Avec Monique elles ont bossé comme des caucasiennes (si je mets « des négresses » je risque la taule, alors…) pour mettre au point dans les délais liturgiques ce petit chef d’œuvre dont la grâce naïve dissimule à peine une volonté manifeste de cracher à la gueule de tous les laïcards, dhimmis et autres salopards bien-pensants acharnés à nous niquer la tradition catholique. Pour bien marquer le coup, les deux mémères n’ont rien trouvé de mieux que de mêler au troupeau de moutons règlementaire, une bonne dizaine de petits cochons, antique cadeau de la Maison Olida, ainsi qu’en témoigne la marque gravée sur les flancs dodus desdits porcelets de plastique rose.
Sachant qu’au programme figurait notamment la fameuse Rosette de Lyon descendue des rives de Saône en compagnie de son pote Moulin à Vent, lesquels précèderont le fabuleux Champagne qui fit tant pour asseoir la renommée de la Taulière, tout le monde est venu. Même Marlène, la Femme du Peintre, dont l’incurable gauchiardisme ne saurait rejeter la symbolique Chrétienne, du moment qu’elle se présente dûment assortie de réjouissantes victuailles. Et, quand vient Marlène, suit généralement la petite Pompy toujours prête, pour les occasions festives, à faire voir les aspects les plus attachants de sa personnalité. Au contraire de la belle saison, l’hiver elle s’habille chaudement, Pompy. En l’occurrence il s’agissait d’un jean taille-basse, bassissime pourrait-on dire, mais déchiré de partout et tellement moulant qu’on pouvait découvrir des détails encore insoupçonnés . Perché sur un haut tabouret, ledit vêtement disparaissait carrément laissant apercevoir, selon les mouvements du somptueux arrière-train, les petits trésors qu’elle réchauffe au beau milieu de ce dernier. Bref la fête démarrait superbement et Foupallour disputait au vieux Maurice, toujours ingambe malgré ses quatre-vingts balais bien sonnés, la place en contrebas du derrière de la petite, poste d’observation idéal pour en morfler plein la vue gratis pro deo.
Personne, donc, parmi les fidèles du rade, n’eût raté l’évènement pour un empire. Le ban et l’arrière-ban de l’aristocratie bistrotière honorait de sa chaleureuse présence les derniers instants de l’Avent, consacrés, en vertu d’une tradition plusieurs fois centenaire, aux agapes, beuveries et autres petits jeux libertins dont nous limitâmes toutefois le périmètre aux regards baladeurs et plaisanteries grivoises qui constituent le minimum acceptable en pareille occasion. Et, cerise confite sur la buche pâtissière, l’ami Yves Rognes, mettant à profit le manque criant de neige dans le Haut-Pays, descendit avant-hier de sa retraite Trounazéenne (1) afin de célébrer avec nous la fameuse soirée où, dans un trou de Judée, l’Enfant nous fut donné.
Blaise Sanzel aussi était présent. Mais sombre et éploré comme un Christ de la Miséricorde, le nonagénaire. Venu de son propre aveu pour se ramasser la biture du siècle, il portait sur sa vieille tronche effondrée un inconsolable chagrin lié à la disparition du seul amour profond qu’il connut dans sa vie. Jamais, cependant, le Blaise ne s’était confié sur ce point à quiconque, seulement là, pour le coup, il fallut qu’il s’épanchât pour de bon; parfois quand ça fait trop mal il importe de lâcher un peu de pression sans quoi l’implosion vous guette. Alors il nous a raconté.
A deux reprises, en tout et pour tout, il l’avait rencontrée et ce dans les années cinquante! Croyez le ou pas, la seconde fois, s’étant fait inviter au Festival de Cannes 56, il lui adressa la parole, trente secondes au plus, et elle lui fit aimablement comprendre qu’il pouvait aller se faire voir où bon lui semblerait . Depuis, plus rien, sauf qu’envoûté, ébloui, foudroyé, il l’avait définitivement dans la peau et que jamais, depuis, il ne cessa de penser à elle, jaloux à crever des heureux salopards qui la touchaient de près, attentif en permanence à tout ce qu’il pouvait apprendre de son existence, malheureux comme le clébard galeux chassé de sa maison à coups de pieds au derche, pire sans doute, inconsolable, piégé dans un amour à la fois déraisonnable, unilatéral, impossible et malgré tout indéfectible .
