26 septembre 2017

Mammouths gelés et catastrophes cosmiques

 
Depuis des années, je suis fasciné par ce qu'on pourrait à juste titre considérer comme l'un des plus grands mystères de notre planète : la disparition des mammouths laineux. Essayez d'imaginer l'inimaginable : des millions de mammouths géants inexplicablement congelés sur place en l'espace d'une nuit.


C'est un événement fascinant à plus d'un titre. D'abord, la congélation instantanée est un phénomène très particulier qu'on ne retrouve généralement pas sur notre planète. En outre, étant donné les circonstances de cette disparition, la magnitude et la puissance requises pour littéralement décimer une espèce entière sont véritablement stupéfiantes.

Peinture de mammouth, grotte de Rouffignac 

Mais l'aspect le plus fascinant de cet événement est sans doute qu'il s'est produit il y a 13 000 ans, à une époque où l'espèce humaine était déjà établie à grande échelle sur la planète Terre. Pour vous donner une idée, les peintures pariétales du Paléolithique supérieur découvertes dans le sud de la France (Lascaux, Chauvet, Rouffignac...) furent réalisées il y a entre 13 000 et 17 000 ans.

Cet événement remet en cause la vision uniformitaire de l'Histoire, qui postule que la progression de la vie sur notre planète est un processus linéaire, qui s'intensifie jour après jour, et qui est imperméable à toute catastrophe ou tout revers de fortune d'origine externe. Par conséquent, un tel événement jette un éclairage différent sur notre condition humaine et sur l'illusion qui prévaut selon laquelle les êtres humains seraient des sortes de créatures toutes-puissantes qui seraient au-dessus des lois naturelles, y compris celles qui gouvernent les catastrophes majeures.

C'est un sujet fascinant et déconcertant, parce que les nombreuses théories proposées depuis deux siècles pour tenter d'expliquer la disparition des mammouths laineux - par exemple : ils auraient été pris au piège dans des rivières gelées, auraient été victimes de la chasse, auraient succombé à des tempêtes de grêle, auraient été ensevelis sous des coulées de boue, seraient tombés dans des crevasses glaciaires, auraient été victimes de l'ère glaciaire - ne suffisent pas à expliquer pleinement cette extinction de masse.

Donc, dans l'article qui suit, je tenterai d'expliquer comment et pourquoi des millions de mammouths laineux ont pu être congelés en l'espace d'une nuit.

Le mammouth laineux

Le mammouth laineux était un proche cousin de notre éléphant moderne. Sa taille était similaire à celle de l'éléphant d'Afrique, les mâles atteignant environ 3 m à hauteur d'épaules et pesant jusqu'à 6 tonnes.

Les mammouths étaient herbivores, et un mâle adulte avait besoin de consommer environ 180 kg de nourriture par jour.

Expansion territoriale des mammouths laineux durant le Pléistocène supérieur.

À l'époque, la population des mammouths laineux était très importante sur notre planète. Pour illustrer ce point, entre 1750 et 1917, le commerce de l'ivoire de mammouth était largement répandu, avec l'extraction de 96 000 défenses de mammouths (estimation). On estime qu'environ 5 millions de mammouths vivaient sur un petit territoire dans le nord de la Sibérie.

Avant leur extinction, les mammouths laineux peuplaient de vastes régions de notre planète. Des restes ont été découverts à travers l'Europe du Nord, l'Asie du Nord et l'Amérique du Nord.

Les mammouths laineux n'étaient pas non plus nés de la dernière pluie : ils vadrouillaient déjà sur la planète six millions d'années avant que l'espèce ne se scinde, donnant ainsi naissance à l'éléphant moderne.

Une interprétation partiale de la nature grasse et velue de cette créature, et une croyance en des conditions climatiques inaltérables, ont poussé les scientifiques à conclure que le mammouth laineux était adapté aux régions froides de notre planète. Mais les animaux à fourrure ne vivent pas nécessairement dans des climats froids - voyez par exemple les animaux du désert comme le chameau, le kangourou et le fennec. Ils sont poilus, et vivent pourtant dans des climats chauds ou tempérés.


