20 septembre 2013

Des chercheurs ont découvert un spectaculaire et mystérieux système de roues dentées sur les pattes d'un insecte



Des chercheurs décrivent le premier engrenage biologique chez un insecte DR
Des chercheurs décrivent le premier engrenage biologique chez un insecte.

PATTE. C'est une découverte étonnante que publiait le journal Science le 13 septembre dernier. Deux chercheurs anglais du département de zoologie de l'université de Cambridge ont en effet découvert un étrange mécanisme sur l'arrière de la patte d'un petit insecte.

La nymphe de l'insecte en question. Un hémiptère du genre "Issus". Au stade adulte, il prend l'apparence d'une feuille pour se camoufler. Plus jeune, ses sauts rapides sont sa meilleure défense pour échapper aux prédateurs. Crédit : Malcolm Burrows.

 
"TROCHANTER". Le mécanisme se présente sous la forme de deux véritables petites roues dentées emboîtées les unes dans les autres. Il se situe au niveau de l’articulation des pattes, sur la partie antérieure du "trochanter", le deuxième segment de la patte de l'animal.

Chez l'insecte étudié par ces chercheurs, les trochanters se trouvent sur la partie ventrale de l'animal. Chacun d'entre eux est pourvu d'une rangée de petites "dents" qui, lorsque l'animal rapproche ses pattes afin de se préparer à bondir, s'emboitent parfaitement.

Et le mécanisme filmé par les chercheurs semble d'une précision stupéfiante :



Gros plan en microscopie électronique sur les "engrenages" biologiques qui s'emboitent lorsque l'insecte rapproche ses pattes de manière à se préparer à un saut. Crédit : Burrows/Sutton

Et voici le même mécanisme en action durant un saut de l'animal :

Les "engrenages" en action, filmés au ralenti durant un saut de l'insecte.

"STRUCTURE BIOLOGIQUE". "C'est la première fois que l'on découvre un tel mécanisme dans une structure biologique" affirment les auteurs de l'étude. Mais à quoi peut-il bien servir ?

Les chercheurs ont une hypothèse. Ce mécanisme a une double utilité : il permet une parfaite synchronisation des mouvements des deux pattes ainsi qu'une réponse très rapide, inférieure à une milliseconde, pour déclencher un saut.
Coordination et vitesse

En effet, lorsqu'un animal de plus grande taille bondit (nous par exemple), notre cerveau envoie la commande de saut à nos jambes qui, en retour, l'informent de la pression exercée par les pieds sur le sol. De ce fait, en une fraction de seconde, le système nerveux ajuste la poussée exercée par chacun de nos muscles afin que notre saut s'exerce de manière efficace et dans la direction choisie. Et tout cela inconsciemment.

DRAGSTER. Toutefois, pour un insecte, cette problématique est encore plus cruciale. En effet, ces derniers effectuent des sauts d'une longueur impressionnante en comparaison de leur taille. Lorsqu'il bondit, l'insecte présenté dans cette étude accélère à la vitesse de 5 mètres par seconde en moins d'une milliseconde. Autrement dit, il subit une accélération stupéfiante comprise entre 500 et 700 g. Pour vous donner un ordre d'idée, un dragster (une voiture spécialisée dans les courses ultra courtes) capable de passer de zéro à 160 km/h en 0,86 secondes ne subit qu'une accélération de... 5,3 g.
Une accélération foudroyante

Avec de telles forces en jeu au moment du décollage, on comprend mieux qu'il soit indispensable pour l'insecte de déployer ses pattes exactement au même moment. Sans quoi, l'animal risquerait de perdre tout contrôle sur sa trajectoire.

INFLUX NERVEUX. "Cette synchronisation extrêmement précise aurait été impossible à effectuer directement via le système nerveux, explique le professeur Malcolm Burrows, auteur de l'étude. L'influx nerveux n'est pas assez rapide pour réaliser cette extraordinaire coordination des mouvements" précise-t-il.

Pour les chercheurs, l'engrenage pourrait être une adaptation permettant à cet animal des sauts d'une rapidité et d'une précision foudroyante.

L'engrenage, une forme spécialisée de friction ?

Cité par le journal Popular Mechanics, le biologiste Steve Vogel, spécialiste de biomécanique à l'université de Duke en Caroline du Nord (et non impliqué dans cette étude) explique que de nombreux insectes sauteurs procèdent de manière similaire pour synchroniser le mouvement de leurs pattes.

Mais pour ce faire, ils se contentent de mettre en contact certaines parties mobiles de leurs pattes (trochanter ou autre), les forces de friction suffisant alors à coordonner le mouvement des membres. Chez l'hémiptère à engrenages, ce mécanisme a sans doute été poussé à un degré extrême de spécialisation.

Un mécanisme fragile

Ce mécanisme demeure toutefois mystérieux. En effet, ces engrenages ne sont pas présents durant toute la vie de l’animal. En place durant la vie nymphale de l’insecte, ils grandissent avec l'animal au fil de ses mues pour... disparaître une fois atteinte la taille adulte. C'est alors un mécanisme de friction beaucoup plus classique qui le remplace.

VULNÉRABLE. La encore, les scientifiques avancent une hypothèse pour expliquer cela. Si l'une des dents de l'engrenage vient à casser, l'ensemble du système perd son efficacité, ce qui rend alors l'insecte beaucoup plus vulnérable. La perte d'une telle dent est sans conséquence au stade nymphal (puisque les dents cassées vont être remplacées par de nouvelles lors de la mue), mais devient problématique après l'ultime mue de l'animal.

Les insectes ayant abandonné ce système efficace mais fragile lors de leur dernière mue auraient ainsi pu être privilégiés par la sélection naturelle.

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