19 mai 2019

Sortir de la ceinture de Van Alen : une gageure !



L’envoi du satellite Explorer 1 en février 1958 par les Américains a permis aux scientifiques de comprendre l’importance des radiations émises dans l’espace, la Terre étant protégée par les ceintures de Van Allen. La découverte de la nocivité des radiations dans les années 1930 a obligé, dès les premiers voyages orbitaux, les agences spatiales américaines et soviétiques à prendre en compte avec beaucoup d’attention les problèmes qu’entraîneraient une exposition trop importante aux radiations.


Les mesures de sécurité sont au fil du temps devenues beaucoup plus performantes, limitant ainsi les risques d’émission, qui sont minimes puisque les voyages orbitaux actuels ne dépassent pas la ceinture de Van Allen et que les astronautes ne participent qu’à un nombre limité de missions (sur 449 astronautes qui sont allés dans l’espace, 171 n’ont fait qu’une seule mission, soit environ 38% des effectifs).

Mais avec la possibilité de voyages spatiaux hors ceinture de Van Allen, tels ceux envisagés vers Mars, la protection des astronautes devient un enjeu majeur, avec l'apparition possible de pathologies liées à l'exposition importante aux radiations spatiales.

Nous allons présenter les définitions, les caractéristiques et les risques liés aux radiations, puis les moyens utilisés pour limiter l’exposition aux radiations.



Définitions, caractéristiques et risques des radiations

Qu’est-ce qu’une radiation ?

Une radiation est un processus d’émission et de transmission d’énergie sous forme d’ondes ou de particules. On distingue donc les rayonnements particulaires ou ondulatoires.

Un rayonnement particulaire est défini par les types de particules qu’il transporte. On peut observer des particules alpha, béta, gamma, des muons, des neutrinos…

Un rayonnement ondulatoire correspond à la propagation d’énergie sous forme d’ondes.

Le sievert (symbole : Sv) est l’ « unité utilisée pour donner une évaluation de l’impact des rayonnements sur l’homme ».

Les différents types de radiations spatiales :

On entend par radiations spatiales toutes les particules énergétiques produites par l’espace. On divise les radiations spatiales ionisantes dangereuses en deux types :

  • Les GCR (Galactic Cosmic Rays) ou astroparticules sont d’origine galactique. Ce sont des ions lourds qui proviennent de toutes les directions de l’espace. Leurs impact est limité, mais avec leur masse et leur vitesse, ils peuvent traverser les parois de la navette et libérer une quantité d’énergie importante lorsqu’ils rentrent en contact avec de la matière. Cette libération d’énergie entraîne des cassures et des réactions en cascade au niveau des molécules constituant les cellules vivantes, entraînant ainsi des cancers ou des pathologies neurologiques. Par exemple, les particules alpha, bêta et gamma et les muons sont des astroparticules.
  • Les flux de protons solaires apparaissent lors des éruptions solaires qui éjectent une grande quantité de protons dans le système solaire. Leur dangerosité ne provient pas de leur énergie, mais de leur nombre qui est très élevé. L’activité du soleil pose de nombreuses difficultés pour la vie des astronautes dans l’espace, mais ces derniers peuvent s’en protéger grâce à des parois renforcées. Les éruptions solaires provoquent des «vents solaires» qui sont heureusement prévisibles (le cycle du soleil se répète tous les onze ans). Ces éruptions peuvent entraîner des déficiences neurologiques qui n’ont toujours pas été avérées et ont un fort pouvoir de pénétration, provoquant des réactions nucléaires au sein des cellules des tissus du corps touché.
Les radiations ionisantes transmettent de l’énergie au corps touché, provoquant des irradiations. Ce sont les ondes électromagnétiques ou des radiations capables de produire des ions au contact de la matière. Pour les organismes vivants, ils sont potentiellement nocifs à la longue et mortels en cas de dose élevée. Leurs propriétés dépendent de la quantité d’énergie qu’ils possèdent, arrachant ainsi des électrons aux atomes de la matière touchée : les atomes ayant perdu un électron se chargent alors positivement, tandis que les électrons sont accueillis par les atomes voisins, les chargeant négativement. Ces radiations ont donc assez d’énergie pour transformer en ion les atomes avec lesquels ils sont en contact.

