28 mars 2024

Dérisoires incertitudes ukraino-tadjikistanes


On débat ferme après la tuerie du Crocus City à Moscou, sur les circonstances, sur les buts, toutes ces choses, mais d’abord et surtout, et uniquement : l’Ukraine a-t-elle trempé son petit doigt de pied dans cette affaire ? “ISIS ! ISIS ! ISIS !”, rythme l’Occident-absurdif qui ne veut pas qu’on touche à la vertu ukrainienne. C’est un débat sans fin, comme celui qui entoure le destin de ‘NordStream’. Mais non, ce qui compte plus que tout, c’est que cet affreux massacre est une partie intégrante de la guerre que la Russie livre désormais (en Ukraine notamment).

Les suites de l’attentat du Crocus City à Moscou n’en finissent pas de se succéder, de s’enrouer, de se nouer, de se constituer en un nœud gordien bien de nitre temps-devenu-fou. Les Russes ne sont pas contents du tout que certains, y compris parmi leurs amis chez des commentateurs, mettent en doute la conviction de Poutine que l’Ukraine est impliqué dans cette affaire. La superbe Maria Zakharova, – qui tient souvent le rôle de son ministre lorsqu’il y a de la bagarre médiatique, ce qui permet à Lavrov de se reposer, – est montée en première  ligne, ce qui est sa place habituelle, avec la rudesse des mots qui la caractérise.

Note de PhG-Bis : « Jamais sans aucun doute pour le compte de PhG, une porte-parole d’un ministre essentiel d’une grande puissance n’a tenu un tel rôle politique que la superbe [bis] Zakharova. Ce qu’elle dit est politique fondamentalement, et non pas une réplique de consignes précises. Elle pèse beaucoup plus lourd, par exemple, que Nuland lorsqu’elle était porte-parole de la secrétaire d’État Clinton, jusqu’au début 2013. On l’entendra donc avec une extrême attention. »

Ainsi une simple intervention de Zakharova sur ‘Telegram’ faiut un gros titre de RT.com et doit être considérée comme une proiise de position officieuse-officielle de la Russie, et de Poutine personnellement, sur la question des liens supposés entre les auteurs de l’attentat et l’Ukraine. C’est de cette façon qu’on lira ce qui suit (et le reste de l’article), – y compris la faute involontaire et révélatrice (même les machines sont influencées et impressionnées) du traducteur qui a traduit ‘spokeswoman’ par ‘ministre’...

« Un article récent de Bloomberg affirmant que certaines personnes dans l’entourage de Poutine ne croient pas que l’Ukraine soit impliquée dans l’attaque terroriste contre la salle de concert de Crocus City est la “mère de toutes les FakeNews”, a déclaré la ministre des Affaires étrangères Maria Zakharova.

» L’agence de presse a écrit mardi qu’“il n’y a aucune preuve d’une implication de l’Ukraine, selon quatre personnes ayant des liens étroits avec le Kremlin”.

» Il a affirmé que Poutine était présent aux discussions “au cours desquelles les responsables ont convenu” qu’il n’y avait aucun lien avec Kiev, mais “reste déterminé à utiliser la tragédie pour tenter de rallier les Russes derrière la guerre en Ukraine”. Bloomberg a cité comme source “une personne connaissant la situation, demandant à ne pas être identifiée”.

» Zakharova a fustigé le reportage, écrivant mardi sur Telegram : “Un chef-d’œuvre des news. Juste la mère de tous les FakeNews”. »

Même les meilleurs se perdent...

Il ya donc bien entendu polémique, arguments et contre-arguments, accusations, etcv., avec un seul enjeu : l’Ukraine a-t-elle trempé, – même le bout du petit doigt de pied, –  dans cette affaire... Car si oui, c’est un argument évident pour envisager des actions extrêmement sévère, – comme Trenine le dit et le redit.

Une plaidoirie somme toute très étonnante à cet égard, contredisant complètement la thèse russe, est venu d’un commentateur que les chasseurs de sorcière classent systématiquement et férocement dabns le camp pro-russe Eric Denécé, du Cf2R, allumé d’une façon abracadesquement incroyable par les sabots cloutés des flics de Wikipédia-section française (la plus zélées de toutes les collabos du régime-Wiki). Denécé était interrogé par Régis de Castelnau, sur son programme ‘Le monde qui change’.

