05 septembre 2014

Lettre de Dmitry Dzygovbrodsky


Bonjour, ancien ami,

Si je vous souhaite une bonne santé, ce n’est pas que je m’inquiète pour vous…


J’aimerais juste que vous viviez assez longtemps pour voir la mort de l’Ukraine unie. Que vous payiez pour la condamnation, le désespoir et la nostalgie mortelle de tout ce que vous avez fait avec votre euroMaïdan et l’opération antiterroriste. Pour tous ceux qui sont venus sur le Maïdan pour tuer les gars des « Berkut » et de l’armée de l’intérieur.

Pour tous ceux qui ne sont pas venus sur Maïdan, après que vos nouveaux héros nationaux, fidèles de Bandera et Choukhevytch, ont brûlé vifs, le 2 mai à Odessa, des garçons et des filles. Pour tous ceux qui ne sont pas venus sur Maïdan après le 2 Juin, lorsqu’à Lougansk, une belle femme est morte après avoir été frappée par un missile sol-air ukrainien. Pour ceux qui ont été heureux de la mort des larves de Doryphore de cinq mois [1] et des femmes de Vatnik [2].

On devrait payer pour tout, mon ancien ami !

C’est le Principe du Talion.

Pour un mort, la mort de l’assassin. Pour des milliers de morts, la mort de votre pays, vos idées et même de vos symboles. Du drapeau bleu-jaune maudit jusqu’à l’hymne et à la fausse histoire.

Moi, Dimitri Dzigovbrodskiy, un citoyen de l’ex-Ukraine, je vais vous dire votre avenir et celui de votre pays mort et criminel appelée Ukraine unie.

Il se trouve que je sais déjà comment tout se terminera.

Le territoire de l’Ukraine deviendra de plus en plus petit. Vous souffrez encore pour la Crimée ? Là-bas, il fait beau. J’en reviens. On s’est bien reposés, comme des vrais séparatistes. D’ailleurs, les habitants locaux haïssent l’Ukraine unie de tout leur cœur. Et pour un chiffon bleu-jaune ou un « Gloire à l’Ukraine ! » on peut s’en prendre plein la gueule. Vous, Ukrainiens unis, le méritez. Les habitants de Crimée comprennent que tout ce que se passe en Novorossia, pourrait se produire chez eux si les « gentils » n’étaient pas venus.

Vous vous souvenez quand votre héros de l’EuroMaïdan, Mosiychuk, a promis un « train de l’amitié » pour la Crimée ? Et donc en fait il a existé. Sauf que Secteur droit et la Garde nationale préfèrent ne pas s’en souvenir. Car le « train de l’amitié », blindé de militants de l’euroMaïdan, est parti en Crimée. Sur la presqu’île, la distribution d’armes aux Cosaques, à la police, même aux autorités fiscales avait commencé. Les « Berkut » de la Crimée se sont installés sur le passage avec deux mitrailleuses de gros calibre, prêts à mourir pour ne pas lasser passer ce train, plein de militants pro-ukrainen. Et quand les héros ont compris qu’ils ne pourraient pas passer, ils sont tous descendus à Zaporozhe. Secteur droit et les euromaïdaniens sont trop lâches par nature, ils ne peuvent tuer qu’une personne seule ou des gens non armés, comme à Odessa le 2 mai, ou bien des « Berkut » ayant l’ordre de ne toucher personne.

Les gens de Crimée savent tout cela et s’en souviennent. Et des « trains de l’amitié » des années 90 également. C’est pour ça que la Crimée, c’est la Russie pour toujours.

Mon vieil ami, tout se cassera dans votre Ukraine unie, progressivement et en douceur. Vous vivrez de pire en pire à chaque mois qui passe. Le grivna [ou Hryvnia, NdT] chute dans le vide. Dès qu’il arrivera à 20, même à 16 [par rapport au dollar], il y aura une chute ! Cela fera monter considérablement les prix des médicaments et des produits alimentaires. C’est l’appauvrissement de la société, des émeutes sociales. Vous vous souvenez de l’époque du tyran maudit Ianoukovitch avec une nostalgie et une tristesse douce. Il était un mauvais président : il n’a pas bombardé vos villes, il n’a pas tiré à l’artillerie sur les femmes et des enfants, il n’a pas brûlé de personnes vivantes.

Petro Porochenko vous annoncera la mobilisation générale dans les prochains jours, et il suffit juste de refaire les lois pour ne pas déclarer l’état de guerre. Parce que l’état de guerre empêche Petro d’obtenir de l’argent de FMI et d’organiser de fausses élections de la Verhovna Rada [le Conseil suprême]. Oui, encore plus fausses que les élections du président Porochenko.

Après la mobilisation générale vous mourrez plus souvent et en masse. Parce que on vous serez jetés au front sans préparation. Contre l’armée de Novorossia expérimentée et endurcie à Slaviyansk.

Vous, les patriotes-nazi ukrainiens, c’est vous qui avez créé notre Armée, en tuant nos femmes et nos enfants, en détruisant les pauvres maisons de nos vieux. Vous êtes arrivés sur notre terre. Et c’est pour cela que chez nous, les habitants de Novorossia, il y a une force intérieure pour vous faire fuir jusqu’à Kiev et même plus loin. Nous avons des officiers expérimentés et nous avons une bonne armée lourdement équipée. Nous avons un objectif, celui de tuer oligarchie fasciste de l’Ukraine unie et créer l’État populaire et juste de Novorossia.

