30 mai 2022

Rien n’arrête la tempête, rien !

Coup d’œil circulaire sur le bordel globalisé.

Pour ‘Ukrasis’, puisqu’il semble que l’armée russe réduite en bouillie enchaîne les victoires, “experts” et scribouillards du Système s’emploient à expliquer que l’histoire des bataille n’est qu’une suite de cancellations. Leur “vérité-de-simulacre” commence à céder du grand terrain à l’irrésistible “vérité-de-situation”. Plus à l’Est où l’on annonce du nouveau, Russes et Chinois observent la naissance de l’“OTAN global”. Dans cette mêlée Est-Ouest, Zelenski crée son meilleur rôle : “fatigue-Zélenski”, Grand Prix du Jury.

La situation actuelle de la GrandeCrise  est pleine de paradoxes et de contradictions, ce qui est d’ailleurs un caractère logique d’un événement métahistorique qui prend en compte toutes les tensions et les antagonismes essentiels du monde et les arrange selon son dessein propre pour obtenir des effets hors de nos capacités de prospective. Cela est d’autant plus logique que le principal acteur de cet immense désordre crisique, – les USA et sa troupes de mulets du bloc-BAO qui suit, – est plongé dans un délire et une dérive de puissance en cours d’effondrement, avec une psychologie plus irrémédiablement marquée que jamais par un hubris devenu une pathologie inguérissable et irrémédiablement conduite vers sa mort.

Plusieurs considérations réduites à deux tendances générales nous conduisent à ces remarques radicales :

• L’Ukrisis elle-même qui met de plus en plus en évidence la débâcle complète du camp otanien, qui alimente sa propre crise en alimentant le désastre de l’Ukraine derrière un simulacre de communication-mésinformation qui commence à se fissurer de toutes parts.

• La situation en Asie, où il s’avère que la Russie et la Chine, soutenues de facto par de nombreux autres pays  hors-BAO, apparaissent décidés à s’opposer fermement à l’extension du bellicisme occidental (une “OTAN globale”), désormais sans craindre un conflit, voire le jugeant comme inéluctable.

Nous nous appuyons notamment sur un texte de M.K. Bhadrakumar qui insiste bien entendu sur les développements qu’il identifie en Asie, mais en tenant compte fondamentalement du “modèle ukrainien”. Comme dit élégamment le secrétaire d’État Blinken à propos de l’organisation-BAO mise en place « contrer la Russie en Ukraine » : c’est « un modèle à la fois agile et doté de ressources suffisantes pour faire face aux futurs défis de la Chine ». Il s’agit donc bien du “modèle ukrainien”, destiné à rester l’une des plus scintillantes pépites de communication de l’administration Biden, et dont la principale vertu est d’avoir cimenté l’alliance sino-russe comme le montre Bhadrakumar en signalent un veto commun (en général, la Chine préférait une abstention à côté du veto russe) des deux puissances au Conseil de Sécurité de l’ONU.

« La Russie et la Chine ont abandonné l’espoir d’une quelconque modération dans l’esprit de confrontation des États-Unis. Le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, a déclaré aujourd'hui [27 mai] : "L'Occident a déclaré une guerre totale contre nous, contre l'ensemble du monde russe. Personne ne peut même plus cacher ce fait”. Pour la première fois depuis 2006, la Russie et la Chine ont opposé jeudi leur veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies rédigée par les États-Unis et visant à renforcer les sanctions contre la Corée du Nord.

» Dans un discours prononcé mardi à l’université de Georgetown, intitulé “The Administration’s Approach to the People’s Republic of China” et destiné à rallier la communauté internationale pour dissuader et contrer la Chine, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré que la coalition mise en place par Washington pour contrer la Russie en Ukraine constitue un modèle à la fois agile et doté de ressources suffisantes pour faire face aux futurs défis de la Chine. »

Ukrisis et leur “vérité-de-simulacre”

Quelles que soient la situation et les cahots sur le terrain en Ukraine, le front de la communication qui est, disons, leur “vérité-de-simulacre”, restait jusqu’alors imperturbable, fermement appuyé sur l’héroïsme ukrainien et victorieux, balayant les hordes russes qui n’ont toujours pas appris l’“art de la guerre”. Désormais, les digues commencent à céder devant la force de la réalité, c’est-à-dire du terrain, et il n’y a guère de nuances qui pourraient atténuer la violence psychologique de ces “fuites” faisant passer le maniaco-dépressif d’un épisode l’autre.