Denécé a désigné d’une façon très appuyé le Tadjikistan comme source et inspirateur de l’attaque, en reléguant très loin l’hypothèse d’une connexion quelconque avec l’Ukraine :

« Tout indique que les terroristes se sont préparés en Asie Centrale et à Moscou... Peut-être sont-ils passés  par un autre pays, pourquoi pas l’Ukraine, mais on n’a aucun élément à ce sujet... »

Ensuite, il s’est largement explicité en mettant en cause ce qui est pour lui une faute intellectuelle majeure de Poutine, qui est pourtant comme on le lit un personnage pour lequel il a une très grande considération. L’argumentation est assez curieusement bancale, en partant du présupposé implacable que son analyse est la bonne :

« Le discours de Poutine comparant ces atrocités à celles des nazis et accusant l’Ukraine me paraît à la fois infondé, très rapide et totalement contre-productif... Parce que ça va relancer la propagande occidentale qui ne cesse de dire depuis  le début que Poutine ne cesse de dire des bêtises, or le discours de Poutine depuis deux ans, et même on peut remonter à 2007, et même aux années précédentes est un discours très sensé... Il prévient, il dit ce qu’il va faire, il demande à négocier en permanence, il avait tendu la main à l’Europe, à l’OTABN, et voilà ... Malheureusement, en se comportant comme ça, sauf élément contraire, il me semble qu’il commet une erreur .. »

L’argumentation est étonnante, au milieu de tant d’hommages distribués à Poutine pour aboutir à cette chute soudaine dans l’incompétence la plus complète. Relevons simplement ceci :

• C’est vrai, tout le monde, dans nos resplendissantes démocraties, traine Poutine dabs la boue dans ses mensonges depuis, – oh, au moins 2007, et même avant n’est-ce pas ?

• Et voilà, juge Denécé, qu’il « commet une erreur » qui va « relancer la propagande occidentale »...

• Mais quoi, mais quoi... Pourquoi dire “(re)lancer” puisque cette propagande se poursuit sans arrêt depuis 2007 et même avant, qu’elle ne s’est jamais arrêtée, et qu’elle ne s’arrêterait pas même si Poutine s’écriait “L’Ukraine n’y est pour rien, l’Ukraine n’y est pour rien !” ? C’est presque de la naïveté à laquelle nous conduit le fait de ne pas avoir assez recours à cette arme absolue dans ce monde des menteurs qui vous contraignent, – à l’inconnaissance. Même les meilleurs se perdent.

Castelnau n’avait pas l’air particulièrement, ni satisfait, ni à son aise ; il tenta bien d’apporter une contradiction évidente, puis l’on passa à autre chose... Nous, nous avions vu à l’œuvre, une fois de plus, non pas un propagandiste anti-Poutine, mais un brillant spécialiste constamment attaqué pour son brio qui rend en général à Poutine l’hommage du à Poutine et qui, cette fois, se disait qu’il pouvait choquer un peu le foc pour ne pas trop faire giter (ni avancer trop vite) le beau voilier qui fait son travail.

... Car effectivement, comme le bruit en court partout, la France, ce prototype du pays inventeur de la liberté, est le plus soumis à une constante pression du Système pour éructer le simulacre conforme dans une sorte d’orgie de servilité, d’ivresse de soumission... Enfin, une péripétie parmi d’autres, car le sentiment général, chez les dissidents en France (il y en a tout de même, vous savez) et partout dans le reste de l’Occident-compulsif, et qu’il y a, quelque part dans cette affaire, une petite touche ukrainienne, ici ou là, mais enfin quelque chose qui y mène droit comme un peuplier. Ce n’était qu’une péripétie que nous interprétons à notre façon, en toute responsabilité de notre irresponsabilité et de notre absence de sources absolument sûres, et elle ne changera rien sur la marche des choses, mais elle fixe bien le climat qu’appelle notre intuition. C’est bien cela qui nous importe.

« Russia is at war », compris ?!

En effet, les réactions ont été partout unanimes : du côté des anti-Poutine, le simulacre d’ISIS remonté des sables vers les pays-Stan pour attaquer la Russie, sans le moindre contact avec l’Ukraine ; ou plus simplement, plus évidemment, plus éclatant qu’une lumière de mille soleils, les Russes faisant eux-mêmes leur  “falseglag” et exécutant cet attentat contre eux-mêmes, exactement comme, il y a trois ans, ils faisaient eux-mêmes sauter ‘NordStram’.

