«Dans les années 2 000, on produisait jusqu'à 35 000 tonnes de miel en France, explique Denis Sapène, membre du bureau de la fédération française d'apiculture, exploitant près de la forêt de Bouconne, en Haute-Garonne. Déjà, en 2014, les apiculteurs avaient été sinistrés, avec une production très faible, comme on n'en avait jamais vue. En 2015, ils ont repris espoir, car les conditions ont été plus favorables… Nous étions sur un petit nuage. Mais ce nuage a fondu !»
Car 2016 est une année encore plus inquiétante : on ne devrait pas dépasser les 8 000 tonnes de miel. Et cela dans un Hexagone qui adore les alvéoles, puisque nous consommons 40 000 tonnes de miel par an. Nous sommes les plus gros consommateurs européens. Il y a quinze ans, nous étions presque autosuffisants. Aujourd'hui, le miel à l'accent étranger.
Denis Sapène ne peut que constater les dégâts : «La récolte du miel de colza est mauvaise, tout comme celle du tournesol. Le châtaignier est catastrophique…» Du reste, il y a de moins en moins de cultures de colza et de tournesol en France : tant pis pour les abeilles.
La faute à la pluie ?
Pour ce qui est du miel d'acacia, c'est la faute à la pluie : «L'acacia ne fleurit que pendant une dizaine de jours. En Ariège, précise Denis Sapène, pendant ces dix jours-là, il a plu. Donc, les abeilles ne sont pas sorties.»
Donc, il n'y aura pas de miel d'acacia en Ariège cette année. Et ailleurs, cela tient du miracle, si les butineuses ont pu faire quelques provisions.
La pluie, le froid, le mauvais temps sont une des raisons de ce naufrage.
«Les ruches se sont très mal développées, explique Xavier Lebeau, vétérinaire, et conseiller référent des apiculteurs du Lot. Avec le mauvais temps, des maladies sont apparues, comme la maladie noire ou paralysie chronique de l'abeille, qui est une maladie contagieuse. Les couvains ont aussi subi la loque européenne», explique ce passionné, apiculteur lui-même.
Et cela se rajoute aux autres fléaux que subissent ces malheureux hyménoptères. Ils ont aussi été décimés par la varroase, une maladie causée par un minuscule acarien qui leur pompe le sang. Sans compter que depuis une dizaine d'années, ils sont traqués par le frelon asiatique, qui a fait de l'abeille domestique son plat de résistance.
Mais l'ennemi majeur des abeilles, c'est bien sûr la marée de pesticides qui s'abat sur la campagne française. Depuis des décennies, les apiculteurs ne cessent de dénoncer la nocivité de ces produits chimiques qui déciment le cheptel.
Au mois de juin, les députés français ont adopté une loi qui prévoit d'interdire l'utilisation des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018.
Interdiction et dérogation
«Mais il est prévu des dérogations pour jusqu'à 2020, déplore Denis Sapène. Et puis, s'il y a un changement de majorité en 2017, que va-t-il se passer ? Va-t-on revenir en arrière ? C'est un combat que nous menons depuis une vingtaine d'années…» Et il serait vain de penser que l'industrie chimique puisse renoncer à un tel marché sans tenter de nouvelles opérations de lobbying. Pourtant, l'apiculture est une passion de plus en plus partagée, à la ville comme à la campagne. Entreprises et collectivités se mettent à inviter des abeilles sur leur toit. Enfin, une aile protectrice pour nos butineuses ?
Les pesticides abiment le sperme des abeilles
Gare aux néonicotinoïdes ! Déjà accusés de s'attaquer au système nerveux des abeilles, ces pesticides altèrent aussi le sperme des mâles, ce qui contribue potentiellement à la baisse du nombre de ces pollinisateurs, ont indiqué des chercheurs la semaine dernière dans une étude publiée dans la revue britannique Proceedings of the Royal Society. L'usage massif des néonicotinoïdes, qui seront interdits en France à partir de 2018, pourrait avoir «des effets contraceptifs involontaires».
Les reines s'accouplent pendant une durée très brève mais avec de nombreux mâles, dans une sorte d'orgie, avant de stocker le sperme pour le reste de leur vie fertile.
Dominique Delpiroux
Source
Changement climatiques majeurs...
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