09 février 2018

La fin des Néandertaliens


Les temps sont durs, le froid recommence à mordre et la vieillesse en rajoute avec son cortège de misère et de sinistrose chronique. DERRIERE NAPOLEON on n’en est plus au pastaga, ni même au demi pression: ce matin le grog fait sont entrée triomphale au pinacle des boissons branchées, Thérèse a même du mal à suivre tant la demande dépasse les capacités de son matos à faire l’eau bouillante. Heureusement pour elle le dosage maison exige beaucoup plus de rhum que de flotte, ce qui commence d’ailleurs à se percevoir au travers de l’attitude, de plus en plus décontractée, des consommateurs. Diable, c’est que la grippe sévit rudement et taille des coupes claires dans les rangs des habitués. Cela dit, notre petit noyau de fervents ignore l’épidémie; vaccinés autant qu’imbibés, les Jean Foupallour, Maurice, Marcel Grauburle, Jean Trentasseur et même le vieillardissime Blaise Sanzel, se foutent bien pas mal des H1N1 et autres saloperies virales tout juste bonnes à dézinguer les petits merdeux qui bossent pour financer les retraites. En revanche le froid vicieux qui vous transperce et vous mordille jusqu’au fond des os, ça, passé un certain âge, on craint. Alors on lutte, d’où le grog…et ce truc-là, je vous jure, un vrai chauffage-central! Au bout de sept ou huit vous ne sentez plus les frimas, vous ne sentez même plus rien du tout, c’est dire! Alors, bon, faut relativiser, naturellement, ce matin le thermomètre frisait les trois degrés Celsius mais, vous savez, avec l’humidité marine et le petit vent de nord-est qui vous frisouille les oreilles, ça vous fait dégringoler le ressenti largement sous zéro. Là, en tout cas, bien au chaud et avec la biture qui monte en puissance, tout va pour le mieux et la conversation enroule de plus belles.
Qui plus est, ce matin, Yves, notre vieux pote Yves Rognes, le spécialiste des herbes Trounazéennes (je ne saurais trop vous recommander), se retrouve parmi nous, descendu de sa montagne avant de s’y voir bloqué par des chutes de neige qu’on nous promet abondantes et de basse altitude. Le sac à dos bourré de ses petites plantes favorites, sans parler d’un joli stock de champignons, de ceux qui vous font oublier les vicissitudes de l’existence, l’homme se présente en ordre de bataille, prêt à affronter sans haine et sans crainte un séjour de deux ou trois semaines au ras du niveau de la mer.
– » Si vous en voulez, fait il en se roulant un pétard de deux centimètres de diamètre, ne vous bilez pas, il y en a au rabe, vous savez, je pense toujours aux copains dans ces cas-là. Et puis, les produits naturels, garantis bio authentique et engraissés à la crotte de chèvre, je vous garantis, ça ne peut vous faire que du bien. »
A le voir, d’ailleurs, on ne peut pas lui donner tort, en pleine forme le vieil Yves Rognes, l’air pur, forcément, la nourriture saine, sans doute, les petites routardes isolées, aussi, peut-être; mais tout de même, y a pas, il pète la santé, l’animal!
En revanche, pour la taulière, bio ou pas, le cannabis ça reste du cannabis et ça n’a pas droit de cité dans un établissement honorablement connu et estimé sur la place.
-« Dis donc, mon salaud, l’interpelle Thérèse en lui brandissant sous le nez sa bouteille de Négrita au trois quarts vide, tu vas bien gentiment me foutre cette saloperie à la poubelle et fissa sans quoi tu ripes à grand coups de pieds dans le derche. Tu veux me faire fermer, dis, l’enflure, c’est ça? Et en plus t’en proposes à la clientèle, histoire que ça finisse par schlinguer la beuze d’ici au port! Où tu te crois, ducon, à Trounaze, avec tes grognasses mal peignées et tes barbouzards cradingues, en plein milieu de nulle part? »
Évidemment, comme d’habitude et comme tout un chacun en pareil cas, l’invectivé se le tient pour dit et remet délicatement son joint intact dans la poche avant de son rucksack issu des surplus de la Wehrmacht -du matériel increvable- car l’abondance, pour les gens de cette génération, n’appelle en aucun cas le gaspillage, fît il partie intégrante des injonctions de l’autorité supérieure.
Toutefois l’incident devait fournir à Maître Trentasseur l’opportunité incontournable d’ouvrir sa gueule d’avocat socialiste recyclé macronnien, le seul ici et maintenant à siffler son Mac Ron au lieu, comme tout le monde, de se raffermir la santé au moyen du breuvage dégrippant sus-visé; il faut toujours qu’il se singularise ce gros zigomar à rosette!
– « Rassure toi, Yves, bientôt grâce au Président et à son action déterminée, la question fera l’objet d’une innovation historique. Tu pourras fumer tranquillement avec, pour seul risque, le paiement improbable d’une contredanse dont le montant ne devrait pas excéder le tarif du stationnement interdit. L’idée consistant à afficher une volonté de punir le consommateur en l’attaquant au portefeuille, sans toutefois lui chercher noise dans l’ordre des poursuites pénales. Et comme on voit mal les agents verbalisateurs procéder à des descentes dans les débits de boisson, l’impunité semble assurée; ce qui devrait satisfaire tout le monde: on pourra pétuner sans état d’âme tandis que le bourgeois le verra comme une mesure d’intérêt public de nature à réprimer le junkie. D’une pierre deux coups! Cela vous donne une idée claire des somptuosités de la pensée macronifique, pas vrai, voilà qui nous change drôlement la vie, non? »
-« Ce qu’il nous change surtout, votre héros à la mords moi le nœud, c’est le montant de la retraite, lui rétorque Foupallour. Moi j’avais l’Arco qui me refilait royalement mes quatre-cent-cinquante balles le premier du mois, ben avant-hier y avait dix Euros de moins…plus les vingt que je m’attends à morfler sur la pension sécu, c’est pas avec ça que je vais pouvoir m’offrir ma dose de shit! Merci M. Macrounette…et encore j’ai pas voté pour vous, moi, alors quand je pense aux corniauds qui ont voulu faire barrage au F.N. comme ils disent…ben ça m’ennuie pour moi mais ça me fait bien plaisir pour eux, sales connards! »
-« En tout cas, Jeannot, lui glisse Yves Rognes sotto-voce, prenant bien garde à éviter l’oreille de la patronne, pas d’inquiétude pour ta dose, je te filerai ce qu’il faut, on n’est pas des chiens… »
-« Dites, vous savez quoi, ajoute alors un Grauburle que le rhum bien chaud semble porter à la spéculation intellectuelle, eh ben figurez vous que justement il existe un lien très clair entre la CSG de Macrouille et son idée de renforcer le marché de la fumette. Suivez moi bien, z’allez voir: les droguistes, enfin je veux dire les vendeurs de ces trucs-là, ils exercent dans les quartchiers sans cible, pas vrai? Y a qu’à voir comment ils se flinguent entre eux à qui mieux-mieux, par exemple à Marseille où qu’y se passe pas un jour sans qu’on en retrouve un ou deux flingués dans quelque coin ou carbonisés dans leur bagnole, preuve qu’il y a beaucoup de dynamisme dans la profession! Bon. Et la CSG, alors, hein, où c’est qu’elle va finir la CSG? Ben oui, aussi dans les mêmes quartchiers comme j’ai dit, le RSA, les prestations sociales, tout ce pognon-là en vient directos. Et du coup, vous avez là les deux mamelles de la France périurbaine, pour causer comme à la télé, vous mordez le topo: un grand coup de CSG d’un côté, une grosse rasade de shit de l’autre, voilà l’Économie Sociale et Solidaire de nos Cités-Hachloums. Vous rajoutez une bonne rasade de salafisme pour lier le tout et vous servez tout chaud avec du thé vert histoire de respecter scrupuleusement les prescriptions du Prophète. Et voilà le travail! Alors, Présipède qu’est-ce qu’il se dit, lui, hein? Il se dit que ces populations là, il y en a de plus en plus et qu’il faut composer avec, voyez vous? Et comme ça ne se fait pas de les stigmatiser si peu que ce soit, il faut jouer le jeu et les arroser au maximum pour qu’ils se tiennent le plus pépères possible. Cohérent comme stratégie, il me semble, on ne peut pas lui reprocher à ce petit, il a bien de la logique le garçon ».