Les radiations non-ionisantes produites dans l’espace sont nombreuses et d’impact limité, mais nous allons donc présenter celles qui sont les plus dangereuses et présentes dans le système solaire :

  • Les rayons ultra-violets de type A sont produits par le soleil et invisibles à l’œil nu. Leurs longueurs d’ondes sont comprises entre 315 et 400nm. 5% de l’énergie du Soleil est émise sous forme de rayons UV. Les UV A représentent 95% des UV émis par le soleil. Des rayons ultraviolets peuvent être émis par des corps chauds, selon la loi de Wien.
  • Les radiations non-ionisantes sont des ondes électro-magnétiques qui n’ont pas l’énergie suffisante pour transformer des atomes en ions. Leurs quantités peuvent malgré tout entraîner des déplacements d’électrons.
 Source des radiations ionisantes et des flux de protons solaires dans l’espace
NASA, Sources of ionizing radiation in interplanetary space (publié le 31 mai 2013)

Risques qu’entraînent un contact prolongé avec des radiations dans l’espace et doses que reçoivent les astronautes.

Les radiations ionisantes dans l’espace sont causées par des événements spatiaux comme les supernovæ, la création d’un trou noir hyper massif ou les éruptions solaires. A long terme, les radiations ionisantes créent des mutations au niveau des cellules et du matériel génétique. Ces mutations sont transmissible par hérédité et pouvant créer un cancer. Toutes les radiations reçues diminuent la durée de vie. Toutefois, il faut de nombreuses années avant qu’un cancer puisse se déclarer (dix ans au moins). La NASA pense qu’une exposition importante aux radiations ionisantes peut occasionner des troubles neurologiques, qui n’ont pas toujours été découverts. On sait aussi qu’un contact prolongé entraîne une perte de la vision avec l’apparition de cataractes.

A court terme, des inflammations, vomissements apparaissent suivis de rougeurs de la peau et de perte de cheveux (pour des expositions à des doses très importantes).

Les radiations non-ionisantes (tels les rayons ultraviolets) entraînent :

-Aux yeux, des inflammations de la cornée, conjonctivites accompagnées de photophobies (provoquant des douleurs de la tête et des yeux lorsque la personne touchée regarde une source de lumière forte), puis des douleurs et inflammations des paupières, jusqu’à la perte partielle de la vue avec l’apparition de cataractes.

-A la peau, des érythèmes actiniques (caractérisés par une rougeur sur une zone localisée de la peau due à une dilatation des vaisseaux sanguins avec contact des ultraviolets) suivis d’une augmentation de la pigmentation jusqu’au cancer de la peau.

Une exposition importante aux UV peut entraîner des mutations de l’ADN en transformant les liaisons thymines. Les conséquences sont donc multiples et peuvent créer des cancers ainsi que des mutations génétiques par transformation du patrimoine génétique. Ces mutations peuvent être transmises aux descendants.
  
Comparaison entre les doses de radiations reçues sur différends milieux d’origines
NASA, Comparaison of radiation doses, includes the amount detected on the trip from Earth to Mars by the RAD on the MSL (publié le 11 décembre 2013 )

Lors des missions spatiales précédentes, les laboratoires spatiaux enregistraient des taux de radiations cosmiques 1000 fois à 50 000 fois supérieurs des doses de radiations reçus sur la Terre. 



Moyens utilisés pour la protection des radiations spatiales

La méthode idéale serait de créer un champ magnétique assez puissant autour de la navette pour repousser les ions lourds qui sont de charge électrique positive. En théorie faisable, elle consommera en réalité trop d’énergie et sera d’un coût trop élevé, augmentant la charge de la navette, la limitation de la masse de la dite navette étant la première priorité.

Les Parois :

Tous ce qui contient de l’hydrogène liquide peut protéger des flux de protons solaires. En effet son noyau est un proton, les particules ionisantes ne se désintégreront pas à son contact (particule unique). Il n’y aura donc pas de dispersion d’énergie lors du choc. On utilise aussi les caissons de nourriture, d’eau ainsi que des parois en plastique et les réservoirs de carburant pour protéger la santé des astronautes. Des métaux légers comme l’aluminium sont très utilisés car ils permettent de limiter la diffusion d’atomes de masse importante. «L’eau est meilleure que les métaux pour la protection, dit Marco Durante, de l’Université technique de Darmstadt en Allemagne, parce que ce sont les nucléons qui bloquent les rayons cosmiques. Et les molécules d’eau contiennent plus de nucléons par volume qu’un métal».

Les parois de la station spatiale ne doivent pas dépasser une certaine épaisseur. Les parois serviraient de cible aux particules qui entraîneraient des réactions en chaîne dans la paroi, produisant l’émission de nouvelles particules supplémentaires. Les doses de radiations reçues seraient alors beaucoup trop importantes.

Les combinaisons spatiales :

Ces équipements sont utilisés pour protéger les astronautes lors de leurs sorties dans l’espace et des effets du décollage et de l’atterrissage. Le but des combinaisons spatiales est de permettre à l’homme de lui constituer un événement favorable à la vie qui lui permet de respirer, d’empêcher l’évaporation de ses fluides dans le vide, de le rendre aveugle à cause des rayons solaires et de le protéger des radiations spatiales.