Quelques articles commencent à paraître dans les fissures du simulacre, et sont aussitôt passés au peigne fin des critiques dissidents (voir Caitline Johnstone sur un article du Washington ‘Post’, John Walsh sur le New York ‘Times’ qui appelle à la raison de la recherche d’une négociation). Larry C. Johnson étudie avec minutie les différents “traitements” que choisit la presseSystème, comme autant de neuroleptiques pour tenter de sortir sans trop de dommages de son épisode maniaque. Le Pentagone ne les aide guère :

« Le département américain de la défense a maintenu lors d'un point de presse vendredi que la Russie continue de faire des “gains progressifs” dans le Donbass. » (CNN)

L’arrangement du simulacre produit d’étranges effets amplificateurs. Marioupol est un bon exemple. La ville était aux mains des Russes, et déclarée comme telle le 20 avril. Restaient les derniers combattants (dont les gens d’‘Azov’) dans les sous-sols du  monstrueux complexe de ferraille soviétique d’Azovstal. Poutine donna l’ordre de tout boucler et d’attendre leur reddition, pour éviter les pertes. La période jusqu’au 20 mai (leur reddition) devint alors une sorte de ‘fantasy’ héroïque et évidemment hollywoodienne où il sembla que ces survivants suffiraient à eux seuls à faire trembler le monde et sauveraient le simulacre. Ce petit mois, ce fut le paroxysme de l’épisode maniaque ; puis les restes des zombies-‘Azov’ sortirent de leur trou.

Ce fut un étrange “événement”, comme ces événement que nous disons animés d’une “souveraineté spirituelle” . Terminée depuis un mois et pourtant suspendue dans le simulacre comme un possible formidable renversement de fortune la bataille de Marioupol devint une terrible défaite, pour des survivants sans gloire et chargés de poussières et de bandage crasseux appliqués sur des blessures souterraines. Inévitablement pour ceux qui connaissent la pathologie, cela fit plonger toute la corporation des simulacreurs de l’épisode maniaque à la dépression. Désormais, la narrative tatillonne, “convient que...”, fait la raisonneuse, pour nous expliquer que les choses ne vont plus vraiment “très-très  bien” mais tout de même pas pas encore “tout à fait très-très mal”. Quant à la direction ukrainienne, elle argumente durement, comme si elle avait tourné contre ses alliés agioteurs de ces armements tant désirés, ses formidables lance-roquettes mobiles qu’elle réclame à grands cris :

« “Allez vous faire foutre avec de telles propositions, bande de foutus connards, pour brader un peu de territoire ukrainien ! Vous êtes des enculés de dingues, non ? Nos enfants meurent, nos soldats arrêtent des obus avec leur propre corps, et ils nous disent comment sacrifier nos territoires. Jamais, vous entendez, jamais !”, [hurle le très-médiatique conseiller de Zelenski, Alexei Arestovitch], dans une interview mercredi. »

Bref, ce n’est pas vraiment ‘Les sentiers de la gloire’, ni même du Péguy saluant, par la prémonition de son sacrifice de septembre 14 nous laissant son sublime quatrain, ceux de Verdun, – car voyez-vous, l’on a les guerres qu’on peut...

« Mère, voici vos fils qui se sont tant battus,

» Qu’ils ne soient point jugés sur leur seule misère.

» Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre

» Qui les a tant perdus et qu'ils ont tant aimée. »

Ainsi les “vérités-de-simulacre” parviennent parfois à rencontrer de ces choses que l’on nomme ‘vérité-de-situation’.