-« Surtout que finalement tels que nous voilà partis, intervient Maurice en s’appuyant sur un coin du zinc pour éviter de s’écrouler, nous serons tous plus ou moins des Africains importés d’ici la fin du siècle…enfin quand je dis tous, je me comprends… pas nous couillon, fait-il en regardant Jeannot qui s’observe mine de rien dans le miroir derrière le comptoir en essayant de se détecter une hypothétique évolution basanée, nous autres on sera cannés, évidemment, je veux dire nos descendants quoi, réfléchis merde! Moi, vous voyez, je regarde souvent Arte, tous ces trucs-là à la télé. Eh bien vous ne pouvez pas savoir comme c’est instructif. Tenez, par exemple, l’autre jour un paléontologue de grand renom, une sommité, nous expliquait comment les hommes de Néandertal, les Européen d’il y a grosso merdo cinquante mille ans, se sont fait bouffer progressivement par les Homo Sapiens qui venaient d’Afrique. D’après ce mec là, ça se serait passé sans violence, comme ça, au fil du temps. Les braves types d’ici étaient peu nombreux et se reproduisaient mollement, un ou deux chiares par famille, il en crevait pas mal, en plus, vu la dureté des temps et les dangers de la chasse au mamouth. En revanche, les nouveaux, eux, ils arrivaient continuellement, par milliers, en provenance d’un réservoir africain qui se remplissait encore plus au fur et à mesure qu’il se déversait sur l’Europe. Alors, le paléontologue a pris deux pacsifs pareils de cartes à jouer, un noir un rouge et les a mélangées, puis étalées…bien sûr on en trouvait autant de chaque couleur. Jusque là aucun problème. Seulement après, le mec a sorti un nouveau stock, rien que des rouges, là (pas des noires, faut pas déconner, vous allez comprendre pourquoi) et il a remélangé le tout. Bien sûr après ça, des noires on en voyait moins…mais comme il a refait le coup cinq ou six fois de suite, à la fin de l’opération, les black avaient pratiquement disparu. Vous comprenez le système où je demande à Thèrèse de sortir les cartes?… Non, je ne crois pas qu’il l’ait fait exprès, Marcel, ces scientifiques tu sais, c’est toujours politiquement correct… »
Et là, en effet, grog ou pas grog, on s’est tous dit dans notre Ford intérieure, selon la formule de Béru, qu’il valait mieux éviter de regarder Arte, ça vous bousille le moral ces conneries!
En attendant maintenant nous savons ce qui nous attend: dans les mêmes circonstances les mêmes causes produisant les même effets, la fin de ces pauvres Néandertaliens ce sera aussi la nôtre!

Passez tout de même une bonne semaine, vu que ça ne se produira pas tout de suite.

Et, à la demande quasi-générale, merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.