19 août 2016

Paraguay, sécheresse : cimetière de caïmans

Des milliers de caïmans gisent dans le lit asséché de la rivière Pilcomayo, au Paraguay. Certains sont morts, d'autres agonisent et essaient de se cacher sous la boue pour éviter les attaques des vautours.


Le Pilcomayo s'est tari. Pendant la saison sèche, d'avril à octobre, ce phénomène survient de manière cyclique, "il est accentué par le changement climatique et la déforestation", selon Luz Aida Aquino, directrice de l'organisation WWF au Paraguay.

Il n'a pas plu depuis avril dans le Chaco, département du Paraguay frontalier de l'Argentine. Dans le lit de la rivière, la terre est craquelée, tellement le sol est sec.

"Ici, il y a normalement une faune riche et abondante", témoigne Luz Aida Aquino. Maintenant, "les animaux commencent à mourir massivement. D'abord les poissons, puis les carpinchos (rongeur semi-aquatique) et les yacarés (caïman d'Amérique du Sud). Des milliers de yacarés sont déjà morts".

Le Paraguay, un des pays les plus pauvres d'Amérique du sud, dispose de grands fleuves et de ressources hydriques colossales, mais l'ouest du pays frontalier de la Bolivie et de l'Argentine est une zone particulièrement aride.

Les caïmans, appelés yacarés dans cette région, mesurent jusqu'à trois mètres de long. Tradition ancestrale, leur chasse à des fins alimentaires par les indiens Toba est tolérée, mais la commercialisation de la peau est interdite.

Depuis que l'espèce est protégée, le yacaré abonde et la sècheresse de cette année ne compromet absolument pas la survie de l'espèce.

De la Cordillère des Andes où il prend sa source au fleuve Paraguay, le Pilcomayo serpente en Bolivie, en Argentine, avant d'arriver au Paraguay.

"Le cours du Pilcomayo, observe la directrice de WWF, est régulier dans la première moitié, puis il devient nomade". Par endroit, la rivière passe sous terre puis reprend plus loin un cours normal.

Les habitants des rives du Pilcomayo essaient d'effrayer en vain les vautours, qui se posent sur les reptiles et les piquent de leur bec, en commençant par les yeux, a constaté un journaliste de l'AFP.

Désastre "inévitable"


Des ONG de défense de l'environnement ont conduit récemment sur place une délégation de 50 secouristes, vétérinaires et fermiers de la zone pour perforer des puits pour sauver les yacarés.

"C'est tout ce qu'on peut faire", regrette Alberto Meza, un des responsables de cette délégation, remonté contre le gouvernement selon lui peu intéressé par cette problématique.

Le perçage de puits vise "à former des lacs afin que les animaux survivent", explique Oscar Salazar, directeur de la Commission Pilcomayo, un organisme étatique chargé de gérer le bassin du Pilcomayo. Mais "l'eau (qui remonte) est salée", se lamente-t-il.

"Les morts de yacarés surviennent quand les eaux sont excessivement basses comme à cette saison, fait remarquer le fonctionnaire. La rivière s'est arrêtée de couler en territoire argentin, 1 km avant d'arriver au Paraguay".

Pour lui, le désastre pour la faune est désormais "inévitable".

Pour les experts, transporter aujourd'hui les reptiles affaiblis vers d'autres régions du pays serait dangereux.

Outre les caïmans, les élevages de bovins et toute la faune locale souffrent de la sècheresse.

"La situation n'est pas si critique", affirmait voici un mois le secrétaire d'Etat à l'Environnement, alors que les écologistes avaient tiré la sonnette d'alarme en mai.

L'assèchement est aussi dû à un entretien déficient de la rivière. Des troncs et branchages obstruent et dévient son cours. Son cours a été canalisé en Argentine, mais pas au Paraguay.

La rivière sud-américaine est notamment alimentée par la fonte des neiges dans les Andes et ce n'est qu'après l'hiver austral que l'eau abonde. D'après le responsable de la Commission Pilcomayo, il faudra attendre les pluies d'octobre et novembre pour voir le Pilcomayo couler à nouveau au Paraguay.

En attendant, les caïmans à la peau blanchie par la déshydratation sont épuisés par la chaleur et la dénutrition.

Dans le lit de la rivière, traquant l'eau et à défaut un peu de boue rafraichissante, ils sont rassemblés dans des zones à peine humides, un mouroir en passe de devenir un cimetière.

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