« Laine » de mammouth laineux, Naturhistorisches Museum Wien


En fait, la plupart des animaux à fourrure ne pourraient survivre à un climat arctique. 

Ce n'est pas la fourrure en tant que telle qui permet l'adaptation au froid : c'est son érectilité. Cette caractéristique permet de retenir une couche d'air à des fins d''isolation thermique. Or contrairement à l'otarie à fourrure, par exemple, la fourrure des mammouths n'était pas érectile.

Un autre facteur intervenant dans la protection des animaux contre l'humidité et le froid est la présence de glandes sébacées, qui sécrètent de l'huile sur la peau et dans la fourrure, offrant ainsi une protection contre l'humidité.

Le mammouth laineux ne possédait pas de glandes sébacées. Ses poils étant secs, si sa peau avait été touchée par la neige, cette dernière, en fondant, aurait sensiblement accru la perte de chaleur (la conductivité thermique de l'eau est approximativement 12 fois supérieure à celle de la neige).

Comme on peut le voir sur l'image plus haut, la fourrure du mammouth n'était pas très dense. À titre de comparaison, la fourrure du yak est 10 fois plus drue.

En outre, les mammouths avaient des poils qui leur pendaient jusqu'aux pattes, or tous les animaux arctiques ont de la fourrure, et non des poils, sur les pattes. À cause des poils, la neige se serait accumulée en amas compacts sur les chevilles du mammouth, entravant ses déplacements.

Les éléments ci-dessus démontrent que la fourrure - de même que la graisse - ne constituent en rien une preuve d'adaptation au froid. La graisse prouve seulement que la nourriture était abondante. Un chien obèse suralimenté ne pourrait survivre à un blizzard arctique et à ses températures de -60°C - contrairement aux espèces tels que les lapins arctiques ou les caribous, malgré leur faible indice de masse graisseuse.

En général, les restes de mammouths que l'on a retrouvés étaient entassés avec ceux d'autres animaux - tigres, antilopes, chameaux, chevaux, rennes, castors géants, aurochs, bœufs musqués, ânes, blaireaux, bouquetins, rhinocéros laineux, renards, lynx, léopards, carcajous, lièvres, lions, élans, canis dirus, spermophiles, hyènes des cavernes, ours, et de nombreuses espèces d'oiseaux. La plupart de ces animaux n'auraient pas pu survivre dans un climat arctique. C'est un indice supplémentaire qui prouve que les mammouths laineux n'étaient pas des créatures polaires.

Le préhistorien français Henri Neuville a conduit l'étude la plus détaillée que l'on puisse trouver sur la peau et les poils du mammouth. Au terme d'une analyse approfondie, voici ce qu'il a écrit : 

« D'après moi, l'examen anatomique de la peau et [des poils] révèle l'impossibilité de découvrir le moindre argument en faveur d'une adaptation au froid. »

- H. Neuville, De l'extinction des mammouths, rapport annuel de la Smithsonian Institution, 1919, p. 332. Enfin, et surtout, le régime alimentaire du mammouth va à l'encontre de l'argument selon lequel cet animal vivait dans un climat polaire. Comment le mammouth laineux, une créature herbivore, aurait-il pu subvenir à ses besoins alimentaires, qui se montaient à des centaines de kilos par jour, dans une région arctique dépourvue de végétation pendant la majeure partie de l'année ? Où le mammouth laineux aurait-il pu trouver les dizaines et dizaines de litres d'eau dont il devait s'abreuver chaque jour ?

Pour couronner le tout, le mammouth laineux a vécu pendant l'ère glaciaire, où les températures étaient plus froides qu'aujourd'hui. Il n'aurait pas pu survivre aux rudes conditions climatiques de la Sibérie du nord actuelle, et encore moins dans la Sibérie d'il y a 13 000 ans, puisqu'il était censé y faire beaucoup plus froid.

Les éléments ci-dessus suggèrent fortement que le mammouth laineux n'était pas une créature polaire, mais une créature des climats tempérés. Par conséquent, au début du Dryas récent, il y a 13000 ans, la Sibérie n'était pas une région arctique mais une région tempérée.

