Les Cévennes sont de basses montagnes couvertes de pins et de châtaigniers, où aucune agriculture industrielle n’est possible. Le cultivateur tend à y disparaître, remplacé par le bobo du Nord.
Les éleveurs de chèvres continuent à y faire du pélardon. Ceux de brebis envoient le lait à Roquefort, et abattent les bêtes au moment de l’Aïd, pour les travailleurs marocains.C’est ainsi que vivait Alain, berger d’un troupeau d’une soixantaine de moutons. Il n’était pas exactement de Malons (sa commune d’adoption), puisqu’il était de la DDASS, mais s’y était installé il y a quatorze ans. Il ne buvait pas, ne fumait pas (à part quelques joints quotidiens d’herbe locale) et, quand il redescendait au village, menait une vie rangée, entre sa compagne et leur petite fille.
On a beau vivre dans la nature, il arrive qu’on aille à l’hôpital. C’est ce qui arriva un jour à Alain, heureusement pas longtemps, rien de grave.
À son retour, il n’avait plus de troupeau. Tous les moutons avaient été abattus, à la demande du maire, parce qu’ils étaient sans surveillance et menaçaient d’aller brouter l’herbe d’autrui.
On ne discutera pas la décision du maire. Peut-être agit-il sagement, en l’occurrence. Mais certainement pas amicalement. Il aurait pu au moins prévenir.
Alors que là, la surprise fut totale. Et l’exaspération aussi. Alain alla trouver le maire et, d’un propos discourtois à l’autre, d’un nom d’oiseau à celui d’autres animaux plus ou moins sympathiques, le ton monta. Si bien que le berger finit par allonger une paire de gifles au premier magistrat de la commune.
On a toujours tort de s’énerver. Le maire porta plainte, et Alain, à peine sorti de l’hosto, se retrouva en taule.
Son avocat n’avait pas inventé l’eau tiède. Au tribunal correctionnel d’Alès, il plaida le nervosisme de l’accusé, si bien que le juge, convaincu d’avoir affaire à un énervé de naissance, ordonna l’hospitalisation d’office (HO) dans un établissement ad hoc.
Alain se retrouva donc, après dix-huit mois de préventive, au quartier pénitentiaire de l’HP Carrairon, à Uzès, où il eut tout le loisir de regretter la quiétude des maisons d’arrêt, entouré qu’il était de quelques psychopathes particulièrement inquiétants.
Heureusement, personne, parmi les personnels de cet établissement, ne consentit à le reconnaître fada.
Le juge des libertés fut saisi et, se conformant à l’avis des experts, prononça l’élargissement d’Alain. C’était un vendredi. Le parquet fit aussitôt appel, lequel fut dans la foulée fixé au premier jour ouvrable suivant, lundi 12 décembre, à 10 heures du mat’. Alain ne put ni préparer sa défense, ni même avertir un avocat. En revanche, ce lundi-là, on avait trouvé un nouveau psychiatre qui, contrairement aux autres, pensait qu’il fallait garder Alain à l’hosto.
Ce n’est pas qu’il l’avait trouvé déséquilibré. Non, il écrivait même, dans son rapport :
« Monsieur Paya [c’est le nom d’Alain] est adapté dans une situation qu’il refuse (l’HO) mais ne pose pas de problème d’opposition et de trouble du comportement. »
Oui, mais voilà. Ce n’était pas tout. D’abord, il y avait les cheveux « crépus et emmêlés évoquant la coiffe rasta » et une apparence trop raisonnable pour être honnête « lisse dans ses réponses, ce qui peut renvoyer à une forme de réticence… » Le tout, avec un passé franchement louche : « Concernant son enfance (en famille d’accueil), il ne signalera pas d’événement particulier. De la même manière, à l’adolescence, il n’évoquera pas de dysfonctionnements sociaux ou relationnels. Cependant, il a arrêté l’école à quatorze ans et a travaillé à la ferme familiale. »
Quand on a grandi orphelin chez des pauvres, peut-on se prétendre sain d’esprit ? Et a fortiori lorsqu’on n’a pas fait fortune plus tard : « Il dit qu’il n’avait aucun problème social, ni n’ayant besoin de soin psychiatrique et laisse penser qu’il avait obtenu un équilibre personnel, se contentant de peu dans un contexte qui parait précaire. »
Car, en effet, le pauvre est une variété d’asocial qui, lorsqu’il a un peu de bons sens, demande à être assisté médicalement pour supporter son état. En conclusion, l’expert s’avoue bien embêté : « Nous nous trouvons là devant un problème complexe à savoir que […] Monsieur Paya est adapté et ne présente pas de problème majeur ni de nécessité de traitement, si ce n’est qu’il se sent mal dans un milieu de maladie mentale. »
Et si vous voulez savoir quel est ce problème complexe, il n’est que de se reporter à la question finale posée par le tribunal : « Dire si les troubles mentaux dont est atteint Monsieur Paya compromettent la sûreté des personnes et portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. »
Le psy n’a même pas eu besoin de se contredire pour trouver à Alain des troubles mentaux. Le tribunal s’en était chargé à sa place. Il lui a suffit de reprendre les termes de la question dans sa réponse : « Les troubles mentaux dont Monsieur Paya est atteint compromettent la sûreté des personnes désignés dans son processus persécutif et par conséquent peuvent porter atteinte de façon grave à l’ordre public. »
Processus persécutif car Alain, au cours de l’entretien, avait prétendu qu’on s’acharnait sur lui parce qu’il avait giflé un élu au bras long, de surcroît magistrat.
