devrait être rendue en fin de journée.
Le Point

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