
Nous ne reviendrons pas ici sur la pertinence de la possession d’une arme à feu dans notre contexte d'indépendance et de résilience familiale. Le but de cet article est avant tout de donner des éléments de réflexion à ceux qui souhaitent acquérir un tel outil, et qui envisagent de le faire par le biais d’une arme à poudre noire.
Un tel achat est-il pertinent ?
Après la lecture de ces lignes vous aurez quelques éléments de réponse.
Nous n’aborderons pas ici le cas des pistolets à un coup, type pistolets de duel, d’un usage trop limité, mais uniquement les revolvers à barillet, les plus couramment envisagés.

Comme beaucoup de tireurs sportifs, l’achat d’une arme à poudre noire fut pour moi l’occasion de posséder ma propre arme en attendant la première autorisation de détention. Il y a une vingtaine d’années, la législation nous autorisait soit la PN, soit le pistolet .22LR à un coup. Mon choix s’était porté sur un Remington 1858 New Model Army en calibre 36, chromé, et fabriqué par Pietta. J’ai tiré plus d’un an à la poudre noire, ce qui était tout à fait suffisant pour évaluer la pertinence de cette famille d’arme.
1- Principe et Fonctionnement

Bien que cela puisse sembler fastidieux, je crois indispensable, pour bien comprendre de quoi nous parlons, de décrire entièrement la phase de chargement d’une telle arme. Et si cela vous semble un peu long, dites vous bien qu’il est beaucoup plus rapide de lire la procédure que de l’effectuer.

1- Dans une chambre du barillet, par l’avant coté canon, on fait couler une dose de poudre noire (mesurée à l’aide d’une poire à poudre ou pesée au préalable et stockée dans un contenant de votre choix).
2- Une étape "facultative" mais souvent comprise dans le processus, surtout en stand, est de déposer sur la poudre noire une bourre en feutre, lubrifiée ou non, ou une dose de semoule.
3- La poudre et la bourre / semoule étant en place dans la chambre, on vient obstruer celle-ci par un boulet en plomb - la balle - que l’on sertit à l’aide du refouloir. Le refouloir est le levier qui court sous le canon. De nombreux tireurs optent pour le Remington New Model Army car, sur cette arme, le refouloir est particulièrement fonctionnel. Il faut savoir que sur certains modèles à canon court le refouloir est presque inutilisable, ce qui nécessite l’usage d’une rallonge, ou le démontage du barillet pour procéder au sertissage du boulet.

5- Il ne reste plus, si j’ose dire, qu’à placer à l’arrière du barillet, sur les cheminées, les amorces que le chien viendra frapper pour faire détoner la poudre noire, et donc faire partir le coup de feu.
Tout est en place, l’arme est prête à fonctionner.

2- Particularités d'usage


Le tir en simple action présente également quelques particularités, notamment en ce qui concerne la cadence de tir. Au stand, pour le tir à la cible, cela ne pose pas de problème, c’est même plutôt un facteur de stabilité et ça allège le départ du coup. Mais en situation de défense personnelle par exemple, soit dans une situation de stress dynamique, la simple action devient vraiment handicapante. Peu d’entre nous sont capables de se lancer dans une démonstration de « fanning » à trois heures du matin, dans la chambre à coucher, face à plusieurs individus… (Sur ce point, voir l’excellent film « Wyatt Earp », en gardant un regard critique bien entendu).

En effet, si vous envisagez de stocker l’arme chargée par exemple, il sera préférable de laisser une chambre vide, chambre que vous positionnerez en face du chien car, même à l’abattu, le chien sera tout à fait en mesure de faire partir le coup si vous le choquez suffisamment fort, ce qui peut arriver en cas de chute par exemple. Et puisque nous disons quelques mots de sécurité, je reviens sur la nécessité de « beurrer » l’avant du barillet lorsque les balles sont en place.
La graisse épaisse apportera bien sur une lubrification bienvenue lorsque le boulet traversera le canon. Mais sa fonction principale est tout autre. La graisse épaisse a pour but d’empêcher la décharge en chaîne de l’arme, par communication de la mise à feu d’une chambre à l’autre (autrement dit que les 5 coups ne partent en même temps et que ça ne vous pète à la gueule). Cette éventualité n’est pas un mythe et se produisait même assez souvent sur les champs de bataille de la guerre de Sécession.

