[...] A l’école, nous avons tous appris que Jeanne d’Arc est née le 6 janvier 1412 à Domrémy, village aujourd’hui en Lorraine, qu’elle était la fille d’un pauvre laboureur, qu’elle ne savait ni lire ni écrire. Un jour, alors qu’elle gardait les moutons, elle entendit des voix célestes. Celles-ci lui ont commandé d’aller voir le roi de France et de prendre la tête de son armée. Jeanne, simple bergère, est alors allée à Chinon, où elle a révélé son secret au Dauphin. Puis, elle a libéré Orléans, conduit Charles à son sacre à Reims et « bouté » les Anglais hors de France. Mais elle fut ensuite trahie, capturée et vendue aux Anglais. Condamnée au bûcher, elle fut brûlée vive sur la Place du Vieux-Marché à Rouen, le mercredi 30 mai 1431. Jeanne n’avait alors que 19 ans.
Voilà la version officielle de l’Histoire de France. Mais elle n’est pas vraisemblable. Et si tout était faux ? Si Jeanne n’était pas née à Domrémy ? Si elle n’était pas morte à Rouen sur un bûcher ? Mais alors, qui était cette femme du Moyen-âge qui a osé briser tous les tabous de son temps, qui s’habillait en homme, qui montait à cheval et qui faisait la guerre ? A quoi ressemblait-elle ? Quelle langue parlait-elle ? Qu’est-elle devenue après le bûcher ?
Pour répondre à ces questions, il faut mener une enquête longue et minutieuse. Il faut mettre ses pas dans ceux de Jeanne, interroger les témoins de l’époque et relire ses deux procès, à savoir le procès de condamnation et le procès en nullité de condamnation. Il faut également examiner les documents officiels, lire ses lettres, lire les chroniques de l’époque et les livres de comptes des villes et des forteresses du XVème siècle marquées par la Guerre de Cent Ans.
Au terme de cette enquête, où il a fallu démêler le vrai du faux, la bergère de Domrémy nous apparaît bien différente. Petite, brune, cette femme au caractère bien trempé a mené de main de maître la mission qu’une autre grande dame, la reine Yolande d’Anjou, a conçue pour elle. Jeanne n’est pas née à Domrémy, elle n’a pas été brûlée à Rouen. Elle est morte en Lorraine et a été enterrée dans la petite église de Pulligny-sur-Madon, près de Nancy.
Certes, Jeanne a bel et bien existé. Il y a beaucoup trop de témoignages de l’époque, trop de documents incontestables et incontestés pour remettre en cause l’existence même de la Pucelle. Mais il s’agit selon Marcel Gay de « la plus grande opération de services secrets de tous les temps ». Un stratagème inédit élaboré par Yolande, la belle-mère du roi de France, pour sauver le royaume. Un stratagème exécuté de main de maître par une gamine hors du commun, Jeanne.
Le journaliste ne remet pas non plus en cause la virginité de Jeanne. Celle-ci a en effet été vérifiée par Yolande en mars 1429 à Poitiers, mais aussi par Anne de Belfort en 1430 à Rouen. Après l’épisode du bûcher, Jeanne s’est mariée avec le chevalier Robert des Armoises. Mais elle n’a pas eu d’enfant.
Reine des Quatre Royaumes, Yolande d’Anjou était l’une femmes les plus intelligentes et éclairées de son temps. C’est elle qui éleva à Angers le futur roi de France, Charles, et qui le maria à sa fille Marie quand il n’était encore que le Dauphin. Elle monta cette opération diplomatique en 1420 après la signature du Traité de Troyes. Deux rois de droit divin prétendaient alors au royaume de France, un Anglais et un Français. Leur généalogie leur accordait les mêmes droits. Dès lors, seul Dieu pouvait trancher. Sa parole devait être transmise. Ce fut l’idée géniale de Yolande. Et deux ans plus tard, comme par hasard, Jeanne entendit des voix célestes. Des prophéties commencèrent alors à circuler dans tout le royaume de France. Elles annonçaient l’arrivée d’une vierge qui viendrait le sauver …
Marcel Gay ne croit pas que Jeanne était bergère. Elle n’aurait en effet jamais eu le droit de monter à cheval et de porter une épée. Elle était une excellente cavalière et parlait de même un bon français, signe d’éducation. Elle n’était donc en aucune manière illettrée. Le journaliste d’investigation émet également l’hypothèse qu’elle était princesse d’Orléans, fille de Louis d’Orléans et de la reine Isabeau de Bavière, née à Paris à l’Hôtel Berbète. La chronique du religieux de Saint-Denis mentionne que le douzième enfant de la reine est né le 10 novembre 1407, qu’il est mort le jour même et enterré à Saint-Denis. Cependant, en y regardant de plus près, on remarque que le papier a été fabriqué cinquante ans plus tard. Par ailleurs, selon les registres de la ville, aucun enfant n’a été enterré ce jour-là à Saint-Denis. Dans les versions ultérieures de son Histoire de France, Claude Villaret n’appelle plus cet enfant Philippe, mais Jeanne.
Après avoir sauvé le royaume de France des Anglais, Jeanne tomba dans l’oubli pendant des siècles. Elle fut comme par hasard ressuscitée en 1871 après à la défaite face à la Prusse. La France se retrouvait en effet dans une situation similaire au XVème siècle suite à la proclamation de l’Empire Allemand dans la galerie des glaces du Château de Versailles. Paris avait besoin d’un symbole, d’un mythe fondateur et rassembleur. Jeanne, la fameuse bonne bergère lorraine, était toute désignée. L’Alsace et une partie de la Lorraine venaient en effet d’être annexées. Cela permettait par la même occasion au pouvoir central français d’enterrer le sentiment lorrain et de faire oublier l’indépendance, encore récente, de la Lorraine jusqu’en 1766.
Jeanne a été popularisée dans toute la France et dans le monde entier. Au Japon, elle incarne l’esprit des anciens Samouraïs. Ailleurs, on voit en elle les valeurs de courage, d’abnégation et de foi inébranlable. De leur côté, les Anglais affirment qui ne l’ont pas brûlée. A raison car le Tribunal de Rouen était de toute manière composé uniquement de juges français.
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