-« Ouais mais bon, camarade, fit observer Jean Foupallour, ça faisait un sacré bail qu’elle avait laissé le sexe à pile au vestiaire, ta Michèle, totalement imbaisable depuis au moins vingt ans, la pauvre vioque, tu vas tout de même pas nous faire une pendule pour une gonzesse qu’à côté la mère Bachelot passerait pour Miss Univers, m’enfin. Faut se montrer réaliste, Blaisou! Alors d’accord elle a passé l’arme à gauche, je dis pas, c’est triste, mais franchement, y a pas matière à pleurnicher, ça changera que dalle au destin de ta bite, vu qu’en plus, si on a bien compris le truc, elle s’en était guère inquiétée de tes émois transis, la grosse coquine! Laisse pisser le mérinos, va, une de jamais trouvée, dix de pas perdues pour tout le monde! »
-« Ta gueule Jeannot, intervint Thérèse, fous lui la paix, tu peux pas comprendre. L’amour -vraiment l’amour, je veux dire, pas la prétantaine à coulisse- c’est tout le contraire de la foupallourderie, tu sais, c’est douloureux, ça brûle et ça ne passe jamais. La vieillesse et la décrépitude n’y changent rien…même la mort, elle désoriente, c’est tout. Blaise, on va lui fignoler sa cuite, on ne peut rien faire d’autre mais ça va le soulager, un peu, le temps de prendre un chouïa de bon temps, jusqu’au réveil… Allez, sus à la rosette et tâtez moi ce pinard, on dirait le petit Jésus qui vous fait pipi dans la gorge… »
Nous autres, les résidus du Baby-Boom, Michèle Morgan ça ne nous évoque pas trop, sinon une grande actrice qui possédait de beaux yeux et qu’on voyait, au temps de notre enfance, dans de bons films, certes en noir et blanc mais non pas métissés pour cause d’avance sur recette comme les navets d’aujourd’hui. Cependant, trop petits pour trouver à la dame un quelconque intérêt dans l’ordre érotique, nous en gardions un souvenir vaguement nostalgique autant que fort respectueux. Pour nous la libido cinématographique s’est éveillée plus tard, avec Brigitte, notamment, mais celle-ci, aujourd’hui, ne fait plus vibrer personne…quoique dans ce domaine on ne puisse jamais affirmer quoi que ce soit. En tout cas, moi je le comprends Sanzel, surtout qu’en fin de compte, les femmes qu’on n’a jamais eues s’incrustent parfois dans nos tronches alors même qu’on oublie les autres, et elles nous font beaucoup plus mal…
Cela dit, voilà encore un pan de notre beau passé qui s’écroule. Il n’en restera bientôt plus qu’un champs de ruines infesté de fantômes sympa, tous ces morts qui nous embellissaient la vie, qui parlaient français et qu’on n’obligeait pas à faire la cour à la racaille banlieusarde ni a l’immigrant clandestin. Elle faisait partie intégrante ce cet ancien monde, la copine de Blaise, elle avait de l’allure, du maintien et du chic, toutes choses qui, en nos temps de rapeurs et d' »humoristes » style Djamel Deux Bouses, sembleraient déplacées, ringardes, obscènes…Il était grand temps qu’elle parte, Michèle Morgan, il ne lui restait plus rien à faire parmi nous autres franchouilles du Vingt et Unième Siècle. Qu’elle repose donc en paix en ce Neuilly bourgeois qui la vit naître temporibus illis, et si possible, qu’elle le laisse donc un peu tranquille maintenant, notre ami Blaise, cher vieux casse-couilles qui mériterait bien, lui aussi, de finir son parcours dans la sérénité.
Comme le dit si justement Maurice : « Cré bon dieu, on boit de bons coups mais ils sont rares ! Laisse pas tomber le régime Thérèse, ça s’endort ! Et va falloir bientôt mettre le petit Jésus dans la crèche ! Allez les potes, passez moi donc un peu la Rosette…et faites tourner le Moulin à Vent! »
Joyeux Noël à tous et finissez bien l’année.
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
(1) Avis aux éventuels non-initiés: si vous souhaitez ne pas en perdre une miette, lisez donc DERRIERE NAPOLEON, ça explique bien tout et, en plus, c’est gratos!
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