Tel est débiteur qui croyait être créancier ?
« Ce n'est pas nous qui devons de l'argent aux Allemands, c'est eux qui nous en doivent », a martelé cet homme de 88 ans, aujourd'hui encore élu de la coalition de la gauche radicale Syriza. Manolis Glezos fait allusion à une des pommes de discorde historique entre l'Allemagne et la Grèce : le paiement des réparations. Lors de la conférence internationale de Paris en 1946, un indemnisation de 7 milliards de dollars avait été décidée pour compenser les dommages causés par l'occupation allemande de 1941 à 1944, une des plus dures en Europe.
1.000 milliards d'euros
Selon le résistant grec, ces 7 milliards de dollars de 1946 représentent aujourd'hui 108 milliards d'euros, si l'on prend en compte l'inflation. A cette somme, s'ajoute le remboursement d'un prêt forcé de 3,5 milliards de dollars imposé à la Grèce occupée par l'Allemagne nazie. Ce qui rajoute à la facture 54 milliards d'euros. « Si l'on ajoute un taux de 3 % par an, on arrive à une dette de 1.000 milliards d'euros », conclut le résistant qui ajoute non sans ironie « mais nous pouvons accepter un « haircut » (coupe) sur les intérêts ».
Les arguments de Berlin
Berlin n'est évidemment pas de cet avis. On trouvera ici un résumé de ses arguments. Le gouvernement fédéral accepte certes la responsabilité de l'occupation, mais il estime être quitte. Pour plusieurs raisons. D'abord, il ne reconnaît pas l'accord de Paris de 1946. L'Allemagne, il est vrai, n'avait alors pas d'Etat reconnu puisque la RFA a été créée en 1949. Par ailleurs, un autre accord sur les dettes de guerre a été signé à Londres en 1953, mais il n'est pas clair que ce dernier annule les réparations décidées en 1946. Enfin, Berlin s'appuie sur l'accord dit « 4+2 » de 1990 qui reconnaissait la réunification allemande et précisait qu'il avait valeur « de traité de paix ». La Grèce a officiellement reconnu ce traité qui ne fait pas allusion à des dédommagements. Berlin rappelle enfin qu'Athènes a reçu après la guerre l'équivalent de 25 milliards d'euros de machines et matériel prélevés sur l'Allemagne nazie et que les gouvernements grecs de l'après-guerre n'ont jamais vraiment réclamé ces sommes. Il est vrai que ces gouvernements, issus de la victoire conservatrice dans la guerre civile, étaient plus préoccupés de la lutte contre le communisme que de cette question.
Enjeu électoral
En Grèce, depuis le début de la crise, cette question de l'indemnisation s'est invitée dans le débat public. L'extrême gauche, notamment le Syriza et le parti communiste KKE, l'ont beaucoup utilisé dans la campagne, ainsi que le petit parti de droite des Grecs Indépendants, une scission de Nouvelle Démocratie, qui réclamait officiellement 70 milliards d'euros à Berlin et a obtenu dimanche 7,5 % des voix et 20 députés. En Allemagne, où, comme le titrait Die Zeit la semaine passée, on a l'impression que « tout le monde veut son argent », cette question énerve également beaucoup.
Question plus large
Au-delà du cas grec, la question des réparations de la première et de la seconde guerre mondiale n'a jamais vraiment cessé d'empoisonner les relations entre l'Allemagne et le reste du monde. Aujourd'hui encore, il existe des plaintes aux Etats-Unis concernant le paiement des obligations émises par l'Allemagne de Weimar pour rembourser les réparations issues du traité de Versailles.
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