Le Dryas récent

Le Dryas récent tire son nom de la dryade à huit pétales (dryas octopetala), une fleur qui pousse dans les climats froids et qui commença à se répandre en Europe au cours de la période qui débuta aux environs de 10 900 avant J-C (c'est-à-dire il y a 12 900 ans) et qui dura environ 1000 ans. Le Dryas récent marque la transition entre le Pléistocène et notre époque actuelle, l'Holocène.


Fleurs du Dryas récent.

Le Dryas récent subit une forte chute de température dans la majeure partie de l'hémisphère Nord. Ce fut la plus récente et la plus longue interruption du réchauffement progressif du climat terrestre. Pour donner une idée de l'étendue de ce refroidissement, la carotte de glace du GISP2 indique que, au plus froid du Dryas récent, il faisait environ 15°C de moins qu'aujourd'hui.


Température annuelle moyenne (22 000 à 8000 avant le présent) 

Remarquez toutefois que le refroidissement global qui s'est produit au cours du Dryas récent n'était pas homogène, et tandis que certaines régions connurent un net refroidissement (Sibérie, Europe, Groenland, Alaska), d'autres connurent un relatif réchauffement (l'Amérique du Nord, excepté l'Alaska, et la partie « orientale » de l'Antarctique). C'est un point important que nous explorerons bientôt.

Parallèlement à la chute drastique des températures, l'une des caractéristiques majeures du Dryas récent est une extinction de masse : 35 mammifères (mastodontes, castors géants, tigres à dents de sabre, megatheriums, rhinocéros laineux, etc.) et 19 espèces d'oiseaux disparurent en un temps record.


Sites de découvertes de pointes Clovis.

Hibben estime que pas moins de 40 000 000 d'animaux périrent rien qu'en Amérique du Nord. Au total, des centaines de millions de mammouths disparurent. Des restes ont été découverts dans toute la région du Nord (Russie), de l'Oural au détroit de Béring et même sur le continent américain (Alaska et Yukon). Seuls deux petits foyers de mammouths subsistèrent : sur l'île Saint-Paul jusqu'à il y a 5600 ans environ, et sur l'île Wrangel, jusqu'à il y a 4000 ans.

Les populations humaines étaient déjà répandues à grande échelle à l'époque (Yurok, Hopis, Kato, Arawaks, Toltèques, Incas...), et l'une d'entre elles, les peuples de la culture Clovis (qui vivaient en Amérique du Nord), disparut de la surface de la Terre durant cette période chaotique. Les peuples de la culture Clovis n'étaient pas une petite tribu localisée dans une zone restreinte ; leurs sites d'implantation couvrent la majeure partie de l'Amérique du Nord, comme l'indique l'étendue géographique de leurs artéfacts, en particulier les pointes de Clovis (voir la carte ci-dessus).

Le lieu du crime

La vaste étendue géographique de cette extinction, ainsi que son occurrence relativement récente, nous fournissent de nombreux éléments scientifiques. Lors des nombreuses excavations conduites dans la plupart des régions de l'hémisphère Nord, on a découvert que les sites où avaient été retrouvés les mammouths laineux présentaient invariablement les mêmes caractéristiques :



Carbone vitreux découvert sur trois sites de la culture Clovis.

