29 septembre 2015

Racket


Un rapport de la commission des finances du Sénat préconise que les revenus issus de l'économie collaborative soient centralisés et transmis automatiquement au fisc. Qui ne les taxerait qu'à partir de 5000 euros...

L'économie du partage, qui connaît un formidable essor, ne devrait pas rester longtemps un far-west fiscal. Bercy s'intéresse de plus en plus à ce phénomène. Et pour cause, les revenus que les particuliers tirent de sites comme Le Bon coin, BlaBlaCar ou Airbnb, sur lesquels on peut échanger des biens (voiture, logement, tondeuse…) ou des services (covoiturage, bricolages, cours de cuisine…) échappent la plupart du temps à toute taxation. Or en 2014, 70% des internautes français, soit près de 31 millions de personnes, avaient déjà eu recours à ce types de sites.

C'est précisément pour étudier la façon dont l'administration fiscale peut réagir à ce raz-de-marée, qui représente pour l'État un véritable manque à gagner et crée une concurrence déloyale vis-à-vis du commerce traditionnel, que la Commission des finances du Sénat a formé un groupe de travail depuis le mois de mars. Dans leur rapport, présenté ce jeudi, les auteurs distinguent deux types de particuliers: ceux qui recherchent un complément de revenu, souvent modeste. Et ceux qui en font une véritable activité commerciale. L'étude relève que le revenu moyen d'un hôte français qui loue son logement sur Airbnb est d'environ 3600 euros par an. Tandis qu'un chauffeur UberPop, avant la suspension du service, début juillet, gagnait 8200 euros par an. Parallèlement, un conducteur inscrit sur Blablacar ne cherche généralement qu'à rentrer dans ses frais. Problème, il n'est pas toujours facile de faire la différence entre une activité d'appoint et un vrai business.

En théorie, les revenus des particuliers sur les plateformes Internet sont imposables (notamment à l'impôt sur le revenu) dès lors qu'ils sont réguliers. Mais dans les faits, «les revenus sont rarement déclarés, rarement contrôlés et donc rarement imposés», souligne le rapport. Le fisc n'a tout simplement pas les moyens de contrôler a posteriori des millions de personnes, pour des enjeux financiers parfois limités individuellement.
 
Transmission automatique

Le rapport propose donc de «mettre en place un système de déclaration automatique des revenus des particuliers, avec l'aide des plateformes collaboratives», qui connaissent exactement l'activité de leurs membres. Concrètement les revenus tirés des sites - volontaires - seraient transmis automatiquement à une plateforme centrale. Celle-ci calculerait alors les revenus agrégés de chaque particuliers, qui seraient transmis une fois par an au fisc et inscrits dans une déclaration préremplie.

Deuxième recommandation, instaurer une franchise de 5000 euros par an pour l'ensemble de l'économie collaborative. Autrement dit, les revenus inférieurs à ce montant ne seraient pas imposables. Seuls ceux situés au-dessus seraient taxés. Pour les auteurs, ce seuil marque le début d'une vraie activité commerciale. Il permettrait de ne pas taxer «l'équivalent numérique du vide-greniers».

Pour un revenu annuel de 8000 euros, l'imposition serait alors de 738 euros (soit 9,2% d'IR et de prélèvements sociaux), contre 1968 euros (24,6%) aujourd'hui, si tout était déclaré. Il vaut mieux cependant «un impôt moins élevé mais plus sûrement collecté» affirment les auteurs. Autre vertu: cet impôt raisonnable aurait aussi pour intérêt de ne pas étouffer la montée en puissance de l'économie du partage.

Seule avancée, pour l'heure, Aibnb collectera à partir du 1er octobre 2015 la taxe de séjour due par les particuliers qui utilisent le site. Mais rien ne permet aujourd'hui de calculer les revenus de ceux qui proposent leur logement à la location. 
 
Prélèvement de la TVA à la source

Parallèlement, le Sénat s'est penché sur la question de la fraude à la TVA, qui se développe au rythme de l'e-commerce. Et fait peser la menace d'une érosion des bases fiscales, insiste Albéric de Montgolfier, le rapporteur général (Les Républicains) de la commission des finances du Sénat. Ainsi, les sites européens qui réalisent plus de 100 000 euros de chiffre d'affaires en France sont censés s'enregistrer auprès du fisc et payer le TVA française. Mais très peu le font. Autre arnaque, les colis provenant de l'extérieur de l'Europe sont exonérés de droits et de taxes quand leur valeur est inférieure à 22 euros. Autant dire que ce palier est rarement atteint dans les déclarations...La proposition choc du Sénat? Instaurer un prélèvement à la source sur les achats en ligne. Au moment de la transaction, la banque du client prélèverait la TVA et la reverserait automatiquement sur le compte du Trésor public. Les difficultés techniques seraient surmontables. Reste à savoir si Bercy est prêt à accélérer sur ce sujet.

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