07 août 2015

La soie d’araignée : matériau du futur


Cliniques et industriels tentent d’exploiter les vertus de la soie d’araignée. Produire en quantités utilisables la précieuse molécule qui la constitue n’est toutefois pas facile.

Présente dans tout l’hémisphère Sud, la femelle Nephila Clavipes , grande comme la paume de la main, tisse d’immenses toiles aux reflets dorés qui, justement, valent de l’or. Légère, étonnamment élastique et flexible tout en étant plus résistante que l’acier ou le nylon, la soie naturelle de cet arachnide amortit les forces de torsion et possède aussi une mémoire de forme.

Depuis longtemps, les qualités de ce biomatériau sont dans le collimateur des industriels à la recherche de fibres et textiles techniques haute performance. Mais si le tissage de ce fil d’un jaune éblouissant est maîtrisé depuis le XVIIe siècle pour faire de somptueuses parures, la question de l’approvisionnement est plus délicate.

La collecte par «dévidage» consiste à immobiliser sans douleur les géantes tisserandes et à tirer délicatement le filament de leur abdomen, simultanément enroulé sur une bobine. La technique, qui fournit 200 mètres de soie en quinze minutes, est utilisée par l’équipe du professeur Peter Vogt, chef de laboratoire à la Clinique plastique et reconstructrice de la main de Hanovre, en Allemagne, pour expérimenter les propriétés de la soie sur des moutons. Biocompatible, biodégradable, hypoallergénique, la soie naturelle de la Nephila Edulis , élevée sur place, n’engendre ni rejet, ni inflammation. Elle fait donc de parfaits fils de suture, favorise la cicatrisation et sert de guide pour la régénération de peau, de cartilage et de cellules nerveuses, qui la colonisent facilement. Des essais cliniques sont prévus prochainement.

A l’Institut de physique de Rennes (CNRS), en France, on apprécie le fil de la Nephila Clavipes pour ses caractéristiques structurales. D’un diamètre de cinq millionièmes de mètres (microns), lisse sur toute sa longueur, neutre médicalement et plus robuste que le verre, la soie, qui transporte si bien la lumière, pourrait un jour remplacer la fibre optique des fibroscopes et endoscopes.

Les extraordinaires propriétés de la soie d’araignée sont donc très attendues par les industriels. Mais le cannibalisme pratiqué par certaines espèces complique l’élevage intensif et la technique artisanale de la «traite» exclut la production à grande échelle. Des spécialistes rivalisent donc d’ingéniosité pour tenter de reproduire ces qualités de manière biosynthétique.

La soie d’araignée est un biopolymère composé d’une famille de protéines. Pour produire ces protéines, Randy Lewis, directeur du Centre des bioproduits synthétiques à l’Université de l’Utah (Etats-Unis), reprend les travaux sur la transgénèse, initiés il y a quinze ans par la société canadienne Nexia Biotechnologies, disparue aujourd’hui.

Grâce à des manipulations génétiques, il élève une trentaine de «chimères», des chèvres porteuses du gène de production de soie d’araignée. Ces biquettes transgéniques donnent jusqu’à quatre grammes de protéines de soie par litre de lait! Une fois réduites en poudre, celles-ci sont réhydratées et tissées. «Les chèvres produisent une bonne qualité de protéines, mais la purification reste à améliorer, explique Randy Lewis. Nous travaillons aussi sur la bactérie Escherichia Coli, facile à manipuler génétiquement et couramment utilisée pour la production de protéines. Et nous essayons d’augmenter la proportion de protéines d’araignée sécrétée par nos vers à soie transgéniques.»

Les fibres obtenues pourraient servir en médecine, mais aussi à la fabrication de vêtements et accessoires de sport, de pièces d’automobiles, de films transparents, de revêtements, d’adhésifs et de gels. Un marché à fort potentiel sur lequel se positionne la société allemande AMSilk, qui a annoncé en mars 2013 être enfin parvenue à produire un polymère naturel aux propriétés mécaniques similaires à la soie d’araignée, via des bactéries transgéniques. Elle prévoit la commercialisation d’une gamme de produits destinés à l’industrie cosmétique et à la fabrication de produits médicaux comme des prothèses mammaires en 2016.

L’entreprise américaine Kraig Biocraft Laboratories collectionne elle aussi les brevets, en vue de produire la fibre hautement résistante «monster silk». Elle travaille à l’élaboration de matériaux de construction et de protection contre les explosions ainsi que des gilets pare-balles.

Enfin, résistant à des températures extrêmes de froid ou de chaleur, le fil de soie pourrait servir à confectionner des combinaisons spatiales.

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