Savent-ils ce qu’ils disent et ce qu’ils font, à Washington D.C. et à Paris, France ?
Voyez-vous, il est difficile de trouver des points de comparaison entre les deux hommes (BHO et Fillon), leurs postures, leurs buts, leurs ambitions, sinon qu’ils s’opposent sur nombre de points, au point qu’on peut conjecturer sans surprise que ce tourbillon d’échos et de convergences se fait au seul rythme des inversions croisées en quête d’une néantisation qui séduise le populo. Mais peu m’importe. Ce qui importe, c’est la dynamique de la chose événementielle, et le “bruit de fond” de cette dynamique ; et dans ce cas, l’interprétation qu’on doit en donner selon une approche habillée de l’objectivité métahistorique est celle de la similitude (“échos”, “convergences”). Tout cela nous dit la même chose de la couleur de ces temps déchaînés.
Écho, es-tu là ? (Je parle de l’écho d’un temps passé.) « L’atmosphère politique en France est devenue telle que des lignes anodines peuvent être considérées comme explosives » écrit Jacques Laurent dans Combat, le 31 mars 1961. Vingt-cinq jours plus tôt, le sigle alors mystérieux d’“OAS” est apparu sur les murs des immeubles d’Alger ; 22 jours plus tard, c’est le “putsch des généraux”, à Alger encore. Je sais tout ça, j’y étais, même si je ne prêtais aux choses qu’une attention mineure en allant chaque jour au lycée Bugeaud, perdu dans les rêveries de cette chambre d’échos que s’était constituée mon âme si jeune et les angoisses adolescentes face aux jeunes filles de mon cœur incertain.
Il y a de la similitude dans tout cela où les cas choisis ne sont qu’exemples de convergences et d’échos développés en fatras, et développant entre eux des rapports complètement invertis. La vie, la vie disait Shakespeare, « La vie n’est qu’une ombre errante [...] une histoire pleine de bruits et de fureurs, racontée par un idiot et qui ne signifie rien ». (*) La désagrégation française actuelle qui solliciterait parfois d’en rappeler d’autres mais qui finalement n’est semblable à aucune autre (finalement, rien à voir avec 1961, et le souvenir n’est là que pour marquer le changement d’esprit de l’époque, dont je témoigne absolument), cette désagrégation s’est alignée sur la désagrégation américaniste (oui décidément, “France-2017” après “USA-2016”), aussi bien dans le chaos-nouveau des choses que dans le désordre-entropique des acteurs-figurants.
Si l’on revient à la brûlante actualité qui n’est qu’une forme d’expression parmi d’autres des événements extraordinaires qui nous emportent, ce sera pour mon compte pour poser cette question qui me permet une rapide digression du jugement, et montrant ainsi que la possibilité de cette digression est le signe de notre impuissance bien comprise à ne rien pouvoir comprendre de ces événements qui se passent de nous, qui s’amusent à faire de nous leur jouet... Cette question : “faut-il juger Fillon” ? (Dans le sens de “le comprendre”, pas pour l’envoyer devant les juges qui sont d’une cohorte que je n’aime pas.) Je répète donc que je me fiche bien des aspects politiques de l’aventure, encore plus des aspects “moraux” ; que ne dégoisent-ils, par tonnes entières, par tombereaux et charretiers, en fait de “moralisation de la politique”, comme dit le surréaliste Mayrou (il me rappelle tant le sympathique et fort placide “Jojo-le-Mérou”, rencontré je crois dans le premier film sur Cousteau, tourné à la fin des années 1950, premier film de Louis Malle, primé à Cannes [documentaire]).
Bref, j’avoue avoir une sympathie d’instinct pour ce type, Fillon ; cet incroyable maladroit, ce stratège politique nul et ce tacticien toujours en retard, que tout le monde laisse tomber désormais, les copains et les coquins qui vont à la soupe-démocratique, mais lui qui décide de résister, qui ne cède pas, qui s’acharne type-“La Garde meurt mais ne se rend pas”... C’est vrai que j’ai un faible pour les perdants, surtout quand ils le sont à cause de la trouille et de la trahison des bandes habituelles du Système, surtout ses “amis” qui se trouvent coincés dans la même barque que lui ; d’ailleurs, dans cette époque qui est cul-par-dessus-tête du fait du tourbillon crisique de l’inversion, le perdant chronique peut gagner par inadvertance, qu’importe. En un mot qui dit tout, je dis que s’il insiste avec un peu de succès, Fillon, il va vraiment finir par devenir complètement antiSystème tant il a tout le monde contre lui ; et je lui reconnaitrais donc, puisque j’en suis là, qu’il a déjà rempli à son corps défendant, ce qui est la meilleure méthode, une bonne partie de son contrat d’antiSystème, qui est d’accentuer vertigineusement le désordre... On verra dimanche, s’il fait son “coup d’État” style-Boulanger, selon ce qu’il aura réussi à rassembler du fameux peuple-de-droite ; il est vrai, à tout prendre, qu’il est plus glorieux d’attendre que vienne le peuple, – un pari comme un autre, – que de tenter de retenir les rats quittant la navire, avant de se faire rat soi-même et de plonger avec les autres.