Le nombre de couches de protection des combinaisons dans l’ISS ont progressivement augmenté avec le temps et sont passées de 11 à 19. De l’eau s’écoule dans les différentes composantes de la combinaison afin d’améliorer la protection offerte à l’astronaute.

Sous-vêtement de ventilation avec circuit de refroidissement incorporé améliorant le confort du cosmonaute
NASA, Sous-vêtement de ventilation avec circuit de refroidissement incorporé ( publié le 17 juin 1994)

La combinaison comporte deux vêtements principaux : le sous-vêtement de corps pour le confort (LCVG) au dessus de laquelle l’astronaute porte sa combinaison pressurisée qui le protège des radiations spatiales (TMG). Ce sont les quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième couches en Mylar aluminisé (utilisées pour les filtres solaires et les couvertures isolantes) qui permettent de protéger les cosmonautes des rayons cosmiques. La huitième sert aussi d’isolant thermique, qui, mêlé au nylon, protège des micrométéorites.
  
Les éléments de la combinaison A7L portée par Armstrong sur la Lune

NASA, tous les éléments de la combinaison A7L portée par Armstrong sur la Lune ( publié 17 juillet 1969)

Les matériaux utilisés doivent être souples, résistants et remplissent une fonction bien particulière pour faciliter les mouvements de l’astronaute tout en lui assurant un minimum de confort. Les fibres sont donc synthétiques et métalliques pour prévenir la formation de moisissures et de tissus bactériens. Lors des éruptions solaires, les astronautes restent dans leurs navettes spatiales, en tournant leurs boucliers thermiques vers le soleil : en effet, leurs combinaisons ne peuvent les protéger à cause de l’énergie que ces particules dégagent.

C’est le couvre casque appelé « Extravehicular Visor Assembly » (EVVA) qui réduit l’impact des rayonnements sur le visage du cosmonaute. Elle le protège ainsi des rayonnements UV et des rayons cosmiques. Il doit aussi réfléchir la chaleur et la lumière, tout en permettant à l’astronaute de voir au travers; des protections oculaires sont utilisées pour pouvoir diminuer l’impact des rayonnements sur le cosmonaute.

Comment prévenir les cas d’irradiations dans la station :

La dose d’irradiations ne se mesure pas véritablement en quantité reçue, mais surtout en fonction de son impact sur le corps et les dommages qu’elle peut y entraîner. Dans la station ou les navettes, les astronautes portent des compteurs qui déterminent la dose qu’ils reçoivent durant leur séjour. L’unité de ce compteur est le millisievert. Les cosmonautes ne restent en général pas plus de 6 mois dans l’espace, et y retournent rarement pour des questions de santé au risque de voir leur corps subir des dommages irréversibles en cas de retours fréquents.

La station spatiale internationale, est, quand à elle, équipée de détecteurs de rayonnements, aussi bien pour des raisons de recherches scientifiques (détecter les sources de certains rayonnement, étudier les interactions entre matière, antimatière…) que pour des raisons médicales : en cas de fuite ou de rayonnements trop importants, les astronautes devront intervenir sur la zone ciblée, la condamner ou mettre en place des procédures d’évacuation en situation critique. Un astronaute irradié peut aussi être renvoyé en urgence sur terre : en aucun cas il devra rester plus longtemps dans la station, ce qui ne ferait qu’aggraver son cas. Un contrôle strict de la quantité de rayonnement permet aux astronautes de se relayer ou d’organiser les sorties dans l’espace de façon à limiter la dose de radiation reçue par chacun. Les compteurs en place sont des formes dérivées ou améliorées des compteurs Geiger, qui a toujours montré son efficacité malgré son âge avancé (construit pour la première fois en 1928 par Walther Müller, mais dont le principe fut imaginé en 1913 par Hans Geiger). 

Cet article nous montre à quel point il est difficile d'envoyer des humains en orbite autour de la Terre. Ils subissent le bombardement constant des rayonnements, dont certains sont mortifères, et ce, malgré la protection de la ceinture de Van Allen. 
Il apparait maintenant, comme un défit technologique de réussir à protéger des humains hors la ceinture de Van Allen.
Les solutions actuelles sont largement insuffisantes pour assurer la continuité de la vie dans l'espace interplanétaire, sans protections efficaces, nous sommes condamnés à rester bien à l'abri, à l'intérieur de notre ceinture protectrice...

Un mystère reste entier : comment, il y a 50 ans, des hommes ont-ils réussit à survivre 8 jours dans l'espace, bombardés par des rayonnements dangereux, hors ceinture de Van Allen et avec des protections dont on ne dispose toujours pas actuellement ???

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