26 mai 2023

Grâce à sa lourde bureaucratie, l’hôpital dépense beaucoup plus et soigne moins bien


Bien inspirée parfois, la Cour des Comptes a décidé de rendre plus tôt dans l’année son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette somme comptable donne toujours des indications tout à fait éclairante sur la réalité de la “protection” que notre papa État nous apporte contre les risques sociaux, par-delà les fantasmes qui agitent les esprits sur un prétendu désengagement de l’État en faveur de la santé, ou sur d’imaginaires actions néfastes du néo-libéralisme qui nuiraient au bien commun. En réalité, depuis 2019, les dépenses de santé ont augmenté de 25%… sans qu’on sache très bien pourquoi. La bureaucratie pléthorique que les hôpitaux ont recrutée pour remplir les innombrables tableaux Excel demandés par l’avenue Ségur est désormais hors de contrôle. Et la qualité des soins est en baisse manifeste. Preuve est faite, s’il fallait encore la faire, que le problème de la santé en France n’est pas un problème de moyens, mais d’organisation et de suffocation bureaucratique.

La ritournelle est bien connue : “l’hôpital manque de moyens”. Augmentons-les et tout ira mieux. Voilà le refrain de toutes les bureaucraties du monde (et de tous les hamsters dans leur roue!), toujours avides de primes, de créations de postes, puis de réglementations nouvelles appelant de nouvelles procédures qui demandent à leur tour plus de bureaucrates toujours plus débordés. Heureusement, quand la Cour des Comptes n’est pas occupée à plaider en faveur de futures famines (avec mode d’emploi intégré), elle met un peu d’ordre dans les délires bureaucratiques et elle rétablit quelques vérités fondamentales.

L’explosion des dépenses de santé en France depuis 2019

Comme le montre le graphique ci-dessus, tiré du rapport de la Cour des Comptes dont nous parlons, les dépenses de santé sont passée de 200 milliards en 2019 à 247 milliards en 2022. Soit une augmentation de près de 25%. C’est le COVID, me direz-vous ! Partiellement, seulement. La Cour des Comptes considère que, hors Ségur de la Santé et hors COVID, l’augmentation des dépenses est de près de 23 milliards, soit 11% depuis 2019. Soit pratiquement près de 4% par an.

Les amoureux de la planche à billets trouveront toujours que ce n’est pas assez. Qu’il en faudrait encore plus. Dans tous les cas, ce petit rappel comptable souligne, s’il le fallait, que les affirmations péremptoires sur “un désengagement de l’État”, si fréquentes à gauche, ne reposent sur aucune réalité sérieuse. Même sans COVID, les dépenses de santé ont connu une vraie dynamique. Et, si on leur ajoute les investissements du Ségur de la santé (dont on rappelle qu’il a parlé de tout sauf de l’énorme problème bureaucratique qui plombe l’hôpital), et les dépenses nouvelles prétendument occasionnées par le COVID, on peut dire que le contribuable a mouillé la chemise pour mettre les dépenses de santé à un niveau important.
L’activité des hôpitaux a baissé

Dans le même temps, la Cour remarque que les hôpitaux ont globalement moins fonctionné depuis 2019. Là aussi, on nous répète à l’envi que l’hôpital est débordé, qu’il est au bord de la rupture. La réalité est tout autre : les hôpitaux sont moins fréquentés depuis 2019, malgré une explosion des dépenses. Là encore, les chiffres de la Cour des Comptes sont sans appel :

Comme on le voit dans ce rapport que je cite précisément (page 102…), en 2022, l’activité hospitalière recule de 0,3% par rapport à 2021, de 4% par rapport en 2019. Ces baisses d’activités n’ont donné lieu à aucune économie. Au contraire, les dépenses ont augmenté, notamment grâce aux “garanties de financement”.

Je veux bien qu’il existe des esprits têtus qui nient farouchement les réalités. Mais la Cour des Comptes leur donne pourtant tous les arguments pour ouvrir les yeux. Ainsi :

Comme on le voit, l’activité des hôpitaux à Paris est en baisse globale. Ce chiffre est difficile à cerner parce qu’il résulte d’une contraction entre la baisse des hospitalisations complètes et la hausse des opérations en ambulatoire. Dans la pratique, l’ensemble montre que, sur toute la France, l’hospitalisation complète a vu son volume baisser de près de 7%, quand l’activité ambulatoire augmentait de 10,5%. Globalement, le solde de ces évolutions se traduit par une baisse d’activité de 1,8% entre 2019 et 2021, qui devrait se confirmer dans les années à venir.

Autrement dit, l’hôpital a dépensé beaucoup plus, mais il a moins soigné.

Très forte hausse des salaires

Dans cet ensemble qui contredit l’image d’Épinal selon laquelle les hôpitaux seraient sous pression (en dehors des urgences), il faut souligner qu’une part importante de la hausse des dépenses provient des très fortes augmentations salariales, là encore éloignées du lamento habituel sur l’abandon dont l’hôpital serait la victime. La Cour des Comptes documente parfaitement ce sujet (page 101) :

Bien évidemment, on félicite les personnels hospitaliers pour leur augmentation de salaire de 10 milliards € annuels. Elle est probablement justifiée. Mais elle infirme la théorie selon laquelle, là encore, l’hôpital public serait privé de moyens et soumis au régime sec. Au passage, le gouvernement, dans sa mansuétude, n’a pas examiné le régime des congés en vigueur à l’hôpital.

Cette stratégie très favorable ne s’est par ailleurs accompagnée d’aucune demande claire en matière d’amélioration de la productivité. Malgré cela, les hôpitaux ont boudé leur plaisir : comme la Cour l’indique, des établissements ont estimé que la “compensation salariale” était insuffisante… Nous retrouvons ici le gouffre sans fond bien connu de la fonction publique, où il faut en donner toujours plus en en demandant toujours moins.

Bref, l’activité des hôpitaux a diminué, les salaires ont augmenté, mais il faudrait aller encore plus loin…
Plus personne ne sait où va l’argent

On doit à la Cour des Comptes la bonne idée de s’être interrogée sur les remontées d’informations venant des hôpitaux. Selon son rapport, le plus grand désordre règne dans la tenue administrative de ces établissements, qui traînent les pieds pour renseigner les outils nationaux.

Pourtant les fonctionnaires administratifs n’y manquent pas. Mais le rapport de la Cour est sans appel :

Autrement dit, malgré une bureaucratie pléthorique chargée d’établir une comptabilité précise sur ce qui se passe dans les hôpitaux, leur situation financière est plus qu’opaque. La Cour des Comptes adorerait que le boulot de gestion administrative soit fait en temps et en heure.

Bref, les salaires ont augmenté, les dépenses ont augmenté, l’activité est en baisse, et les comptes ne sont pas bien tenus. Triste état d’un service public à la dérive, où les responsabilités ne semblent jamais analysées. 

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/26/grace-a-sa-lourde-bureaucratie-lhopital-depense-beaucoup-plus-et-soigne-moins-bien/

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