08 septembre 2014

L'énigme des lignes de Nazca : décodage (2/2)


 
Bien que Maria Reiche ait passé plus de 50 ans à tenter de démontrer un lien direct entre le sol et une sorte de reflet du cosmos, comme une relation avec des formations d'étoiles, une modélisation informatique n'a montré aucun lien direct avec des constellations spécifiques.



Anthony Aveni pensait que les lignes pointaient vers des sources d'eau. Il a suggéré que les 1300 kilomètres de lignes droites cartographiaient la direction de sources d'eau et le système d'irrigation hautement complexe qu'ont produit les nazcas. Deux tiers des lignes semblent suivre un système de canaux d'irrigation.


En 1998, Phyllis B. Pitluga, émule de Reiche et astronome au planétarium Adler de Chicago, a conclu que les figures d'animaux étaient des représentations de figures divines. Mais elle prétend que ce sont pas des figures de constellations mais ce qu'on pourrait appeler des contre-constellations, des coins sombres aux formes irrégulières au cœur de l'espace scintillant de la Voie Lactée. En 1985, l'archéologue Johan Reinhard publia des données archéologiques, ethnographiques et historiques démontrant que l'adoration de montagnes et autres sources d'eau a prédominé de tous temps dans la religion et l'économie nazcas. Sa théorie était que les lignes et figures faisaient partie de pratiques religieuses comprenant la vénération de divinités associées aux ressources en eau, qui étaient en lien direct avec la réussite et le rendement des cultures.


Selon les travaux de David Johnson, décrits dans son livre Derrière les lignes de Nazca et autres géoglyphes des côtes du Pérou et du Chili, les lignes sont une carte systématique des sources et des trajets des aquifères. Cinq composants étaient constamment présents à chaque endroit, comme s'ils faisaient partie de l'équation ; failles, aquifères, sources d'eau douce, géoglyphes et sites archéologiques. Aux endroits où l'on trouve une ou plusieurs de ces caractéristiques existe une forte probabilité que les autres soient présentes. Il s'est rendu compte que les lignes de Nazca constituent un texte imprimé du paysage fournissant aux habitants de la région, autant ceux du passé que du présent, une solution à leurs problèmes d'eau.


L'idée de Jim Woodmann est que les lignes de Nazca n'auraient pu être faites sans une quelconque forme de vol habité permettant de voir correctement les figures. En se basant sur son étude de la technologie disponible, il suggère qu'un ballon gonflé à l'air chaud [une sorte de montgolfière] était le seul moyen possible de vol. Pour tester son hypothèse, Woodmann fabriqua un ballon à air chaud en se servant de matériaux et de techniques qu'il pensait disponibles pour le peuple nazca, comme le coton local. Le ballon vola, tant bien que mal, quelque temps, mais pas suffisamment pour apparaître comme une théorie crédible. La plupart des spécialistes ont rejeté la thèse de Woodmann par manque de preuve de ces ballons.


L'une des idées les plus célèbres et certains diraient des plus audacieuses quant à la signification des lignes de Nazca et à la manière dont elles ont été créées, est celle d'Erich von Daniken qui suggère que les lignes et autres constructions complexes représentent la connaissance d'une technologie supérieure qui pensait-il existait couramment à l'époque où les glyphes furent créés. Von Daniken maintient que les lignes péruviennes de Nazca sont des pistes d’atterrissage d'un ancien aérodrome qu'utilisaient des extra-terrestres qui apparaissaient comme leurs dieux aux habitants mystifiés. Sa théorie n'a pas été acceptée par les spécialistes.


Evan Hadingham proposait que les anciens prêtres nazcas utilisaient de puissantes concoctions hallucinogènes qui les rendaient performants en expériences de "sorties hors du corps". Sa théorie était que les prêtres ou chamanes étaient capables de se transformer en esprits qui volaient au-dessus de la terre. Pour les amuser ou peut-être les honorer, l'art des lignes géantes fut créé. Le produit médicinal et hallucinogène principal de cette région dans les temps anciens était fourni par le cactus San Pedro [ou echinopsis pachanoi, dont on tire la mescaline].

Comme les lignes et les géoglyphes ne peuvent être directement datés par des méthodes connues, ont-ils tous été faits nécessairement par le même peuple ? Henri Stierlin, un historien d'art suisse, spécialiste de l’Égypte et du Moyen-Orient, a publié en 1983 un livre qui fait un lien entre les lignes de Nazca et la production des anciens textiles retrouvés par les archéologues dont on enveloppait les momies dans la culture Paracas. 


Les plus importants cimetières des Paracas se trouvaient à Cerro Colorado, Cabeza Larga (tête allongée en espagnol), Chongos et Camacho, tous étant dans le voisinage de la péninsule Paracas, à environ 4 heures de voiture au nord-ouest de Nazca. C'est là aussi qu'on peut voir le célèbre candélabre, un géoglyphe en forme de trident de 152 mètres de haut qu'on ne peut observer que de l'océan.



Le "candélabre" de Paracas 

Il semble avoir été fait avec les mêmes techniques que les figures et lignes de Nazca et certains chercheurs ont soutenu que les trois fourches qui font penser à des projections du "trident" font face à Nazca vers le sud-ouest, mais ce n'est pas le cas. Le candélabre est en fait orienté plein sud.