Là-dessus et ces choses ayant été dites, il faut me permettre d’en revenir à ma sagesse habituelle : si vous pensez que je puisse, que j’ose m’aventurer à offrir une précision, à esquisser une prévision, à ordonner par avance la progéniture furieuse de cette furieuse absence de sens et de cette détermination de nos directions-Système à n’aspirer à être que le rien suprême, vous serez évidemment déçu. Et cela est dit, certes et revenant à mon vrai sujet, aussi bien à propos du désordre américaniste que du désordre français, puisque les deux semblent désormais faire la paire pour aller ensemble et que celui qui étudie l’un n’en peut rien apprécier à sa juste mesure s’il ne tient pas compte de l’autre. Il n’y a rien à faire, justement, qu’à prendre et à suivre la juste mesure en constante évolution de l’intensité et de la puissance de l’événement dont le dessein nous reste impénétrable. Mais ce n’est pas rien, cette attention du géomètre de la catastrophe, pour tenter de faire sonner et d’expliciter au moment qui importe les alarmes collectives ; on conviendra aisément, parce que cela est pure et bonne justesse de l’esprit que cela vaut bien plus que les commérages et les radotages qui accompagnent ces événements, en prétendant en être les commentateurs sinon les ordonnateurs.
Car on ne peut que s’extasier et s’exclamer devant cette extraordinaire similitude dans la dynamique déstructurante des situations française et américaniste. Les Français devraient donc retrouver leur fierté intemporelle, et les salons parisiens leur arrogance postmoderniste, la France est désormais au centre des préoccupations du monde et de notre contre-civilisation, cette fois presque à parité avec “nos amis américains”, dans une sorte d’“OTAN-du-désordre”. (Peut-être les Hollandais vont-ils nous rejoindre le 15 mars, et les Allemands, toujours un peu lourds, un peu plus tard dans cette attachante année 2017.) Il n’y a aucun parti à prendre, aucune victoire à espérer, malgré les sentiments et les réflexes des uns et des autres parmi les chroniqueurs du désordre. Ni le concept de “parti”, ni celui de “victoire” n’ont plus le moindre sens dans une dynamique des événements complètement supérieure à notre raison, et s’employant avec malice à rendre insensés et irrelevent tous nos concepts et autres structures édifiées par notre raison pour tenter d’ordonner le désordre qu’elle-même (notre raison) entretient, comme l’incendiaire qui veut jouer au pompier.
Le mot de la fin sera de détente et d'armistice des assauts antagonistes... Il revient à celui qui nous dit qu’après tout, tous ces gens que je et nous vouons aux gémonies, ne sont pas si méchants et encore moins machiavéliques. Je parle des petites mains du Système dont sont composées nos direction-Système... Le mot de la fin donc, à Jean-Claude Juncker, pour une intervention, hier au Parlement Européen, où il est dit par ZeroHedge.com, imprudemment selon moi si l’on entend la douceur et le calme de la voix, que Juncker “semble nous avoir fait une petite crise de nerfs”’ ... « And during that debate Jean-Claude Juncker, the President of the European Commission, appeared to have a little breakdown. When Juncker was criticized for wanting to consult ordinary Europeans on what they should do, this is what happened. »
... Ce qui se traduit (je parle de Juncker sur la vidéo, parlant avec calme et vraiment presque avec douceur à la meute des députés européens) : « Mais merte ! Je dirais “merte” si nous n’étions pas au Parlement Européen ! Que voulez-vous que nous fassions de plus... » Ce “merte” si complètement belgo-luxembourgeois sonne haut et clair son brave petit maire d’une chouette “petite ville moyenne du Luxembourg”, – cela, justement vu par Ted Malloch, l’ambassadeur de Trump auprès de l’UE ( « Ted Malloch : “Well Mr Juncker was a very adequate mayor of some city in Luxembourg and maybe he should go back and do that again.” »). Franchement, écoutez-le et répondez à cette question : vous le voyez en dictateur cruel et terrible de notre contre-civilisation et porte-parole du Deep State-UE ? Moi pas vraiment, et là se trouvent le grand Secret et le Mystère sublime de notre Grande Crise de l’effondrement du Système : ils ne sont pas si machiavéliques ni si méchants que cela, c’est-à-dire pas du tout, et pourtant la catastrophe accompagne leurs discours et suit leurs pas, de Washington D.C. à Paris, France, et jusqu’au PE où parle Juncker, surpris entre deux canettes et, à mon avis, off-canettes...
Note
(*) « Life's but a walking shadow [...] it is a tale/Told by an idiot, full of sound and fury,/ Signifying nothing. » Nombre de cas montrent que le sublime nihilisme de la tragédie humaine-shakespearienne décrit avec tant de puissance par Shakespeare trouve un bien plus bel écrin dans son adaptation française que dans l’anglais original. L’anglais appuie sur le nihilisme presque d’une façon comptable, le français exalte le tragique ; la puissance du mot “rien”, sa brutale courtitude, sa netteté coupante, sa puissance potentielle, son ontologie première rendent compte du Mystère et de l’immensité incompréhensible du concept, surpassant de loin l’aspect un peu traînant, trop visiblement composé (“aucune chose”), qui concède trop à l’explicitation et réduit l’ontologie, de “nothing”. Shakespeare en français laisse plus de place à l’espoir que Shakespeare en anglais, il exprime mieux la profondeur nécessairement structurante de l’énergie qui l’habitait, lui le grand tragique élisabéthain. La langue française, quand elle existait encore et lorsqu’elle est extraite de sa gangue de pourriture réductrice et puante de la modernité, est plus logocratique, elle est métaphysique et mieux faite pour décrire l’unicité extraordinaire de la Grande Crise Générale que nous vivons.
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