Pour la première fois en quinze ans, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou s'est rendu en visite officielle de deux jours en Iran. Cette visite et la signature d'un accord intergouvernemental sur la coopération militaire entre les deux pays n'est pas une simple évolution dans le domaine militaire. Elle s'inscrit dans la continuité du retournement militaro-politique de la Russie vers l'est, déjà illustré par les récentes visites de Vladimir Poutine en Inde et de Sergueï Choïgou en Chine et au Pakistan. Cette dernière visite à Téhéran est un pas géopolitique vers des relations d'alliés entre la Russie et l'Iran.
Les intérêts coïncident
A Téhéran, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et son homologue iranien Hossein Dehghan ont évoqué les problèmes de sécurité régionale et internationale, et ont signé un accord sur la coopération militaire entre les deux États, qui s'est considérablement élargie.
Les plans conjoints, à terme, visent à étendre les échanges de délégations, organiser des négociations de commandement, participer aux exercices en tant qu'observateurs, préparer des cadres militaires, échanger les expériences dans les opérations de maintien de la paix et la lutte antiterroriste, le déminage humanitaire et les escales de navires de guerre dans les ports russes et iraniens. Un tel ordre du jour montre que les relations russo-iraniennes évoluent du statut de partenariat à celui d'allié, alors que jusque-là les intérêts commerciaux étaient majoritaires. Ce n'est pas un hasard si l'agence de presse iranienne IRNA a qualifié la visite de Sergueï Choïgou à Téhéran "d'événement marquant".
Les positions de l'Iran et de la Russie sont proches sur de nombreux problèmes régionaux et internationaux: le programme nucléaire iranien, le déploiement de l'Otan en Europe de l'Est, la crise politique syrienne et la lutte contre les groupes terroristes au Moyen-Orient.
En octobre 2013 déjà, le ministre Dehghan avait défini le rôle de la Russie dans la politique étrangère de son pays: "La poursuite de la coopération militaire entre les deux pays contribuera à la consolidation des efforts pour renforcer la sécurité régionale et internationale".
Oublier le mémorandum Gore-Tchernomyrdine
La coopération militaro-technique russo-iranienne se base sur les accords intergouvernementaux signés entre l'URSS et l'Iran en 1989-1991.
Au cours des dernières décennies, l'URSS et la Russie ont ainsi livré à l'Iran des dizaines d'avions et d'hélicoptères de combat, des systèmes de défense antiaérienne, des centaines de missiles, de chars et de véhicules blindés d'infanterie, ainsi que trois sous-marins. A une certaine époque, jusqu'à 85% des nouvelles armes acquises par l'Iran venaient de Russie.
En 2000, la Russie a officiellement informé les USA de sa sortie unilatérale du mémorandum restrictif Gore-Tchernomyrdine (du 30 juin 1995). Après le premier septennat du XXIe siècle, l'Iran était le troisième plus grand acheteur d'armes russes pour un montant total de fournitures avoisinant les 2 milliards de dollars (plus de 5% de l'ensemble des exportations d'armements russes). Cependant, en 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies a restreint la vente d'armements et de matériel militaire à l'Iran, bloquant la fourniture de cinq divisions antiaériennes S-300 par la Russie.
Désormais, plusieurs différends devront être remis à plat. L'Iran considère toujours ce contrat comme valide et devrait recevoir prochainement des S-300 ou leur version plus moderne de la part de la Russie.
Le positivisme sans euphorie
Les tensions entre la Russie et l'Occident ont offert de nouvelles opportunités à l'Iran. Toutefois Jahangir Karami, professeur à l'Université de Téhéran et spécialiste du développement des pays de l'Eurasie, note sans euphorie: "L'Iran n'est pas un allié de la Russie, du moins pour l'instant. Les problèmes dans les relations entre l'Iran et l'Occident n'ont rien à voir avec la Russie. Ils ont leur propre histoire. Même en ce qui concerne le programme nucléaire iranien, la Russie s'est toujours rangée du côté de l'Occident et ce qui s'est produit en Syrie a été mis en œuvre pour faire pression essentiellement sur Téhéran, pas sur Moscou".
Il ne sera donc pas simple, pour la Russie, de transformer l'Iran en allié fiable.
Une activité asymétrique
A Téhéran, Sergueï Choïgou a hautement apprécié la lutte de l'Iran contre le terrorisme international et a souligné le caractère général des risques régionaux, proposant de s'unir pour les combattre.
A l'issue de sa visite officielle en Iran, Sergueï Choïgou s'est envolé pour l'Inde, où il s'entretiendra le 21 janvier avec son homologue indien Manohar Parrikar pour évoquer les aspects de la coopération militaire et militaro-technique entre la Russie et l'Inde.
Dans ce contexte d'activité du ministère russe de la Défense, le député irakien Kamil al-Zaidi a déclaré que la coalition internationale pour lutter contre l'EI, menée par les USA, mettait en évidence la faiblesse et l'absence d'intérêt pour éradiquer l’État islamique. C'est pourquoi l'Irak s'attend à ce que la Russie participe au réglement de ce problème. Une coopération directe dans ce secteur géopolitique entre la Russie, l'Iran, l'Irak et l'Afghanistan semble logique et opportune.
Certains médias occidentaux qualifient la Russie d’État voyou, l'accusant de former une alliance antioccidentale, alors qu'en parallèle des représentants du commandement américain se rendent discrètement à Kiev pour évoquer sur place l'assistance au profit des forces armées ukrainiennes.
Sous couvert de campagne médiatique antirusse, l'Ukraine participe aux réunions du Comité militaire de l'Otan sur la coopération militaire et les plans de réforme des forces armées ukrainiennes du 20 au 22 janvier.
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