Selon la plupart des sources, les Paracas avaient une connaissance étendue de l'irrigation et de la gestion de l'eau et leur territoire s'étendait de la région de Chincha au nord vers Nazca. Des preuves suggèrent que la culture Topara aurait fait une invasion par le nord aux environs de – 150. Les deux cultures, Paracas et Topara auraient coexisté pendant une ou plusieurs générations dans le complexe massif d'adobes [maisons en terre crue] de Cahuachi près de Nazca city et dans les environs de la vallée d'Ica et leur interaction aurait joué un rôle-clé dans le développement de la culture nazca et de leur tradition des textiles.



Pyramide Cahuachi 

Palpa est une petite cité agricole située à environ 60 km au nord de Nazca près de l'autoroute Pan Américaine et elle se trouve donc entre la péninsule de Paracas et Nazca. De plus en plus de preuves indiquent que les nombreuses lignes et figures de Palpa découvertes dans la région ont été créées par la culture Paracas, avant l'existence présumée des lignes et de la culture nazcas.

La raison pour laquelle les géoglyphes de Palpa ont reçu moins d'attention que ceux de Nazca peut venir du fait que la géographie de Palpa et de Nazca est manifestement différente. La région de Palpa est parsemée de pics abrupts continus, très différente de la pampa de Nazca où les sables et la pierre s'étendent à perte de vue sur une plaine qui permet une bonne visibilité. Les figures dessinées sur le flanc de la montagne de la région de Palpa sont moins visibles et disparaissent même selon la direction à partir de laquelle on les regarde. Karsten Lambers, archéologue allemand, a cartographié et étudié les géoglyphes de la zone de Palpa dès 1999 et a jusqu'ici découvert au moins 1500 géoglyphes sur une zone de 89 km².


Figures de Palpa


Nous avons vu jusqu'à présent que la zone couverte de géoglyphes de cette partie du Pérou est immense. Elle commence avec le candélabre de Paracas, près de l'océan Pacifique et s'étend vers Nazca au sud-est en passant par Palpa. Les cultures impliquées dans tout le processus semblent être celle des Paracas et il y a ensuite une progression vers celle de Nazca via la culture Topara. À mon avis, les lignes et figures de Nazca n'ont pas été créées seulement par le peuple nazca, et pas sur la seule durée de l'an 1 à l'an 500 de notre ère. Elles font partie d'un territoire beaucoup plus grand qui démarre au candélabre de Paracas, passe par Palpa et se termine dans la pampa de Nazca. Les Paracas auraient été les premiers à créer les formes, spécialement le candélabre et celles de Palpa, et avec le temps, les œuvres ont progressé vers Nazca. 

En tant qu'artisans incroyables à l'origine mystérieuse, les Paracas ont pu simplement créer des dessins fantasques sur les flancs des coteaux, mais la raison des représentations d'humains avec des extensions sortant de leur tête à Palpa reste l'objet de conjectures. 


Les Topara sont arrivés et se sont amalgamés avec eux, formant une nouvelle culture qui est devenue connue comme les nazcas. De nouveau, je pense que ce n'était pas une alliance pacifique, mais qu'elle a résulté en un renversement du peuple Paracas. Comme preuve de ceci, je suggère la disparition du phénomène de la déformation des crânes (crânes allongés) qui constituait la marque distinctive de l'élite Paracas. Une bonne partie de l'art nazca peut être aussi directement attribuée aux premiers Paracas, car le travail de la céramique des Topara pré-nazcas avait une forme et une décoration beaucoup plus grossières. 


Si on poursuit ce fil conducteur logique, les lignes et géoglyphes Paracas ont pu être créés au départ comme expression artistique et spirituelle ainsi que pour de possibles observations célestes et ensuite les nazcas, avec l'épuisement de leurs ressources alimentaires suite à l'abattage des arbres huarango et les effets d'El Nino ont fait plus tard des lignes comme un moyen pour cartographier les courants souterrains de la région. Les lignes majeures ont pu être faites avant cette action de génie civil comme voies vers de distants avant-postes, routes commerciales ou pour dresser une carte des alignements solaires, lunaires et stellaires.


Et ce pourrait être la raison des nombreuses théories soulevées. Aucune hypothèse ne peut expliquer adéquatement le phénomène tout entier des géoglyphes de Nazca et l'explication vient donc probablement de constructions différentes sur une durée de plusieurs siècles par différents peuples et pour diverses raisons.


Brien Foerster, né dans le Minnesota, a passé sa jeunesse au Canada. Il est actuellement assistant directeur du musée de Paracas. Il réside avec sa femme au Pérou. Il a écrit plusieurs livres, le dernier étant consacré à Nazca. Vous pouvez visiter son blog : www.hiddenincatours.com.




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Voici la photo de deux des trois figures découvertes début août, suite à une tempête de sable sur le plateau de Nazca (source Daily Mail). Elles évoquent un chameau à côté d'un oiseau. La troisième figure fait penser à un serpent de 60 mètres de long (pas publié la photo, trop floue) : 





Voici une vidéo de l'auteur de l'article qui montre un modèle à l'échelle de toutes les lignes et géoglyphes :

 

Une autre vidéo montrant les 10 figures les plus célèbres de Nazca : 



Source
Traduit par Hélios

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