Un mois après le décret autorisant le blocage administratif des sites sur ordre du ministère de l'intérieur, le Gouvernement a fait publier jeudi au Journal Officiel le décret "relatif au déréférencement des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique".
Le texte permet à l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) de notifier aux moteurs de recherche les sites accusés de relayer la propagande de terroristes, afin qu'ils soient déréférencés sur le champ, sans qu'un juge ne vérifier l'illégalité des sites en cause. Google et ses concurrents auront 48 heures pour prendre "toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement de ces adresses", et devront le faire en respectant scrupuleusement "la confidentialité des données qui leur sont ainsi confiées". Pas question, donc, de publier les ordres de censure.
Le décret prévoit que l'OLCTIC ait l'obligation de vérifier "au moins chaque trimestre que les adresses électroniques notifiées ont toujours un contenu présentant un caractère illicite", et de notifier les moteurs de recherche et annuaires de tout retrait d'un site de la liste, pour que son référencement soit rétabli. Les policiers rattachés au ministère de l'intérieur se trouvent donc investis d'une mission para-judiciaire, au mépris des règles démocratiques de séparation des pouvoirs.
Comme pour le blocage des sites, une personnalité issue de la CNIL aura la possibilité de contrôler la liste des sites censurés, pour repérer d'éventuels abus. En revanche, alors que le blocage s'accompagne d'une redirection vers un site du ministère de l'intérieur qui fait explique le blocage et indique des voies de recours, rien n'est prévu pour s'opposer au déréférencement, à l'effet dévastateur. Les internautes n'ont plus même la connaissance du fait que le site existe.
QUELS SITES TERRORISTES ?
Le déréférencement sur ordre policier des sites de propagande terroriste avait été introduit par un amendement surprise du Gouvernement présenté à la dernière minute, lors des débats sur la loi anti-terrorisme de 2014. Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve avait alors expliqué en séance que le dispositif proposé était identique à celui déjà prévu pour les sites d'argent en ligne, ce qui était mensonger. La loi sur les jeux d'argent en ligne prévoit que le déréférencement peut être ordonné par un magistrat, le président du TGI de Paris, et non directement par l'exécutif. De plus, les déréférencements de sites demandés au juge par l'ARJEL se fondent sur un élément objectif, l'absence d'homologation du site, alors que le déréférencement de sites de propagande terroriste se fonde sur une appréciation subjective.
Le terrorisme n'est pas une notion simple à appréhender juridiquement, et n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'un consensus au niveau international. En France, l'article 412-1 du code pénal liste une série de crimes et de délits qui sont considérés comme des actes de terrorisme (meurtres, enlèvements, détournements d'avions, dégradations, vente d'armes, blanchiment d'argent), mais pour être qualifiés de "terroristes", ces actes doivent avoir été commis "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". De quoi laisser beaucoup de marge d'interprétation.
Hélas, les événements récents consécutifs aux attentats de janvier 2015 à Paris ont rappelé que l'Etat avait une vision très large de l'apologie du terrorisme, au mépris de la liberté d'expression.
Et pendant ce temps, l'Etat paye pour référencer sa propre propagande anti-terroriste sur Google.
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