Le tribunal, quant à lui, s’appuyant sur la seule expertise qui confirmait ce qu’il voulait penser d’Alain, reconduisit la mesure d’enfermement en hôpital psychiatrique. Laquelle commence à faire long, pour deux claques.
Trois ans de placard, déjà. D’abord la taule, dix-huit mois en tout depuis 2008, et ensuite l’HP, dont il n’est pas près de sortir. Pour un homme considéré par tout le monde, y compris le psy qui l’a renvoyé à l’asile, sain d’esprit.
Mais qui persiste à ne pas admettre qu’on n’a jamais eu aucun tort à son égard. Ce qui prouve sa folie, imperceptible mais tenace. La même qui nous menace tous, à l’occasion. On croyait l’épidémie presque éteinte depuis celle qui avait emporté tant de dissidents dans l’URSS brejnévienne. Elle se manifeste à nouveau dans la France sarkozyste.
Gérard Amaté
Vu sur Au bout de la route
"Liberté, égalité, fraternité"... C'est où, tout ça ?
RépondreSupprimerEffectivement, une simple gifle envoyée "au mauvais endroit" peut nous conduire tous à l'HP.
La vraie sagesse serait-elle vraiment de ne jamais rien voir, ne rien entendre, ne rien dire ? ... Et se laisser faire ?
Les 'intouchables' ne sont pas de la même catégorie en France et en Inde...
comment peut' on aider cette personne ?
SupprimerJe ne sais pas si réellement ça peut l'aider, mais j'ai signé une pétition qui circule sur le web.
Supprimerhttp://www.petitionduweb.com/Petition_paya_poirel_berger_sans_troupeau-10741.html
Un gentil conte de notre époque moderne...pré NWO, s'entend.
RépondreSupprimerNous savions que la Justice en France était partiale, lente, et contrôlée par le pouvoir. Mais en plus, l'appareil hospitalier psychiatrique est à son secours !
Merveilleux ! comme dans les dictatures (Soviétique, Chinoise, Cubaine, Zunienne...).
L'huluberlu qui dérange la "civilisation", (la "meilleure" selon M. Claude Guéant) peut être commodément désigné par un "expert idoine" comme dérangé mentalement et à interner. La camisole chimique ensuite...les drogues qui vous rendent fou pour de bon...RADICAL ! Une fois entré là dedans, vous êtes suspect et malade à vie.
Ah oui, je comprends mieux comment des véritables Psychopathes comme Breivik n'ont jamais été internés AVANT de commettre leurs actes de folie barbare et meurtrière. Parce que les "Breivik(s)" servent le PLAN, et servent cette "merveilleuse civilisation" de Claude et Niko.
Aux Etats-Unis, regardez le nombre de psychopathes assassins de masse qui ont pu assassiner des opposants au NWO. Gabrielle Giffords, une brave parlementaire sans doute pas trop malhonnête, qui reçut une bastos dans la cervelle, parmi le carnage autour d'elle (dont un juge, apparemment intègre ce qui est rare, et une gamine qui était née le 11 septembre 2001 !!!) n'est qu'un petit exemple...Et PERSONNE ne les a fait enfermer AVANT. Sacrifices rituels...
Mais le clochard ou l'occupant des camps de tentes des "Occupy", lui il a du souci à se faire. Taxé d'asocial, il risque de finir interné, peut-être même dans ces jolis camps de la FEMA prévus pour les asociaux,ceux qui s'opposeront au merveilleux projet de civilisation supérieure, le Nouvel Ordre Mondial.
Comme le berger des Cévennes...
L'ami Pierrot
au lieu de philosopher répondez à la question : comment peut-on l'aider ?
RépondreSupprimerPendant 4 ans tous les sites reprenaient la photo d'1 certain salah hamoury ...mais comme toujours quand c'est la france de sarko tout le monde fait dans sa culotte en préfèrant pseudo-philosophiquement botter en touche !!!!