Suie : un pic de concentration en charbon et en suie a été découvert dans plusieurs sites de la culture Clovis et dans les strates du Dryas récent.
Fullerènes : une forme pure de carbone, comme le graphite et le diamant. Il s'agit d'une large molécule sphéroïdale constituée d'une cage vide contenant 60 (ou plus) atomes de carbone. De fortes concentrations de fullerènes ont été découvertes dans les strates datant de 12 900 avant le présent.
Potassium 40 : le potassium 40 est un isotope naturellement radioactif d'une demi-vie d'un 1,3 milliard d'années et qui représente une minuscule fraction de la totalité du potassium terrestre. Cette quantité est uniforme dans tout le système solaire, excepté pour les météorites, les comètes, ou en cas de supernova. Un pic de concentration de cet isotope a été découvert dans les strates datant de la culture Clovis.
Hélium 3 : un marqueur typique d'impact extraterrestre. L'hélium 3 est rare sur Terre mais répandu dans les matériaux extraterrestres. Le lien entre les impacts d'astéroïdes et l'hélium a été démontré par Becker et al., qui ont localisé un site d'impact de 40 km de large : le cratère Bedout, qui date de l'extinction du Permien, il y a 250 millions d'années, et qui a mis en évidence des niveaux élevés d'hélium 3. De façon similaire, la frontière du Dryas présente des pics de concentration d'hélium 3.
Thorium, titane, cobalt, nickel, uranium et autres éléments terrestres rares : ces éléments ont été retrouvés en fortes concentrations dans les strates du Dryas récent, les sites Clovis et plusieurs cratères de météorites. Rares sur Terre, on en retrouve très souvent dans les météorites.
Carbone vitreux : les strates datant de 12 900 ans avant le présent sont caractérisées par une forte concentration de cette forme de verre noir riche en carbone. Les analyses montrent que les échantillons de carbone vitreux comportaient de nombreuses bulles de gaz internes - un indice pointant vers des températures exceptionnellement élevées suivies d'un soudain refroidissement. Si le carbone est pur, il fond à 3537°C. Seuls des événements extraordinaires peuvent générer de telles températures. Le carbone vitreux n'est présent que dans les couches de la période Clovis.
Iridium: : cet élément est extrêmement rare dans la croûte terrestre mais se retrouve typiquement dans les météorites et les objets cométaires. Les strates géologiques liées aux bombardement cométaires importants - l'extinction des dinosaures, datant de 65 millions d'années, connue sous le nom d'Extinction du Crétacé-Tertiaire, ainsi que l'extinction du Trias-Jurassique, qui s'est produite il y a approximativement 200 millions d'années - présentent des concentrations anormalement élevées d'iridium.
Nanodiamants : des millions de diamants microscopiques ont été découverts sur les sites Clovis. La formation de nanodiamants hexagonaux requiert des pressions de 2 millons de psi (170 000 bars) et des températures comprises entre 1000 et 1700°C, suivies d'un rapide refroidissement.
Sphérules : des sphères creuses magnétiques flottantes présentant une forte concentration de carbone ont été découvertes sur les sites de la période Clovis. La formation de ce type de carbone nécessite une température et une pression très élevées. Ces sphères sont minuscules, de l'ordre de 10 à 50 micromètres de diamètre, mais très fréquentes dans les couches du Dryas récent, des milliers de micropshérules ayant été découvertes dans chaque kilo de terre.


© Proceedings of the National Academy of Sciences
Microsphérule magnétique découverte à la frontière du Dryas récent.

Cette longue liste de matériaux - isotopes atypiques comme l'hélium 3 et le potassium 40, et éléments rares comme l'iridium, le thorium et l'uranium - révéle invariablement le même schéma. Ils sont pratiquement absents de notre environnement naturel mais sont fréquents dans les comètes, et ont été retrouvés en fortes concentrations dans les strates de la période Clovis et le long des cratères d'impact.

Les matériaux exotiques tels que le carbone vitreux, les sphérules, les diamants microscopiques et les fullerènes racontent la même histoire : ils indiquent des températures et des pressions exceptionnellement élevées que l'on ne rencontre pas sur Terre, hormis lors d'événements extrêmes tels que les impacts d'astéroïdes. Tous ces matériaux ont été découverts en fortes concentrations sur des sites d'impact et dans les strates de la période Clovis.

Ci-dessous, Firestone résume les années de recherches menées sur nombre de sites géologiques à travers l'Europe et l'Amérique.
« Dans les parties stratifiées de chacun des 10 sites [du Dryas récent], de la Californie à la Belgique et du Manitoba à l'Arizona, nous avons découvert qu'une couche de sédiments d'une épaisseur de 5 cm et datant de 12 900 ans contenait 14 marqueurs, formant des pics stratigraphiques distincts à des concentrations supérieures à la normale.