Lors des élections, en raison de défaites militaires sans fin, en raison de l’effondrement de l’économie, en raison de la trahison massive, démarrera un Maïdan-3.

Semen Semenchenko au poste de ministre de l’Intérieur ! Dima Yarosh, s’il est en vivant, ministre de la Défense ! Boria Filatov « Sous-Kolomoyskiy », ministre des Finances ! Timoshenko réapparaitra immédiatement. Pensez-vous qu’elle disparaisse définitivement et qu’elle ne se salit pas maintenant ? Et tout cela précipitera encore plus la chute de l’économie.

Le pire, c’est le mieux, c’est mon conseil à votre, et une fois notre, pays commun. Plus rapidement votre pays mourra, plus vite nous serons en mesure de sauver des millions de personnes innocentes.

Plus l’hiver se rapproche, plus les soirées sont sombres. Vous aurez de moins en moins de la lumière : chaque jour, il y aura des coupures d’électricité pour quelques heures. Vous n’avez presque plus de charbon, car 78 % du charbon est extrait à Donetsk. Le Donbass ne sera jamais ukrainien : vous n’avez tout simplement plus la force pour revenir à Donetsk et à Lougansk. Pour acheter du charbon en Australie et en Zélande, tant vanté votre ministère de l’Énergie, vous n’avez pas d’argent. Et, en même temps, vous n’avez plus de ports pour décharger le charbon. Kertch ne vous appartient plus. Marioupol ne sera bientôt plus à vous. Et 48 % de l’électricité en Ukraine provient d’énergie fossile. Cela veut dire qu’en hiver vous n’aurez pas la moitié de toute votre électricité.

Le gaz, vous n’en aurez pas non plus. Sauf si vous pouvez le voler en douce (en contrepartie vous serez de plus en plus détestés par l’Europe). Comme le gaz volé serra européen, l’Europe ne voudra pas avoir froid à cause d’une telle Ukraine unie. Par contre, à Donetsk et à Lougansk, il y aura du gaz (c’est déjà réglé). Mais vous aurez froid. Très froid. Car l’hiver sera sévère, il paraît. Eh bien, rien de grave : il reste à secouer la toile bleu-jaune et à sauter. Vous y êtes habitués. En plus il reste du bois, alors vous ne serez pas perdus.

La faim.
Froide.
Ténèbres.
L’hyperinflation.
La défaite militaire.

Tout arrivera. Vous le méritez. Le principe des représailles est ancien et véritable

Au nouveau printemps, l’armée de la Novorossia vous apparaîtra comme des libérateurs. Vous serez heureux de nous voir. Parce que dans la Novorossia s’allume la chaleur, la justice, le droit, une monnaie stable et une forte armée. Tout cela ne sera pas le cas dans votre Ukraine unie, vers le printemps. Et vous crierez : « Gloire à la Novorossia » plus fort que le bruit de moteurs de nos chars. Vous, ukro-patriotes, étiez toujours des laquais, c’était comme ça sous les Nazis, comme sous les Austro-Hongrois ou sous les Polonais. Vous ne changez pas.

Maintenait, vous me ne croyez pas, mon vieil ami consciencieux. Et vous ne devez pas. Pour votre pays en mort, je suis une Cassandre. Et c’est bien que vous ne m’écoutiez pas tout de suite, parce que vous devez faire tout ce chemin.

Et au printemps, souvenez-vous ce que je vous ai dit maintenant.

J’étais même un peu désolé pour vous. Mais…

Budach, en plissant le front, pensait en silence. Rumata attendit. Derrière la fenêtre, des chariots grinçaient tristement à nouveau. Budach dit calmement :
– Alors, Seigneur, efface-nous de la surface de terre et recrée-nous à nouveau, plus parfaits… ou encore mieux, laisse-nous et permets-nous de continuer notre chemin.
– Mon cœur est plein de pitié, dit lentement Rumata. Je ne peux pas le faire.


Citation extraite du roman d’Arcadi et Boris Strougatski « Il est difficile d’être un dieu », publié en 1964
 
  
Passeport de Dmitry Dzygovbrodsky quand il avait 18 ans, en 1999

Dmitry Dzygovbrodsky
Traduit par Olga pour vineyardsaker.fr

Notes

[1] Vatnik ou Vatniki est un terme très populaire depuis 2013 pour désigner les rednecks patriotiques russes. Une Vatnik est une personne qui est muette et aime aveuglément sa patrie. Le manque d’ironie et de la pensée critique sont souvent attribués à la Russie. A la base c’est une veste d’hiver très chaud, souvent utilisé en Sibérie.

[2] Doryphore est équivalent à Kolorad. C’est un terme insultant, plein de mépris, pour désigner les militants pro-russes en Ukraine. Ces appellations ont été promues par les partisans d’euroMaïdan et par l’opposition non-systémique en Russie. C’est devenu le surnom des séparatistes en Ukraine, à cause des couleurs du ruban Saint-Georges.


Source : La loi du Talion (russe, 03-09-2014)
Vu ici

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