En Asie, on fait “menace commune”

Si l’on change de continent tout en restant en Eurasie, la ‘HeartLand’ chère à Sir Halford John Mackinder, le paysage se modifie grandement. Le paysage, c’est d’abord une insolite patrouille stratégique de Tu-95MS russe volant ailes dans ailes avec des H-6K chinois. Comme l’écrit l’indispensable et toujours flegmatiquement ironique M.K. Bhadrakumar :

« La patrouille aérienne conjointe au-dessus des eaux de la mer du Japon et de la mer de Chine orientale lundi par une force opérationnelle aérienne composée de Tu-95MS russes capables de transporter des armes nucléaires et de bombardiers stratégiques chinois H-6K ne pouvait pas être une réaction instinctive à la tournée asiatique du président américain Joe Biden, sans parler de ses remarques provocatrices évoquant une guerre apocalyptique entre les États-Unis et la Chine au sujet de Taïwan.

» Le porte-parole du ministère chinois de la Défense, le colonel principal Wu Qian, a souligné qu'il s'agissait de la quatrième patrouille stratégique menée conjointement par la Russie et la Chine depuis 2019, dans le but de tester et d'améliorer le niveau de coordination entre les deux forces aériennes, et de promouvoir la confiance mutuelle stratégique et la coopération pratique entre les deux armées. Comme il l'a dit, cette opération ne vise aucune tierce partie et n'a rien à voir avec la situation internationale et régionale actuelle”.

» Cela dit, les perceptions comptent dans les postures stratégiques... [...]

» Quelle que soit la façon de voir les choses, l'opération de lundi a montré un niveau très élevé de coopération militaire entre la Chine et la Russie à un moment où les deux pays sont confrontés à de nouvelles provocations et à une pression accrue de la part des États-Unis... »

Cette démonstration sino-russe est d’abord, pour Bhadrakumar, un “commentaire” de la réunion du QUAD (USA-Inde-Japon-Australie) à la suite de laquelle les Japonais se sont montrés particulièrement hostiles à l’encontre de la Chine, mais aussi de la Russie lorsqu’ils recommencent à parler des Kouriles comme des îles “occupées” (par la Russie). Mais surtout, il s’agit des États-Unis et de l’OTAN.

La Chine a montré par cette opération de communication et par des déclarations où la lecture entre les lignes est impérative, où se situait décisivement sa position. Bhadrakumar juge que ces diverses circonstances montrent que la Chine s’engage de plus en plus en soutien de la Russie dans l’opération en Ukraine. Elle se fiche notablement des observations “menaçantes” d’avril, lorsque la von der Leyen indiquait à des dirigeants chinois, au cours  d’une vidéoconférence « très franche et ouverte », que la Chine « risque de porter atteinte à sa réputation dans le monde occidental » en continuant à ne pas condamner la Russie.

Quant aux Russes, ils sont désormais très présents pour dénoncer, avec la Chine, les projets d’expansion de l’OTAN vers l’Asie (“l’OTAN globale”). Sur ce point, les deux “partenaires stratégiques” sont sur le même ligne d’une sorte de “défense offensive“, face à la poussée délirante des USA qui ne cessent d’établir de nouveaux fronts, à partir d’un front central (Ukrisis) qui fait eau de toutes parts. A cet égard, les USA restent plus que jamais la “nation exceptionnelle” qui foncent à la vitesse d’un iceberg nommé ‘Titanic’, sur un monstre nommé ‘Titanic’, en panne et en train de sombrer. D’où les avertissements russo-sinois...

« ...Moscou et Pékin mettent leurs chariots en cercle, pour ainsi dire, en Extrême-Orient également. De toute évidence, le conflit ukrainien n'empêche pas les États-Unis de poursuivre l'expansion de l'OTAN et tout porte à croire que la prochaine “ligne de défense” de l'alliance sera déplacée vers la mer de Chine méridionale. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a souligné jeudi que des politiciens occidentaux belliqueux déclarent publiquement que l'alliance devrait avoir une responsabilité mondiale et que l'OTAN devrait être responsable de la sécurité dans la région du Pacifique. Moscou et Pékin ne peuvent être blâmés s'ils anticipent que des décisions majeures à cet égard sont attendues lors du prochain sommet de l'OTAN qui se tiendra à Madrid du 28 au 30 juin.

» Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré jeudi que “l’OTAN a déclaré publiquement à de nombreuses occasions qu'elle resterait une alliance régionale, qu'elle ne cherchait pas à réaliser une percée géopolitique et qu'elle ne cherchait pas à s'étendre à d'autres régions. Cependant, ces dernières années, l'OTAN a pénétré à plusieurs reprises dans la région Asie-Pacifique. Certains États membres de l'OTAN continuent d’envoyer des avions et des navires de guerre pour effectuer des exercices militaires dans les eaux au large de la Chine, ce qui crée des tensions et des différends. L'OTAN transgresse les régions et les domaines et réclame une nouvelle guerre froide de confrontation entre blocs. Cela justifie amplement une grande vigilance et une opposition ferme de la part de la communauté internationale”. »

 Zelenski, Palme d’Or

Pendant ce temps et du côté de l’écran de la caverne de Platon, Zelenski poursuit sa cavalcade toutes voiles dehors, faisant voler insultes et exigences avec une égale alacrité. Dans cet immense théâtre global qu’est l’événement Ukrisis, il importe de lui attribuer un Grand Orix Spécial du Jury pour son interprétation.

Il commence à y avoir dans les rangs bêlants du bloc-BAO une sorte de “fatigue-Zélenski” due au comportement du susdit. Zelenski évolue, fulmine, enrage, fustige comme s’il était l’Empereur incontestable du reste du monde, sous l’aile protectrice de l’aigle américaniste dont la devise du « In God We Trust » semble avoir été prise par lui-même (Zelenski), au pied de la Lettre Majuscule et pour son propre compte. Pour l’instant convaincu par l’aigle-Biden que l’OTAN a comme l’on voit ci-dessus d’autres os à ronger qui sont d’ordre global, et que donc ce sont les Européens les responsables, il a mis, Zelenski, l’UE dans son collimateur.

A l’élégant Premier ministre hollandais Mark Rutte, il dit, encore aimable :

« “Je lui ai dit très ouvertement : Si vous pensez qu'il n'y a pas de place pour nous dans l'UE, alors vous devriez le dire clairement", a déclaré Zelenski à NOS. “Vous nous aidez vraiment et je vous en suis très reconnaissant”, se souvient-il avoir dit à Rutte, “mais en ce qui concerne l'UE, vous êtes resté silencieux sur toutes les choses que nous voulions entendre”.

» “L'adhésion à l'UE est un signe de force dans la lutte que nous menons contre la Russie chez nous”, a-t-il déclaré. »

Il est, Zelenski, très mécontents des ministres français et allemand des affaires étrangères qui prévoient l’accession éventuelle de son Ukraine à l’UE dans un temps qui se calcule « en années pas en mois » (l’Allemande), pour « dans 15 ou 20 ans » (le Français).

Enfin, lorsqu’il est confronté à la question de la corruption dans son pays, qui est l’un des principaux obstacles à son chemin vers l’entrée dans l’UE, il devient tranchant, cassant, sans réplique, parlant comme s’il était la seul source acceptable de référence, et qu’il en disposait selon son bon plaisir et son emploi du temps chargé, et conformément à une logique dont il a seul la clef :

« Les antécédents de l'Ukraine en matière de corruption sont considérés comme un obstacle majeur à son adhésion à l'UE. Le pays est classé comme le plus corrompu d'Europe et l'un des plus corrompus au monde.

» S’adressant à NOS, Zelensky, dont les Panama Papers ont révélé qu'il possédait, avec des membres clés de son cercle intime, un vaste réseau d'actifs et de propriétés offshore, a rejeté ces préoccupations.

» “Comment savez-vous qu'il y a de la corruption en Ukraine ?” a-t-il demandé à l'intervieweuse Marielle Tweebeeke. “Est-ce que vous vivez ici ?” Confronté au fait que ces allégations de corruption ont été explicitées dans des “rapports officiels”, Zelenski a répliqué : “Qu'est-ce qui les rend officiels ?”

» “Oui, il y a des problèmes”, a concédé Zelenski. “Vous en avez dans de nombreux pays. Ils existent également dans de nombreux pays de l'UE. Il y a des réformes que nous devons et voulons encore mettre en œuvre.” »

Il reste que Zelenski est un bon acteur de série B, même de série A-prime. Il est un remarquable transformateur de tragédie en tragédie-bouffe, – complètement homme de son temps, mi-zombie, mi-marionnette, mi-simulacre, mi-ni-Hitler (les fameux “quatre tiers” de Marius).

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