Ces marqueurs incluent des microsphérules magnétiques (jusqu'à 2144/kg), des grains magnétiques (16 g/kg) enrichis en iridium (117 ppb, 6000x supérieur aux valeurs terrestres), des sphérules de carbone vésiculaires (1458/kg), du carbone vitreux (16g/kg), des nanodiamants, des fullerènes à des concentrations extraterrestres de 3He (84x plus que l'air), de la suie et du charbon (2g/kg).

En dehors de petites quantités de grains magnétiques, les marqueurs étaient indétectables dans les sédiments présents au-dessus ou en-dessous de la couche d'impact, et représentant des séquences stratigraphiques s'étendant sur 55 000 ans. Cela contredit l'affirmation de Pinter et d'Ishman concernant une pluie « constante » de débris météoriques, et démontre qu'une couche de marqueurs extraterrestres concentrés a été déposée il y a environ 12 900 ans. » Parallèlement à la frontière du Dryas récent, une seconde frontière contient également des concentrations élevées de matériaux d'impacts extraterrestres : la frontière du Crétacé-Tertiaire (K-T) également connue sous le nom de transition Crétacé-Paléocène, associée au célèbre impact de Chicxulub, qui marque une extinction de masse au cours de laquelle périrent les dinosaures.

Les nombreuses découvertes de matériaux cométaires et de matériaux d'impact dans les strates Clovis, les strates du K-T et les cratères cométaires/météoriques indiquent fortement qu'un énorme bombardement cométaire s'est produit il y a environ 13 000 ans.


Orientation des impacts secondaires par rapport au corps qui frappa le lac Michigan.
L'« événement »

Si le Dryas récent et son extinction de masse concomitante ont été causés par un bombardement cométaire, la prochaine étape consiste à identifier les caractéristiques des corps extraterrestres impliqués : leur nature, taille, angle d'impact et, bien sûr, le lieu d'impact.

Dans son ouvrage The Cycle of Cosmic Catastrophes, Firestone a brillamment rassemblé divers éléments de preuves concernant les impacts d'astéroïdes à l'origine du Dryas récent. Cet ouvrage est une lecture indispensable pour quiconque souhaite obtenir davantage de détails sur le sujet, détails qu'un simple article ne saurait fournir.

La première tâche consistait à identifier les points d'impacts des fragments cométaires. Pour ce faire, Firestone a examiné les « cratères secondaires », c'est-à-dire les cratères créés par les déjections provenant des impacts primaires. De façon intéressante, l'orientation des cratères secondaires pointait vers le même lieu d'impact.

En triangulant les trajectoires suivies par les déjections (voir les images à droite qui illustrent la méthode appliquée à l'impact de la baie d'Hudson), Firestone a identifié cinq impact primaires potentiels, ainsi que leurs diamètres :


Point d'impact potentiel : le bassin de Chippewa dans le lac Michigan

Baie d'Hudson, Canada : 480 km de diamètre
Baie d'Amundsen, Canada : 241 km de diamètre
Île de Baffin, Canada : 120 km de diamètre
Lac Michigan, États-Unis : 105 km de diamètre
Lac Saimaa, Finlande : 290 km de diamètre. L'étape suivante consistait à vérifier la présence de traces de cratères primaires sur ces cinq sites : c'était bien le cas.

Les cratères primaires étaient toutefois sensiblement moins profonds qu'on aurait pu le penser. Leur faible profondeur, comparée à leur largeur et leur longueur, laisse à penser que les objets d'impact n'étaient pas constitués de roche solide (météorites) mais plus probablement de « boules de neige sales » (matériaux cométaires) et que leur angle d'impact était serré.

En effet, l'angle et la nature du bolide influent directement sur la forme du cratère. Une météorite/masse rocheuse se déplaçant sur une trajectoire verticale crééra un cratère rond et profond, tandis qu'un fragment cométaire « léger » frappant la Terre en « contre plongée » crééra un cratère superficiel étiré (elliptique).

