19 juin 2016

Tous pourris : Charlie Hebdo attaqué pour abus de confiance


Dix-huit mois après le décès de son mari, abattu dans les locaux de Charlie Hebdo, Gala Renaud a décidé de poursuivre en justice la nouvelle direction du journal. Et parle de « trahison ».

Le courrier a été transmis en fin de semaine dernière au procureur de la République de Paris. Dans ce document de cinq pages, Gala Renaud et son conseil, Me Portejoie, contestent clairement l’affectation des millions d’euros amassés par Charlie Hebdo après la tuerie du 7 janvier 2015.

Leur démonstration s’appuie notamment sur les propos de Philippe Val, l’ex-directeur de l’hebdo satirique, qui s’était engagé à reverser l’intégralité des recettes du numéro dit « des survivants » aux familles des victimes. Un appel à la générosité était parallèlement lancé pour assurer l’avenir du journal.

D’après les chiffres avancés dans la plainte, les ventes historiques de la Une « Tout est pardonné » ont rapporté 12 millions d’euros. Contre 4,3 millions provenant des dons.

S’en suit alors, selon Gala Renaud et son avocat, une « volte-face » : la nouvelle direction de Charlie décide de conserver les bénéfices colossaux issus des ventes. « Quant aux dons, poursuit la plainte, tout ou partie de ceux-ci aurait été reversé sur le compte de l’association “Les Amis de Charlie” ». Celle-là même qui a fait une proposition d’indemnisation à Gala Renaud le 29 février (d’un montant de 141.000 euros pour elle et sa fille).

Conclusion, couchée noir sur blanc: « Les acheteurs du journal comme les victimes de l’attentat et leurs ayants droit ont été dupés par la direction […], qui est délibérément et unilatéralement revenue sur ses engagements […]. Ce revirement démontre en réalité une intention de détourner les fonds promis initialement aux familles ». Soit, en termes plus techniques, un « abus de confiance ».

« Cette procédure, complète Me Portejoie, c’est le choix de Gala. Je suis évidemment à ses côtés. Sa démarche est fondée sur le plan moral, mais surtout juridique. En tant que victime, elle a un droit de regard légitime sur l’affectation des sommes collectées après la tuerie. Son statut l’autorise à demander des comptes ».« Inutile et déplacé »

La réponse du directeur général de Charlie est tombée hier soir, par mail.

« Nous sommes étonnés et choqués, réagit Éric Portheault. Nous avons toujours déclaré que le produit de la vente du journal serait consacré à assurer sa pérennité. Ce choix légitime ne saurait être remis en cause par cette initiative sans aucun fondement juridique ou moral. Nous ne comprenons pas la démarche de la plaignante […] et en déplorons le caractère inutile et déplacé ».

« La nouvelle direction a dupé les familles et les Français »

Il y a trois mois déjà, la veuve de Michel Renaud dénonçait dans nos colonnes « l’opacité » des aides financières prévues pour elle et sa fille de 11 ans. Une colère qu’elle a donc choisi de porter en justice.

« Je ne pouvais pas faire autrement, soutient-elle aujourd’hui. Fin février, après avoir reçu la proposition des Amis de Charlie, j’ai écrit un courrier à l’association pour demander une information transparente sur leurs calculs. Je n’ai jamais eu de réponse. J’en déduis que certains droits et règles n’ont pas été respectés ».

« En achetant le “numéro des survivants”, le peuple français a répondu en masse à l’appel à la solidarité. Mais les mois ont passé et les engagements initiaux n’ont pas été tenus. Les sommes qui devaient être distribuées sont restées sur les comptes du journal. La nouvelle direction a dupé, trahi les familles de victimes et les Français ».

« Je ne fais pas ça pour l’argent, mais pour la mémoire de mon mari, conclut Gala Renaud. Avant la tuerie, Charlie était dans une situation financière catastrophique. C’est désormais le journal le plus riche de France. Je ressens ce déséquilibre comme une injustice profonde. Michel n’est pas mort pour ça ».


Stéphane Barnoin
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