14 novembre 2015

Un grand pas vers la démonstration de la réalité quantique

 Personne n’est parfait, et la communauté scientifique se doute depuis longtemps qu’Einstein se trompait en refusant l’idée d’intrication quantique, ce qu’il nommait « l’action surnaturelle à distance ». L’intrication, ou enchevêtrement quantique, décrit le comportement de deux particules provenant d’une même source, tel un laser, et qui apparemment possèdent la capacité de communiquer entre elles de manière instantanée, quelle que soit la distance qui les sépare. Autrement dit, pour paraphraser Lucky Luke, elle communiquent plus vite que leur ombre.


Ce constat n’étant pas compatible avec l’application des lois physiques connues, et notamment le fait que rien ne peut aller plus vite que la lumière, un grand challenge de la physique expérimentale est la recherche d’indices pouvant expliquer « raisonnablement » ce phénomène. Plusieurs pistes existent :

– Soit une relation entre distance et un délai mesurable dans la communication entre ces particules, ce qui démontrerait l’existence d’un signal supraluminique – c’est du lourd, mais c’est toujours mieux que l’instantanéité parfaite, totalement inexplicable.

– Soit des variables cachées existent, une « réalité locale » qui permettrait aux particules de se coordonner à travers un processus explicable s’il pouvait être détecté.

Une grande expérience vient d’être conduite par l’agence américaine NIST (National Institue of Standards and Technology) (1), visant à tester ce phénomène d’intrication quantique à l’aide d’un appareillage capable de détecter soit, une communication supraluminique, soit l’existence de cette réalité locale cachée. Ces tests, dits tests de l’inégalité de Bell du fait que John Bell fut, dans les années 60, le premier à démontrer que si l’intrication quantique est réelle, il nous faut abandonner au moins un de ces trois principes fondamentaux de la physique :
  1. Rien ne va plus vite que la lumière.
  2. L’état d’une particule à l’instant t est déterminé par son état initial et l’ensemble de ses expériences jusque là.
  3. Une particule possède des caractéristiques et propriétés propres qu’elle transporte avec elle.
Le NIST a construit un cadre expérimental complexe permettant de réaliser ces tests; à base d’un émetteur de photons et de deux détecteurs placés à 126m et 132m respectivement, avec une distance de 184m entre les deux détecteurs.

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L’émetteur envoie des paires de photons polarisés et supposés intriqués. Des mécanismes aléatoires déterminent le sens de détection de polarisation (horizontal ou vertical) des détecteurs. Les photons polarisés dans le sens du détecteur sont alors comptabilisés. La grande précision de l’émetteur, le positionnement des générateurs aléatoires en dehors du cône de lumière de l’émetteur (donc en dehors de toute possible influence opérant à la vitesse de la lumière) et le positionnement des détecteurs permettant la mesure de polarisation avant toute possibilité de communication entre un détecteur et l’autre, permettent de garantir avec une probabilité de 1 sur 170 million, qu’il n’existe aucun phénomène de type local pouvant expliquer le résultat.
Et le résultat est que la mesure de repolarisation d’un des photons de la pair induit instantanément la repolarisation de son « conjoint », donc que l’intrication quantique est un phénomène réel.

Ce résultat est confirmé par une expérience similaire ayant eu lieu en parallèle à l’Université de Vienne en Autriche (2). Ces deux expériences viennent confirmer une autre récente tentative de preuve de la réalité de l’intrication quantique, réalisée par l’Université de Delft aux Pays-Bas et récemment publiée dans Nature (3).

Partant de cette conclusion, il devient possible d’accepter la notion d’univers quantique avec moins d’arrières-pensées sur la réalité de l’observation et des conséquences qui en découlent. Selon Neil Johnson, professeur de physique à l’Université de Miami ayant récemment publié les résultats d’une expérience sur les transitions de phase quantique (j’y reviendrai) (4), « l’intrication quantique est comme le ‘bitcoin’ qui finance l’univers en termes d’interactions et d’information. C’est la sauce magique qui relie tous les objets de l’univers, dont la lumière et la matière ».

A l’origine, admettant qu’origine il y eut, toutes les particules de l’univers étaient intriquées car provenant toutes de la même source, le Big Bang. C’est donc une propriété fondamentale de l’univers. Selon la démonstration réalisée par Johnson, tout comme une transition de phase classique, tel le passage entre l’eau liquide et la glace génère des effets différents selon la rapidité de la transition, différentes vitesses de transition de phase dans le monde quantique (entre lumière et matière) génèrent des structures intriquées différentes, les plus complexes se créant autour de vitesses de transition moyennes. Ni trop vite, ni trop lentement. Et se sont ces structures quantiques intriquées qui seraient à l’origine des structures physiques de l’univers, telles les galaxies.

On peut alors pousser le bouchon plus loin: les particules qui nous composent doivent être intriquées avec d’autres particules, créées au même moment mais actuellement, pour certaines du moins, à l’autre bout de l’univers. L’action sur une telle particule par un ET à des milliards d’années-lumière de chez nous aurait alors un effet immédiat sur son « conjoint » ici-même…

Plus proche de nous, comme j’ai tenté de le présenter dans l’article « Intrication quantique, base ADN de la vie? » (5), l’intrication quantique est peut-être ce qui permet à l’ADN, donc à la vie, d’exister en premier lieu. Je terminerai sur la conclusion de Neil Johnson: « comprendre l’intrication quantique des systèmes lumière-matière est sans doute le problème fondamental de la physique. »

Notes:

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