Ces prévisions nécessitaient un nombre très important de calculs. En effet les phénomènes météorologiques obéissent aux lois de Newton, aux trajectoires des corps, etc... et donc au calcul d'équations différentielles très complexes du fait du nombre astronomique de variables entrant en jeu. Pour résoudre ces équations, Lorenz les a tout d'abord simplifiées au maximum, jusqu'à obtenir un système de trois équations avec trois inconnues, mais les calculs restaient impossibles à faire à la main. Il utilisa donc un ordinateur, un Royal McBee LGP-300 ; il ne faut pas oublier que nous sommes en 1961 et que les ordinateurs de l'époque étaient extrêmement volumineux, bruyants, lents, chauffaient énormément et qui plus est, étaient beaucoup moins fiables qu'aujourd'hui. Un beau jour, après plusieurs heures de calcul l'ordinateur retourna sous forme de colonnes de chiffres les résultats des équations, Lorenz décida alors de repasser une deuxième fois ces données dans l'ordinateur pour s'assurer des résultats. Mais au lieu d'entrer les variables à six chiffres après la virgule il décida de n'en garder que trois pour gagner du temps. Il pensait, comme beaucoup de mathématiciens à l'époque, qu'une faible variation dans les variables à la base d'un calcul aussi complexe aurait une incidence du même ordre de grandeur sur le résultat final. Et peut-être la chaleur dégagée par l'ordinateur y était-elle aussi pour quelques choses dans cette décision. Seulement voilà, lorsqu'il compara les deux séries de résultats, il cru tout d'abord à une erreur ou un dysfonctionnement dans l'ordinateur, mais celui-ci fonctionnait parfaitement, et pourtant les résultats étaient totalement différents.
Il venait de découvrir le comportement chaotique d'un système non linéaire, soit que d'infimes différences dans les conditions initiales d'un système déterministe entraînaient des résultats complètement différents. On appellera plus tard cette théorie, la théorie du chaos. Ce nom, fut trouvé par le mathématicien Yorke, en 1975. Lorenz entreprit alors de représenter graphiquement la solution de son système au moyen de son ordinateur. Il vit alors apparaître sa deuxième découverte : les attracteurs. En effet, il traça la courbe d'évolution de son système météorologique avec deux jeux de valeurs initiales très proches, et comme il s'y attendait les trajectoires des deux courbes semblaient identiques au départ mais divergeaient de plus en plus. Par contre ce à quoi Lorenz ne s'attendait pas, c'est que les deux courbes soient plus ou moins identiques, pas point par point mais dans leur ensemble. Les deux courbes ressemblaient aux ailes déployées d'un papillon. Il eut beau recommencer l'expérience autant de fois qu'il le voulait, il obtenait toujours le même résultat.
Le physicien David Ruelle qui se pencha sur la question qualifia cette figure d'"attracteur étrange". Et pour être étranges ils l'étaient et le sont toujours. Les trajectoires ne se coupent jamais, et pourtant semblent évoluer au hasard formant des sortes de boucles pas tout à fait concentriques, pas tout à fait sur le même plan, mais formant des figures indiscutablement reconnaissables. Des années plus tard Mandelbrot découvrit la géométrie fractale et vit que l'attracteur de Lorenz en était une, comme la grande majorité des attracteurs étranges.
Pour mieux faire comprendre l'importance de cette sensibilité aux conditions initiales, Lorenz eut recours à une métaphore qui contribua au succès médiatique de la théorie du chaos : "le simple battement d'ailes d'un papillon au Brésil pourrait déclencher une tornade au Texas". Ainsi une donnée infime, imperceptible, pouvait aboutir à une situation totalement différente de celle calculée sans tenir compte de cette donnée infime.
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