L'hypothèse de Firestone a été confirmée par des expertises géologiques. Par exemple, des recherches dans le Lac Michigan ont révélé que le bassin de Chippewa ressemblait typiquement à un sous-bassin cratérisé, avec ses failles en terrasse, une formation en marches d'escalier créée par le morcellement puis par le glissement de gros fragments de roche après l'impact (voir image à droite).


Profile sismique du bassin de Chippewa montrant des failles en terrasse.

Le bassin de Chippewa révèle également une fracturation radiale habituellement associée aux impacts extraterrestres.

En résumé, le scénario de bombardement proposé par Firestone se déroule comme suit : une comète de grande taille s'est approchée de la Terre et s'est fragmentée en plusieurs bolides de tailles diverses. Cinq fragments cométaires d'une taille considérable ont atteint la surface de la planète.

Les 5 impacts se sont produits pratiquement au même moment, ce qui suggère qu'ils faisaient tous partie du même essaim cométaire. Le fait que les 4 premiers fragments de la liste ci-dessus ont impacté une zone très restreinte (l'Amérique du Nord) suggère que la comète s'est fragmentée en 4 morceaux peu avant l'impact.

Le 5e cratère situé en Finlande suggère que, avant la fragmentation finale, une autre fragmentation s'est produite lorsque l'objet qui a frappé la Finlande s'est séparé du reste du corps cométaire.

L'analyse des 5 cratères primaires a montré qu'ils avaient une orientation similaire ; par conséquent, leur provenance était probablement identique et ils appartenaient sans doute au même essaim cométaire (voir image de gauche).


© Firestone
Trajectoire des 5 fragments cométaires à l'origine du Dryas récent.

Firestone n'a pu examiner que les sites de cratères localisés en surface ou en haut-fond. Il est tout à fait possible que d'autres fragments cométaires de grande taille aient frappé les océans, en particulier à proximité des 5 impacts énumérés ci-dessus (océan Arctique, Atlantique nord, mer Baltique, etc.). De tels impacts ne laisseraient aucune trace mais seraient néanmoins très destructeurs et créeraient d'énormes lames de fond, entre autres phénomènes.

Firestone est également parvenu à estimer l'angle des fragments cométaires en analysant la géométrie des cratères. Les anneaux présents au fond des cratères ont la même forme elliptique. Pour créer ce genre de cratères elliptiques étirés, les objets d'impact devaient nécessairement suivre une trajectoire en contre-plongée, comprise entre 5 et 15 degrés au-dessus de l'horizon.

Nous savons à présent que les mammouths laineux ont été anéantis par des bombardements cométaires. Mais la question principale demeure : comment ont-ils pu être congelés instantanément ? Tout d'abord, définissons plus précisément le processus de congélation instantanée.


« Comet corn » : pop-corn glacé à l'azote liquide.
Qu'est-ce que la congélation instantanée ?

La congélation instantanée est l'exposition soudaine d'un objet (aliment, échantillon biologique) à des températures très basses, à des fins de conservation. L'inventeur américain Clarence Birdseye développa la technique de conservation des aliments par congélation rapide au XXe siècle.

Cette congélation rapide s'effectue généralement en submergeant l'échantillon dans de la azote liquide ou dans un mélange de glace carbonique et d'éthanol. On utilise habituellement des liquides, parce que leur conductivité thermique est approximativement 40 fois supérieure à celle de l'air.

Il existe de nombreuses formes de congélation instantanée, qui vont de la plus modérée à la plus brutale. Alors, à quel type de congélation instantanée les mammouths laineux furent-ils soumis ?
« À des températures corporelles normales, les sucs et les enzymes gastriques décomposent les matières végétales en une heure. Qu'est-ce qui a inhibé ce processus ? La seule explication plausible est que la température de l'estomac s'est refroidie, passant à environ 4°C en dix heures, voire moins. Mais comme l'estomac est protégé à l'intérieur d'un corps chaud (35,8°C pour les éléphants), quelle température l'air extérieur doit-il atteindre pour faire baisser celle de l'estomac jusqu'à 4°C ? Des expériences ont montré que, pour atteindre ce résultat, la température des couches cutanées extérieures aurait dû baisser brutalement, atteignant jusqu'à -80°C au bas mot !

