25 novembre 2017

Scandale du Levothyrox : la justice s'en mêle, les patients trinquent


L'affaire du "Levothyrox nouvelle formule", qui a affecté des milliers de patients atteints de troubles de la thyroïde, est loin d'être terminée. Malgré des communiqués rassurants du ministère de la santé et de l'ANSM, de nombreux malades ne trouvent pas d'issue à leurs troubles. Un médecin a porté plainte et un tribunal a ordonné à Merck de délivrer l'ancienne formule à des plaignants. D'autres plaintes sont en cours de constitution.

La ministre de la Santé avait tenu à rassurer les patients il y a deux mois en annonçant l'arrivée en urgence de l'ancienne formule du Levothyrox pour tous ceux qui ne supportaient pas la nouvelle formule. Las, le nombre de boites, insuffisant a créé des embouteillages dans les pharmacies et fait monter encore d'un cran l'angoisse et la colère des milliers de malades ne supportant plus ce nouveau médicament. Le Levothyrox a été modifié au niveau de son seul excipient selon le laboratoire Merck et l'Agence du médicament — et mis sur le marché pour remplacer l'ancien, en février-mars 2017.

Le Levothyrox rend malade depuis des mois une part très importante des personnes subissant une déficience de la thyroïde et dépendantes de ce médicament. L'ANSM reconnaît 15 000 cas signalés dont 5000 graves, mais ne fait pas le lien entre 4 décès de patients et la nouvelle formule du Levothyrox.
Un médecin porte plainte… Le docteur Nicolas Bouvier, médecin généraliste, a porté plainte contre X (mais qui désigne par essence le laboratoire Merck) pour "tromperie aggravée" dans l’affaire du Levothyrox, fin septembre. Le praticien a constaté que ses patients souffraient de crampes, de douleurs articulaires, de pertes de cheveux ou de fatigue intense depuis que le seul Levothyrox nouvelle formule leur était délivré et estime "avoir été trompé sur la qualité" du médicament qu'il prescrivait à ses patient. Il faut dire que sur 25 patients qu'il traitait avec le médicament du laboratoire Merck, au moins 15 ont subi des effets secondaires plus ou moins sévères.

Le médecin n'accepte pas été trompé et ainsi "d'avoir mis en danger ses patients" sans "avoir de réponse scientifique établie". Le problème avec le Levothyrox nouvelle formule et ses effets secondaires réside en effet dans les réponses apportées par les autorités sanitaires et le laboratoire Merck, qui ne collent pas du tout avec la réalité du terrain constatée par le médecin. La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a par exemple expliqué qu'il fallait "être patient", puisque les effets secondaires subis par les patients étaient — selon elle — causés uniquement par "des problèmes de dosage, tout à fait normaux en cas de changement d'excipient (l'enrobage du médicament qui permet la diffusion de la molécule dans le corps, ndlr).

Le changement d'excipient aurait donc légèrement modifié les dosages hormonaux des malades, mais en "redosant la nouvelle formule", tout devait rentrer dans l'ordre, selon l'explication de la ministre. Sauf que, comme l'explique le docteur Bouvier, des patients ont subi des effets secondaires sans que leur dosage hormonal ne change, d'autres ont vu leur dosage modifié et pourtant, les effets secondaires n'ont pas cessé.
…et un tribunal donne raison aux malades Des milliers de patients témoignent dans toute la France de leurs grandes difficultés de santé depuis qu'ils sont obligés de prendre cette nouvelle formule du Levothyrox, avec arrêts maladies et hospitalisations à la clef pour une partie d'entre eux. La mise à disposition d'une quantité insuffisante de l'ancienne formule, sous le nom commercial Euthyrox n'a pas modifié profondément la donne, même s'il a soulagé des patients : ce médicament ne peut être de toute manière prescrit qu'à titre temporaire, puisqu'il est importé de l'étranger pour seulement quelques moi. En janvier, toute l'Europe devra passer à la nouvelle formule et l'Euthyrox… ne sera plus fabriqué.

Des patients ne parvenant pas à se procurer l'Euthyrox en pharmacie ont donc porté plainte contre Merck, à Toulouse, et le tribunal leur a donné raison : face à l'argumentation de l'avocat de Merck expliquant qu'il n'y avait aucun problème pour se fournir en Euthyrox, le juge, en plein procès, s'est rendu dans la pharmacie la plus proche avec une ordonnance d'Euthyrox. L'officine n'ayant pas pu lui délivrer le médicament, il a jugé que Merck était de mauvaise foi et a condamné le laboratoire à fournir le "Levothyrox ancienne formule" sans délai, pour 25 patients souffrant de "graves troubles", avec une amende de 10 000 euros par jour d'infraction à l'encontre du laboratoire.

Le docteur Bouvier souhaite qu’il y ait une expertise par un "laboratoire indépendant, qui fait de la chromatographie de façon indépendante", et qu’on lui dise "ce qu’il y a dans ce médicament qui a provoqué d’importants troubles chez les patients, ainsi que ce qu'il y avait dans les différents lots."

Ailleurs en France des plaintes au civil et au pénal ont débuté ou se préparent. Un juge a perquisitionné le siège de Merck et celui de l'ANSM.
Des alternatives arrivent, et ? En janvier l'ancienne formule du Levothyrox, Euthyrox, ne sera plus commercialisée. Ne resteront donc pour les patients que quatre choix : la nouvelle formule du Levothyrox (que ceux qui subissent les effets secondaires ne veulent plus prendre), les gouttes de L-Thyroxine (en quantité très limitée et bien plus difficiles à conserver que les comprimés), le L-Thyroxin Henning (un médicament équivalent au Levothyrox, sans la molécule du mannitol et commercialisé en Allemagne jusqu'alors, mais produit par le laboratoire Sanofi) et un générique : le Thyrafix (d'un laboratoire grec). Personne ne sait encore comment les patients vont réagir avec ces différentes alternatives, les médecins au premier chef.

La crise du Levothyrox n'est pas terminée, et tous ceux touchés par ce scandale sanitaire attendent deux choses : que leur médicament pour la thyroïde les soigne de nouveau sans leur nuire, et que des réponses scientifiques et claires expliquent pourquoi cette nouvelle formule a ainsi rendu malades des milliers de personnes. Les mois qui viennent apporteront certainement des réponses, les enquêtes judiciaires devant éclairer les causes de cette crise sanitaire. Les patients, eux, continuent d'attendre, dans l'angoisse, un médicament qui ne les fasse pas tomber malade.

Pascal Hérard

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