Pour ce qui concerne USA-2016, on sait ce qui s’est passé, avec notamment, comme surprise de première dimension encore plus que l’élection de Trump, une déstabilisation intérieure extraordinaire entraînant un tourbillon crisique aux USA même. En France, aujourd’hui, après l’événement d’hier matin qui justifiait aussitôt une nouvelle “Humeur de crise”, on réalise de plus en plus, c’est mon sentiment, que la cavalcade est brusquement en train de déboucher sur une terra incognita d’un très beau cru.
Certes, il y avait des bruits avant-coureurs, on sentait bien que sourdait la possibilité d’un événement important, voire considérable ; cela paraissait inconcevable dans cette France qui a atteint de tels sommets de bassesse (oxymore des temps courants) que l’on parlerait presque d’une sublimité de la médiocrité; pourtant il semble péremptoirement que cela est... La possibilité d’une crise, comme Houellebecq parle de La possibilité d’une île, est fermement parmi nous; et d’une crise qui serait à la fois inédite, incontrôlable, insaisissable, et pour beaucoup parfaitement incompréhensible, bref une hypercrise ou tourbillon crisique.
Ce qui rapproche France-2017 de USA-2016 également, comme je le ressens, c’est l’extraordinaire hargne et la fureur quasiment eschatologique du Système. On sait bien que l’homme-lige, le micro-faux-masque du Système, c’est l’antiSystème proclamé dans un fou-rire général, – “P’tit Mac” comme mon très-mauvais esprit (je le sermonnerai) le surnomme en-dedans moi, reprenant aussitôt son hymne favori, pour fixer le climat, pour inspirer toutes nos élites-Système (vous savez bien quoi, “Nestor, youp-la-boum, c’est le roi du macadam”). Surgi du néant ou tout comme, puisque machiniste zélé de la néantisation, petit format, talonnettes et démarche bondissante, type-Sarko revu-Alain Minc, il est d’une insignifiance réglementaire, c’est-à-dire d’une totale et complète insignifiance comme il faut l’être pour être marionnette du président-poire, – bref, marionnette d’une marionnette, tout cela sur une chorégraphie-Système. A côté, il y a l’attaque contre Fillon, qui n’a pas eu l’allant de répondre par un bras d’honneur type-Marine parce qu’on est entre gens de bien ; et là, cette attaque est vraiment d’une fureur inouïe avec le revenez-y d’hier matin. Juppé vaque à ses occupations, à tout hasard, tandis que les députés en renouvellement de bail-LR aménagent leurs positions tactiques autour du thème héroïque et stratégique du “Courage, fuyons”.
Bien entendu, comme dirait la voix-off, il faut que “justice se fasse” et que “la Justice passe” ; bien sûr, mais il y a “faire-et-passer” et “faire-et-passer”, et l’emploi du bulldozer en mode blitzkrieg dans un tel instant capital, entre temps politique et temps judiciaire pris comme dans un instant de temps suspendu, a toutes les allures du temps du complot et de l’instant de la trahison. Car enfin, cette interprétation vous tend les bras, irrésistible et irrémédiable tant elle a la pureté d’un délice florentin : se non è vero, è ben trovato, opine Mitterrand-l’initié de l’au-delà de sa tombe...
Certes, je n’ai pas le goût du complot ni des explications souterraines, et le sort du Fillon, une fois que le bonhomme s’est révélé assez timoré et maladroit pour paraître fautif, et sans cette ardeur des sapiens qui croient avoir un destin, son sort n’est pas le propos qui m’intéresse ici. Par contre le climat, l’allure des choses, la manipulation bureaucratique des appareils et des apparatchiks d’instruction, champ de manœuvre où excellent les présidents-poires avec leur allure brejnévienne, tout cela nous fait un festin où je ne craindrais pas de plonger ma louche, – non sans l’avoir muni préalablement d’un très-très long manche comme si j’allais dîner avec le Diable, car le diable se cache évidemment, comme à son habitude, dans les détails de cette terrible et remarquable affaire.
Ce qui m’inspire de telles réflexions malgré ma détestation des explications alambiquées, c’est bien le climat de fureur que l’on sent, je parle de la part du Système, et de cette fureur-là qui transforme ces explications alambiquées en une sublime perspective de tourbillon crisique ; et cela, effectivement comme dans le cours d'USA-2016... Peu importe la raison, peu importe la manœuvre, peu importe le but, peu importe les acteurs et les figurants, je parle d’une humeur furieuse, je parle d’un climat, je parle du déchaînement du Système sous le coup de cette fureur de se voir, ou de croire se voir qu’importe, mis en cause comme d’autres le sont en examen, et discuté d’une façon ou l’autre et d’une quelconque façon. C’est dans ce cas qu’il en fait trop le Système et qu’il mugit de toute sa surpuissance jusqu’à accoucher de sa dynamique d’autodestruction à cause des erreurs qu’il est amené à commettre au galop de sa certitude de néantisation de l’adversaire.
Les commentateurs US, consultant l’histoire de la Grande République, n’en reviennent toujours pas de USA-2016 : “Nous n’avons jamais vu une telle campagne présidentielles...” (et tout le reste). Leur French équivalents, aujourd’hui, ne cessent d’égrener cette même stupéfaction pour la Grande Nation. Désormais, les projets et les suggestions révolutionnaires fusent : grande manif’ contre la “République des juges”, transposée en “complots des juges” ; soupçon d’insurrection extraconstitutionnelle ; projet de reporter l’élection présidentielle ; etc...
Aujourd’hui comme hier, France-2017 comme USA-2016, nous marchons sur le fil de la métahistoire. Nul ne sait ce qui nous attend et c’est bien mieux ainsi, preuve supplémentaire s’il en est besoin qu’il s’agit bien de métahistoire. Le rythme est étourdissant, la surpuissance manifeste, l’immense beauté de cette sublime époque de Grande Crise Générale continue à se déployer devant nos yeux éblouis. Something has got to give... Eh bien attendons voir, comme nous ne cessons de faire sans jamais être déçu tant les crises-surprises ne cessent de se poursuivre à la cadence d’une préparation d’artillerie de la Grande Guerre, – celle de Verdun, justement, de cette bataille qui a tant de signification pour mes appréciations de la crise que nous vivons..
Ave France, le monde te regarde comme il a toujours fait dans les temps incertains et métahistoriques : retrouve-toi et rétablis-toi dans ton destin, et donne-lui ta plus belle crise postmoderne pour t’inscrire à ton tour dans le temps métahistorique. Il restera aux juges à instruire, comme ils font avec si grand zèle.
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