La principale manifestation anti-islam organisée en France depuis les attentats de début janvier a été interdite, dimanche, à Paris. Ailleurs en France, seul un faible nombre de militants se mobilisent.
La première manifestation anti-islam de la période post-attentat a été interdite, en France. La préfecture de police de Paris a estimé que le rassemblement baptisé «Déséquilibrés, égorgeurs, chauffards… Islamistes hors de France», qui devait se tenir dimanche, était organisé «dans une logique islamophobe», et non dans la volonté de condamner le terrorisme. Lors de cette manifestation, une Allemande, membre de Pegida Düsseldorf, devait prendre la parole. Pour les militants anti-islam français, le mouvement allemand, qui se réunit tous les lundis soir pour dénoncer «l'islamisation de l'Occident» et plus généralement l'immigration, est un modèle de réussite. Parti de rien il y a quelques semaines, il a réuni, lors de son dernier rassemblement à Dresde, près de 25.000 personnes venues de divers horizons politiques, de la droite classique aux formations plus extrêmes.
Mais la France est loin d'être dans la même situation que l'Allemagne. Les militants islamophobes français en sont conscients. Faute de pouvoir manifester, dimanche, à Paris, ils ont organisé des prises de parole dans une salle, suivies d'une conférence de presse. L'écrivain Renaud Camus, connu pour avoir popularisé la thèse du «Grand remplacement», a alors lancé alors dans son discours: «Un Front de libération nationale, Section française de l'Internationale pégidiste, est d'ores et déjà entré en résistance.» Si la formule sonne comme un acte fondateur, il ne s'agit pourtant que d'une simple boutade: aucune structure, aucune organisation n'est pour le moment lancée en France, reconnaît le responsable de Riposte laïque, Pierre Cassen, organisateur de la manifestation annulée. «Ce qui nous intéresse, c'est que Pegida est capable de rassembler de nombreuses personnes de bords politiques différents, explique-t-il. Sa structure décentralisée nous plaît également énormément: nous souhaitons que des personnes s'organisent dans les régions avec pour fil conducteur le refus de l'islamisation». Pierre Cassen s'est ainsi réjoui, dimanche, que plusieurs manifestations aient lieu à Bordeaux, Montpellier ou Lyon sur le modèle de Pegida Allemagne.
Une faible mobilisation
Ces rassemblements ne regroupent pour le moment qu'un nombre très faible de personnes. Ils étaient une trentaine à Bordeaux. Le double à Montpellier, où le rassemblement avait lieu à l'initiative de la Ligue du Midi, petite formation d'extrême droite qui s'est séparée du Bloc identitaire il y a quelques années. Son leader, Richard Roudier, rêve d'une «confédération», qui permettrait à ses membres «d'utiliser le label», avec comme mot d'ordre commun «lutter contre la place plus importante de l'islam dans la société française» même s'ils sont «en désaccord sur beaucoup d'autres choses». «L'exemple allemand donne de l'espoir: ils sont partis à 150 et sont aujourd'hui 25.000, dit-il. Mais ce n'est pas parce qu'on reprend leur nom que l'on arrivera nécessairement à faire aussi bien.»
Au-delà de la sphère anti-islam, la mobilisation allemande impressionne, chez les nationalistes. Un cadre d'un mouvement français témoigne ainsi: «En 2008, je suis allé soutenir l'association Pro Köln qui dénonçait l'islamisation de l'Allemagne et luttait contre la construction d'une mosquée. Nous étions peu nombreux, et je suis rentré en France en me disant qu'il n'y avait rien à attendre des Allemands, pris sous le poids de l'histoire. Le mouvement qui a pris à Dresde montre que tout est possible, et qu'il faut savoir compter sur l'imprévu en politique.»
La crainte de la comparaison
Un calcul auquel ne croit pas le président du Bloc identitaire, Fabrice Robert. Son mouvement dénonce depuis de nombreuses années l'immigration, refuse le multiculturalisme et conteste vivement la place de l'islam en Europe par des slogans et actions chocs d'agit-prop. «Nous soutenons toutes les initiatives qui tendent à combattre l'islamisme et l'islamisation, explique-t-il. Mais nous estimons qu'en France, il faut lancer d'autres formes d'action que les manifestations de rue. Je pense que l'occupation du toit de la mosquée de Poitiers, en 2012, a bien plus marqué les esprits qu'une manifestation réunissant 300 personnes à Paris. Il vaut mieux dire les choses clairement que de faire rêver les gens avec une mobilisation impossible.»
Le politologue Jean-Yves Camus estimait dernièrement, auprès de l'Express, que la mobilisation allemande s'exprime dans la rue «parce qu'il n'y a pas de parti politique capable de capter ces tendances. En France, le Front national offre un débouché à ces préoccupations. Le parti d'extrême droite allemand NPD est beaucoup trop radical pour cela.»
Les Identitaires craignent qu'un éventuel Pegida à la française ne soit tourné en ridicule si on le compare à la mobilisation allemande, ou à la manifestation du 11 janvier, où plusieurs millions de Français sont descendus dans la rue contre le terrorisme. L'autre élément qui inquiète, c'est l'éventuelle action des pouvoirs publics, qui ont montré qu'ils pouvaient user de l'arme de la dissolution au moment de l'affaire Méric. Les identitaires avancent donc à couvert, à Lyon, notamment dans un groupe baptisé Lucide (pour Luttons unis contre l'islamisation de l'Europe), qui manifeste les vendredis soirs. Le 16 janvier, ils étaient une centaine.
Source
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.