26 septembre 2024

Journal de l’Empire des Habsbourg: pourquoi nous n’avons plus peur du loup


A midi, un soulagement s’est fait sentir dans des régions alpines : les représentants des Etats de l’UE ont mis en route à Bruxelles un affaiblissement de la protection des loups. Pendant des mois, le débat émotionnel sur les attaques des loups et les quotas de tirs avait échauffé les esprits. Aujourd’hui, les conservateurs célèbrent leur victoire sur les Verts, les agriculteurs et les chasseurs se sentent dans leur bon droit face aux défenseurs des animaux. A cela s’ajoute le sentiment agréable d’avoir fait entendre les intérêts des régions de montagne à Bruxelles. Et pour la plus grande satisfaction des Autrichiens et des Tyroliens du Sud, les Allemands ont même voté pour !

L’Union des agriculteurs se réjouit, le World Wildlife Fund dénonce une attaque contre la protection des espèces. Le débat sur le loup est aussi polarisé et émotionnel qu’il l’a été pendant des mois dans des régions alpines. Le loup déchaîne les passions. Le loup domine les discussions dans les bistrots. Le loup est devenu un sujet politique.

Le poney d’Ursula

Avec le loup, c’est un souffle venu des sombres vallées alpines qui a pénétré aujourd’hui dans les austères salles de réunion bruxelloises. Pour moi, l’exemple du loup montre ce qui fait que l’homme devient politique. C’est ce qui se passe sur le pas de sa porte. Comme des attaques mortelles sur des troupeaux de bétail, par exemple. Ou l’inquiétude de se retrouver nez à nez avec le loup lors d’une randonnée en forêt. C’est le mécontentement lorsque l’homme se rend compte qu’il ne peut pas résoudre son problème facilement. Parce que les réglementations auxquelles il est soumis ne sont plus faites là où il vit. Et c’est enfin un merveilleux exemple de moment politique imprévisible, lorsque le poney d’Ursula a été tué par un loup et que les paysans des vallées alpines ont soudain trouvé une alliée en la présidente de la Commission.

D’où l’explosion de joie ce midi lorsqu’il est apparu clairement que le Conseil soutenait à la majorité qualifiée l’initiative de la Commission visant à abaisser le statut de protection du loup. Et l’Allemagne a voté pour ! C’est effectivement une petite satisfaction pour ces montagnards qui accueillent certes l’Allemand comme un tourist payant, mais qui n’ont pas trop de sympathie pour lui par ailleurs.

Je ne peux m’empêcher de sourire à cette euphorie un peu simplette. Car le résultat d’aujourd’hui signifie seulement que la Commission peut entamer une procédure de modification des annexes II et III de la Convention de Berne afin d’abaisser le statut de protection du loup de « strictement protégé » à « protégé ». S’il y a une majorité au sein du comité permanent de la Convention de Berne en faveur du statut de protection modifié, la Commission européenne peut présenter une proposition de modification du statut de protection du loup dans le droit de l’UE. Mais cette proposition nécessite à nouveau une majorité parmi les États de l’UE et une majorité au Parlement européen. Je ne suis pas sûre que cela soit clair pour tous ceux qui se tapent déjà sur l’épaule.

Le paradoxe de cette histoire politique hautement émotionnelle est que la Cour de justice européenne a rendu un jugement sur l’abattage des loups pas plus tard qu’en juillet dans l’affaire C-601/22, WWF Autriche et autres contre le gouvernement du Tyrol.

Cet arrêt constitue juridiquement une césure dans le traitement des espèces strictement protégées en Autriche. La CJCE a établi qu’il n’était pas possible de procéder à des tirs de loups sans avoir relevé l’état de conservation local, national et transfrontalier. Ce fut un coup dur pour le Land du Tyrol, comme pour d’autres Länder autrichiens d’ailleurs. En effet, sous la pression des agriculteurs et des chasseurs, ils avaient tout simplement promulgué des ordonnances sur les tirs. De nombreux groupes de pression, dont les partis verts ou les défenseurs des animaux et de la nature, ont vu la protection des espèces sortir renforcée de cette procédure.

Comme nous l’avons dit, l’histoire est loin d’être terminée. Le peu de gloire dans lequel se prélassent aujourd’hui les agriculteurs, les chasseurs et les politiciens conservateurs des régions alpines s’évanouira demain. Car même si le loup est volontiers invoqué comme symbole de l’obscurité et du mal : le véritable ennemi de l’homme – y compris en politique – c’est l’homme lui-même : homo homini lupus !
 

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