(Bon, c’est vrai qu’on vient d’achever une sorte d’enquête où l’on vous dit que l’instigateur est le général Zaloujni, récemment limogé par l’élégant Zelenski, mais il ne faut pas s’arrêter à cette sorte de choses car les services de renseignement, les frères CIA-MI6, viennent de mettre à jour un manuscrit oublié de la Mer Morte avec cette inscription : “les chiens aboient, la caravane passe”.)

De l’autre côté, du côté des dissidents, c’est comme d’habitude la ruée plus ou moins mesurée selon les tempéraments vers des analyses qui reposent toutes, plus ou moins confortablement sur l’hypothèse ukrainienne plus ou moins bien aménagée (Pépé Escobar, Larry S. Johnson, Alexander Mercouris, Jacques Baud, Xavier Moreau, le cinéaste Regis Tremblay qui dit des choses intéressantes, etc.) et passant en général par la mise en cause des pistes ISIS-djihadistes considérées en tant que telles et à l’exclusion de tout autre chose.

Mais tout cela, finalement, n’a qu’une importance assez mineure. L’événement a commencé avant l’attentat de Moscou, et curieusement par le biais de porte-paroles que l’on connaît bien maintenant. Quelle que soit l’origine de l’attentat, quels qu’en soient les auteurs, notre appréciation est qu’il faut nécessairement faire entrer l’attaque dans le cadre ukrainien, qui est passé du stade de l’‘Opération Militaire Spéciale’ à celui de guerre tout court.

« Les mots et les phrases du prudentissime Dimitri Pechkov, porte-parole de Poutine souvent accusé de mollesse pro-occidentaliste, sont en elles-mêmes, hors même de leur contenu, une indication, du “climat”. Lorsque Pechkov dit « Nous sommes en guerre », alors qu’il n’était question jusqu’ici que d’une OMS, il se passe quelque chose de grave qui vient de la bouche de Poutine et de sa direction. Ce que Pechkov fit hier matin, notamment sous le titre martial de RT.com “Russia is at war” :

» “Pechkov a souligné que la Russie ne pouvait pas permettre l'existence à ses frontières d'un État qui affirme publiquement qu'il s'emparera de la péninsule de Crimée ainsi que des nouveaux territoires russes, à savoir les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et les régions de Zaporozhye et de Kherson.

» “Nous sommes en guerre“, a déclaré Pechkov, expliquant que si le conflit a commencé comme une opération militaire spéciale, dès que “l'Occident collectif y a participé aux côtés de l'Ukraine, pour nous, c'est devenu une guerre”. »

C’est dans ce contexte, renforcé par les déclarations de l’autre porte-parole, Maria Zakharova, pour laquelle ce sont surtout les USA qui ont trempé dans cette affaire (Larry S. Johnson pense de même, avec un luxe de détails et d’appréciations d’anciens officier de la CIA impliqué dans le contre-terrorisme), que  nous nous déplaçons. Ainsi évolue le sentiment général, et c’est bien ce qui importe plus que tout. La recherche d’une vérité “scientifique” dans un tel climat n’a guère d’intérêt ; ce qui importe, c’est le rôle que cette attaque joue dans la situation générale, qui est une situation se guerre, – et ce mot si terrible dit pare cet homme si prudent qu’est Dimitri Pechkov.

Aussi, le jugement d’un commentateur relativement peu connu, très peu impliqué dans les habituelles polémiques, les parades des commentateurs, les roucoulades des experts, – a finalement plus de force, plus de simplicité brutale, plus de vérité irrésistible que tous nos débats sans fin, sans conclusion, sans rien du tout... Nous pensons à ce Régis Tremblay, documentariste de nationalité américaine vendu s’installer, que ‘SputnikNews’ a interrogé, qui répond :

« Je pense que la plupart des Russes ont été choqués... Il y a un sentiment de colère chez beaucoup de Russes, et à juste titre. Il s’agit d’une attaque horrible qui survient à un moment où les Russes commencent à réaliser qu’il s’agit d’une guerre contre la Russie et contre son avenir...

» Les Russes ont de plus en plus le sentiment, je pense, qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre l’Ukraine... La vaste population commence à réaliser qu’il s’agit d’une guerre des États-Unis et de leurs vassaux en Europe contre la Russie, déterminés à détruire la Fédération de Russie. »

Nous aussi, nous avons parlé en même temps de l’attaque de Moscou et de l’Ukraine, plutôt que d’y mêler ISIS et le Tadjikistan. Factuellement, c’est peut-être, sans doute, oui pourquoi pas ? – hautement contestable. Mais nous parlons, nous, de vérité-de-situation.

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