- Mark A. Krzos, Frozen mammouths Les aliments non digérés (herbe, mousses, arbustes et feuilles d'arbres, selon le scientifique russe V.N. Sukachev) retrouvés dans les estomacs et les appareils digestifs des mammouths ne sont pas l'unique preuve d'une congélation instantanée.

D'après plusieurs rapports d'analyses, on a également retrouvé de la nourriture (principalement des boutons d'or) dans la bouche des mammouths gelés. Ils avaient cueilli ces boutons d'or, mais ne les avaient ni mâchés, ni avalés. Les boutons d'or avaient gelé avec une rapidité telle qu'il portaient encore les empreintes de molaires des mammouths. En dépit de leur élasticité, ces boutons d'or n'eurent pas le temps de retrouver leur forme initiale après la mort des mammouths.

Dans le cadre des applications biologiques, l'idée-force de la congélation instantanée est de faire baisser la température suffisamment vite pour éviter la formation de larges cristaux de glace qui, autrement, endommageraient les cellules, les faisant éclater ou les transperçant.

Une analyse détaillée des échantillons cellulaires prélevés sur les mammouths laineux a précisément mis en évidence ce phénomène :

« La chair de nombre des animaux retrouvés dans la boue a dû subir une congélation intense extrêmement rapide, car les cellules n'avaient pas éclaté. Des experts en conservation des aliments par le froid ont fait remarquer que pour parvenir à un tel résultat chez un spécimen vivant en bonne santé, il faudrait faire baisser la température de l'air environnant à des chiffres largement inférieurs à -65°C. »

Ivan T. Sanderson, 'Riddle of the Frozen Giants', Saturday Evening Post, 16 January 1960, p. 82.


Le mammouth gelé découvert dans les îles Lyakhov.

En 2013, un mammouth femelle parfaitement conservé a été découvert dans les îles Liakhov, en Sibérie. Élément intéressant : lorsque les scientifiques ont tapoté les restes du mammouth gelé avec un pic à glace, du sang a commencé à couler.

Étant donné que le sang commence coaguler dans les minutes qui suivent le décès, cela indique que les mammouths laineux ont gelé tellement vite que leur sang n'a pas eu le temps de coaguler.

D'après les experts, pour que l'organisme chaud (35,8°C pour les éléphants) des mammouths laineux - avec leur épaisse couche de graisse et de poils - subissent une congélation interne aussi soudaine, ils ont nécessairement dû être soumis à des températures extrêmement basses : -115°C.

Si nous postulons que les températures en Sibérie, qui, à l'époque, était caractérisée par un climat tempéré, étaient de l'ordre de 15,5°C, cela signifie que la température est passée de 15,5°C à -115°C, ce qui représente une chute de 130°C en l'espace de quelques heures.

Une chute de température aussi drastique s'est-elle déjà produite au cours de l'Histoire ?

Cas documentés de brutal refroidissement planétaire


Emplacement de la base Vostok, Antarctique.

D'abord, jetons un œil aux documents historiques afin de voir si des cas de refroidissements aussi drastiques se sont déjà produits dans l'Histoire récente.

Le 11/11/1911, dans le Midwest, aux États-Unis, une tempête exceptionnelle a fait chuter la température de 35°C (de 24°C à -11,7°C) en 14 heures. C'est la chute de température la plus drastique jamais enregistrée. Pourtant, cette chute de température record n'est rien en comparaison de ce qu'ont vécu les mammouths, tant en termes d'écart que de grandeur de température.

Le record de froid actuel est de -89°C, température enregistrée à la base antarctique Vostok. En outre, Vostok est proche du centre de l'Antarctique (pôle Sud), qui connaît des nuits hivernales de 6 mois associées à des températures glaciales. Ce n'est pas une région tempérée comme celle où vivaient les mammouths.


Tableau de l'indice de Windchill (refroidissement éolien).

