07 août 2015

Le véganisme est-il une secte ?


Pas vraiment. Pas vraiment attendu qu’une secte prône l’adulation d’un gourou unique et de sa doctrine seule, si ridicule fût-elle, alors que le véganisme connaît maints prêcheurs et l’adoration d’une multitude de végétaux. On peut donc en conclure que le véganisme relève plus du culte polythéiste que de la secte. Il revêt cependant bien des aspects généralement associés à celle-ci, et parmi eux deux qui sont essentiels :

1. Le sentiment de supériorité que confère l’appartenance à un cénacle restreint.

2. Le prosélytisme indécis.

Qu’entends-je donc par « prosélytisme indécis » ? se demanderont les curieux et je sais qu’ils sont nombreux à lire ce blog, attirés qu’ils y sont par la fameuse invitation de Jesus von Nazareth : « Heureux les curieux, car ils obtiendront miséricorde ».
Par un processus psychologique bien simple, les personnes éprouvant ce fameux sentiment de supériorité hérité d’un savoir parcimonieusement délivré, redoutent avec le même allant qu’ils espèrent une conversion des populations qui marchent dans les ténèbres. Leurs actions et certitudes afférentes se basent sur l’appartenance à un cercle circonscrit d’initiés porteurs de lumière (Lucifer en latin, de Lux, lumière, et Ferre, porter)
Un élargissement de la coterie mandarinale est en mesure de mettre en péril leur situation privilégiée auprès du groupe dans lequel ils sont élus. D’où une certaine indécision, ou réticence, dans les velléités prosélytes.

J’habite à Berlin, capitale mondiale du véganisme. Ils sont partout, les carnophobes, ils ouvrent des restaurants, des boutiques, des vegans shops animal fat free, j’ai dernièrement vu des Köfte Vegan ! Apostrophant la –charmante- vendeuse turque s’adonnant à cette hérésie, je lui fis part de ma déception ! Oui, toi, fière Ottomane aux longs cheveux lissés d’onguents délicieux, janissaire en jupe courte, tu renies tes traditions carnassières ancestrales pour satisfaire les envies de petits bourgeois plantophiles ? Quelle sera ta prochaine entourloupe, renégate ? Vendras-tu aux hipsters moustachus du fromage à base de soja dans de la saumure sans sel, vu que le sel a potentiellement touché des poissons ? Et ton Kebab, qu’en feras-tu ? Et ta soupe de panse de veau au yaourt ? Fêteras-tu le prochain Aïd al-Kabîr en sacrifiant une aubergine ?

Le premier supermarché européen 100% Vegan[1] a ouvert ses portes il y a deux ans à Prenzlauer Berg, roulements de tambours en peau végétale et fanions en fibres synthétiques* étaient de rigueur, le gérant de l’échoppe annonçait sa volonté, dans l’article imprimé du TAZ dont le lien est ci-dessus laissé, de convertir l’humanité dans son ensemble aux vertus de la chlorophylle et des beignets de fleurs d’acacias. Ni plus ni moins. Convertir l’humanité dans son ensemble à ses lubies monomaniaques, voilà le but affiché par ce vendeur de bolets.

Certes, je fais preuve d’une certaine mauvaise foi, voire même d’une mauvaise foi certaine en assimilant le véganisme à une secte. Il y a du positif dans l’allégeance à la verdure, n’exagérons rien, tenez, par exemple, tandis que bien des sectes et autres religions répriment avec violence les hérésies ou attitudes considérées comme telles, le véganisme fait montre d’une étonnante tolérance dans le cadre de sa pratique. La faute à qui ? La faute à quoi ? La faute à son Panthéon, tout simplement, qui invite, tout comme le polythéisme en général, à une relative largeur d’esprit dans les déclinaisons incantatoires.

Savourons la tolérance des contempteurs du rôti de bœuf : tout comme chez les Grecs (ou Romains, Mayas ou Egyptiens), les divinités de la mythologie végane sont plus ou moins interchangeables et ont, en plus de leurs homologues exotiques, la particularité d’être biodégradables.

Un foyer végan moyen (deux parents, deux enfants, un plant de tomates) dans lequel le tofu était adoré peut soudainement décider de la nocivité de ce dernier, après avoir lu par exemple un article dans une revue publiée par un obscur institut de bio-diététique, et le remplacer par du bambou. L’environnement ne s’en porte pas plus mal, la couche d’ozone n’en souffre pas, le tofu non plus, le schisme ne concerne qu’une infime partie des croyants, les divisions ne sont perceptibles que par la minorité des hérétiques, mais surtout, avant tout, le dogme végétal central n’est pas remis en cause, le courroux des autres adeptes est tout relatif, voire inexistant, nul besoin de concile, de débats sans fin sur la consubstantialité de la courgette ou encore de périple à Canossa en guise d’expiation.

Voilà je n'ai pas de chute, si ce n'est cet intéressant graphique trouvé dans un missel de de la Ste Eglise du Renouveau du Compost des Jours Derniers. On y remarquera la jolie place réservée à la betterave, mais plus étonnant encore, la relative omniprésence du céleri dans les incantations véganes.


Le bambou et le soja sont au coude à coude

[1] On me fait signe qu’un tel supermarché existait apparemment avant 2011 à Dortmund. Y a pas de quoi être fier, mais les RuhrPotiers sont susceptibles.

* Mais non à base de pétrole bien sûr, le pétrole étant une accumulation, sur des millions d’années, de sédiments riches en matières organiques, surtout des lipides, donc des matières grasses d’êtres vivants.
 

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