Sa traduction en avait été assurée depuis la Chine par un jésuite missionnaire, le père Joseph-Marie Amiot. Ce dernier répondait à la commande du ministre français Henri Bertin qui se montrait très désireux « d’avoir des connaissances sur la Milice Chinoise ». Le texte, parti de Chine en 1766 et arrivé à destination l’année suivante, fut publié cinq ans plus tard (après quelques corrections cosmétiques) par l’orientaliste Joseph de Guignes au sein du recueil sus-évoqué. Le Mercure de France de 1772 indique que l’Art militaire des Chinois ne parut qu’à « un très petit nombre d’exemplaires », sans plus de précisions.
S’il fut correctement recensé et commenté dans toute la presse de l’époque (L’année littéraire, Le journal encyclopédique, Le journal des savants, etc.), il plongea aussitôt dans l’oubli et ne fut plus cité que très épisodiquement durant les deux siècles qui suivirent. Les principales raisons en furent qu’à cette époque, la Chine avait arrêté de fasciner la France, et surtout que paraissait la même année l’Essai général de tactique du comte de Guibert qui focalisa toute l’attention sur le plan militaire. A une exception près[1], le traité passa ainsi totalement inaperçu.
Une réédition de cet Art militaire des Chinois paru pourtant bien en 1782, sous la forme du septième tome (sur quinze) d’une monumentale encyclopédie de la Chine intitulée « Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc. des Chinois par les missionnaires de Pé-kin ». Cette nouvelle édition connut malheureusement le même sort, et le traité de Sun Tzu sombra aussitôt dans l’oubli, n’étant plus cité que très épisodiquement par quelques rares érudits orientalistes durant les deux siècles qui suivirent.
En dépit de quelques soubresauts sans suite au XXe siècle[2], il fallut attendre que les Américains comprennent eux-mêmes la valeur de ce traité grâce à la traduction anglaise du général Samuel Griffith en 1963, pour que les Français découvrent réellement L’art de la guerre. Cela commença de façon confidentielle par la parution d’une version fortement retouchée de la traduction du père Amiot aux éditions l’Impensé radical en 1971, mais surtout, l’année suivante, par la parution aux éditions Flammarion de la traduction de Samuel Griffith.
Exactement 200 ans après la sortie de la traduction du père Amiot, la carrière de Sun Tzu commençait véritablement…
[1] En 1773, le marquis de Puységur signait 40 pages de critiques des Treize articles au sein de l’ouvrage attribué au colonel Saint-Maurice de Saint-Leu intitulé "Etat actuel de l’art et de la science militaire à la Chine".
[2] En 1922 paraissait L’art militaire dans l’Antiquité chinoise, du lieutenant-colonel E. Cholet, puis en 1948 Sun Tse et les anciens Chinois de Lucien Nachin. Ces deux ouvrages n’eurent aucun retentissement lors de leur sortie. Seul le second eu un succès posthume inattendu, sur lequel nous reviendrons dans un prochain billet.
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