Quelques mots maintenant sur la puissance de feu. En ce qui concerne le calibre, les armes à PN offrent en général le choix du .36 (9 mm environ) ou du .44 (11 mm environ) sur des balles en plomb sphériques. Le pouvoir d’arrêt de ces balles est très bon, car les balles sont lourdes et d’un diamètre important. Par contre leur pouvoir de pénétration, ainsi que leur portée, est relativement faible.

Pour ce qui est du port, la discrétion est à oublier. Lourds et longs, ils ne tiendront pas dans la poche. On peut les glisser dans la ceinture, mais pour les raisons évoquées plus haut, j’éviterais, personnellement. Reste le sac ou, pour ceux qui osent le total look, le buscadéro, certes confortable mais pas le plus discret.


C’est vrai. Mais quel est l’intérêt de posséder un outil que l’on ne pourra que trop rarement utiliser ? Car soyons réaliste, en dehors d’un stand de tir, vous ne tirerez presque jamais avec votre revolver. Il est révolu le temps où l’on s’arrêtait dans la première forêt venue pour tester le petit dernier. Aujourd’hui quelqu’un va très vite vous tomber dessus, au mieux un gendarme, au pire un chasseur, en pensant que vous êtes en train de braconner.

Sans entraînement régulier, sans investissement physique et intellectuel, sans curiosité, sans expérience, sans répétition, jamais vous n’atteindrez le niveau minimum requis pour faire de votre arme un usage raisonné et sécurisé pour vous et votre entourage. Vous vivrez dans l’illusion d’une protection qui n’existe pas. Car ce n’est pas l’arme qui vous protègera, c’est la compétence avec laquelle vous l’utiliserez.


Un autre argument avancé est la perspective de pouvoir conserver son arme en cas de troubles massifs et d’éviter la confiscation par les autorités compétentes. Là encore, la chose peut se discuter. Premièrement, si vous décidez d’acheter neuf, votre arme sera enregistrée par l’armurier qui vous la vendra. Vous ne serez donc pas totalement invisible.


Contrairement à l’idée répandue, les choses sont bien plus rapides aujourd’hui. Quelqu’un qui s’inscrirait avant Noël, pourrait obtenir une détention avant l’été. Et même sans parler de catégorie B (ou de Glock, bien que vous y viendrez tôt ou tard…), uniquement avec sa licence de tir, il pourrait immédiatement faire l’acquisition d’une carabine en .22LR, d'un fusil de chasse ou d’un fusil à pompe à canon rayé.
Des armes que vous conserverez ultérieurement car elles présentent un grand intérêt tant pour la défense que pour la chasse. Comme vous le voyez, les options sont nombreuses et il convient de bien les étudier toutes.
Tout d’abord, je veux dire que je n’ai pas d’aversion particulière pour les armes à PN, et même que j’ai souvent pris du plaisir à tirer avec ce qui reste les témoins de grands moments d’Histoire et, quoi qu’il en soit, de très beaux objets.
Ces armes sont juste inadaptées aux missions qu’on voudra leur faire remplir. Pour faire une comparaison, même si ma femme adore les chevaux, je ne suis pas sur qu’elle me demande d’atteler la carriole pour aller accoucher à la clinique, à 3 h du matin. Surtout si la clinique est à 20 km.

Ensuite, il faut insister pour dire que la situation dramatique n’est pas esthétique, elle n’est pas romantique, elle est rarement prévue, elle tombe même souvent au pire moment. C’est le chien errant qui attaque vos animaux, le camé qui séquestre et bat votre famille pour obtenir un numéro de carte bleu, le déséquilibré, en pleine misère sexuelle, qui viole votre fille (« parce que ce jour là j’avais faim et que j’étais énervé », si, si , véridique, entendu au tribunal).
L’agression c’est sale, c'est brutal, ça fait mal, parfois ça tue, c’est injuste et ça n’a souvent pas beaucoup d’explications rationnelles. On en avait déjà parlé dans « Le Syndrome de Bayard », pas de fair-play au combat.

Alors réfléchissez bien à tout ça, calmement, l’hiver vient.
L’Abbé
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