Personne n’est parfait, et la communauté scientifique se doute depuis
longtemps qu’Einstein se trompait en refusant l’idée d’intrication
quantique, ce qu’il nommait « l’action surnaturelle à distance ».
L’intrication, ou enchevêtrement quantique, décrit le comportement de
deux particules provenant d’une même source, tel un laser, et qui
apparemment possèdent la capacité de communiquer entre elles de manière
instantanée, quelle que soit la distance qui les sépare. Autrement dit,
pour paraphraser Lucky Luke, elle communiquent plus vite que leur ombre.
Ce constat n’étant pas compatible avec l’application des lois
physiques connues, et notamment le fait que rien ne peut aller plus vite
que la lumière, un grand challenge de la physique expérimentale est
la recherche d’indices pouvant expliquer « raisonnablement » ce
phénomène. Plusieurs pistes existent :
– Soit une relation entre distance et un délai mesurable dans la
communication entre ces particules, ce qui démontrerait l’existence d’un
signal supraluminique – c’est du lourd, mais c’est toujours mieux que
l’instantanéité parfaite, totalement inexplicable.
– Soit des variables cachées existent, une « réalité locale » qui
permettrait aux particules de se coordonner à travers un processus
explicable s’il pouvait être détecté.
Une grande expérience vient d’être conduite par l’agence américaine
NIST (National Institue of Standards and Technology) (1), visant à
tester ce phénomène d’intrication quantique à l’aide d’un appareillage
capable de détecter soit, une communication supraluminique, soit
l’existence de cette réalité locale cachée. Ces tests, dits tests de
l’inégalité de Bell du fait que John Bell fut, dans les années 60, le
premier à démontrer que si l’intrication quantique est réelle, il nous
faut abandonner au moins un de ces trois principes fondamentaux de la
physique :
- Rien ne va plus vite que la lumière.
- L’état d’une particule à l’instant t est déterminé par son état initial et l’ensemble de ses expériences jusque là.
- Une particule possède des caractéristiques et propriétés propres qu’elle transporte avec elle.
Le NIST a construit un cadre expérimental complexe permettant de
réaliser ces tests; à base d’un émetteur de photons et de deux
détecteurs placés à 126m et 132m respectivement, avec une distance de
184m entre les deux détecteurs.
L’émetteur envoie des paires de photons polarisés et supposés
intriqués. Des mécanismes aléatoires déterminent le sens de détection de
polarisation (horizontal ou vertical) des détecteurs. Les photons
polarisés dans le sens du détecteur sont alors comptabilisés. La grande
précision de l’émetteur, le positionnement des générateurs aléatoires en
dehors du cône de lumière de l’émetteur (donc en dehors de toute
possible influence opérant à la vitesse de la lumière) et le
positionnement des détecteurs permettant la mesure de polarisation avant
toute possibilité de communication entre un détecteur et l’autre,
permettent de garantir avec une probabilité de 1 sur 170 million, qu’il
n’existe aucun phénomène de type local pouvant expliquer le résultat.
Et le résultat est que la mesure de repolarisation d’un des photons
de la pair induit instantanément la repolarisation de son « conjoint »,
donc que l’intrication quantique est un phénomène réel.
Ce résultat est confirmé par une expérience similaire ayant eu lieu
en parallèle à l’Université de Vienne en Autriche (2). Ces deux
expériences viennent confirmer une autre récente tentative de preuve de
la réalité de l’intrication quantique, réalisée par l’Université de
Delft aux Pays-Bas et récemment publiée dans Nature (3).
Partant de cette conclusion, il devient possible d’accepter la notion
d’univers quantique avec moins d’arrières-pensées sur la réalité de
l’observation et des conséquences qui en découlent. Selon Neil Johnson,
professeur de physique à l’Université de Miami ayant récemment publié
les résultats d’une expérience sur les transitions de phase quantique
(j’y reviendrai) (4), « l’intrication quantique est comme le ‘bitcoin’
qui finance l’univers en termes d’interactions et d’information. C’est
la sauce magique qui relie tous les objets de l’univers, dont la lumière
et la matière ».
A l’origine, admettant qu’origine il y eut, toutes les particules de
l’univers étaient intriquées car provenant toutes de la même source, le
Big Bang. C’est donc une propriété fondamentale de l’univers. Selon la
démonstration réalisée par Johnson, tout comme une transition de phase
classique, tel le passage entre l’eau liquide et la glace génère des
effets différents selon la rapidité de la transition, différentes
vitesses de transition de phase dans le monde quantique (entre lumière
et matière) génèrent des structures intriquées différentes, les plus
complexes se créant autour de vitesses de transition moyennes. Ni trop
vite, ni trop lentement. Et se sont ces structures quantiques
intriquées qui seraient à l’origine des structures physiques de
l’univers, telles les galaxies.
On peut alors pousser le bouchon plus loin: les particules qui nous
composent doivent être intriquées avec d’autres particules, créées au
même moment mais actuellement, pour certaines du moins, à l’autre bout
de l’univers. L’action sur une telle particule par un ET à des milliards
d’années-lumière de chez nous aurait alors un effet immédiat sur son
« conjoint » ici-même…
Plus proche de nous, comme j’ai tenté de le présenter dans l’article
« Intrication quantique, base ADN de la vie? » (5), l’intrication
quantique est peut-être ce qui permet à l’ADN, donc à la vie, d’exister
en premier lieu. Je terminerai sur la conclusion de Neil Johnson:
« comprendre l’intrication quantique des systèmes lumière-matière est
sans doute le problème fondamental de la physique. »
Notes:
(4) http://www.as.miami.edu/news/news-archive/a-new-study-predicts-a-quantum-goldilocks-effect-.html
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