Remarquez que, tandis qu'une température de -101°C est nécessaire pour congeler un mammouth, une température plus élevée pourrait aboutir au même résultat en cas de vent extrêmement violent.

On appelle ce phénomène le refroidissement éolien (ou Windchill). Par exemple, une température de l'air de -60°C combinée à des vents de 110 km/h provoquent une perte de chaleur équivalant à -100°C, c'est-à-dire la température requise pour congeler des mammouths et d'autres animaux (voir le tableau de l'indice de Windchill - ou refroidissement éolien - à gauche).

Bien qu'on ne rencontre guère de températures de -100°C ou même de -60°C sur la surface de la Terre, en particulier dans les régions tempérées, elles sont fréquentes en altitude, ne serait-ce qu'à quelques kilomètres au-dessus de nos têtes.


La tropopause et la température atmosphérique en fonction de l'altitude.

À 11 km d'altitude, les températures moyennes varient entre -50 et -80°C. La couche supérieure de la troposphère et la couche inférieure de la stratosphère se rejoignent à 11 km d'altitude. On appelle cette lisière la « tropopause ».

Le problème est que la tropopause forme une frontière quasiment inviolable. Un très petit nombre d'événements documentés peuvent causer une brèche dans la tropopause : les superderechos (super-tempêtes), les nuages de fumée géants créés par des incendies de grande ampleur (pyrocumulonimbus), et les éruptions volcaniques de grande ampleur.

Toutefois, il s'agit d'événements locaux qui ne sauraient expliquer la congélation instantanée de la totalité de la région sibérienne ainsi que d'une partie de l'Alaska et du Yukon.

Alors, qu'est-ce qui a bien pu faire descendre l'air glacial de la haute atmosphère sur une vaste région de la planète ? Les comètes et les astéroïdes. L'idée selon laquelle un impact d'astéroïde pourrait provoquer un refroidissement drastique de la surface de notre planète pourrait paraître contre-intuitive - après tout, lorsqu'ils entrent dans l'atmosphère, les rochers se réchauffent et, en atteignant la surface terrestre, provoquent des incendies et de la chaleur. C'est effectivement le cas, mais est-ce bien le fin mot de l'histoire ?


Analyse d'un impact d'astéroïde selon un angle oblique, avec mention des distributions densimétriques.

Lors d'un impact oblique, le panache de débris est éjecté loin du sillage de l'impact.Ablation atmosphérique induite par un impact cométaire

Jusqu'à récemment, les astéroïdes étaient uniquement synonymes d'incendies et de chaleur torride. Or en 1983, un chercheur a développé le concept d'érosion atmosphérique d'origine astéroïdale.

Un astéroïde suffisamment gros et rapide est capable d'anéantir une partie de l'atmosphère terrestre. À l'impact, l'astéroïde se vaporise (la chaleur et la pression transforment l'astéroïde en gaz), comme le fera une masse similaire de la surface terrestre au point d'impact.

Le panache de gaz chaud qui en résulte peut s'étendre à une vitesse supérieure à la vitesse de libération, qui est d'environ 11,2km/s sur Terre. À titre de comparaison, la vitesse typique des astéroïdes dans l'espace est d'environ 30 km/s. Le panache libéré repousse l'air supérieur dans l'espace.

La partie de l'atmosphère qui sera transportée dans l'espace en même temps que le panache de gaz chaud a la forme d'un cône. On l'appelle le « cône » d'érosion atmosphérique.



Érosion collisionnelle de l'atmosphère terrestre.

La forme de ce cône dépend de la taille de l'astéroïde, de sa densité, de sa vitesse et de son angle par rapport à la surface terrestre.


Panache d'eau surmonté d'une gouttelette d'eau.

Pour mieux comprendre le phénomène d'érosion atmosphérique, examinons un phénomène analogue que nous connaissons bien : l'éclaboussement

Lorsqu'on jette un objet dans l'eau, on remarque parfois que de l'eau jaillit vers le haut, au niveau du point d'impact. L'eau agit comme un ressort et rejaillit. Cet éclaboussement peut prendre la forme d'un panache d'eau et/ou de gouttes d'eau.

De façon similaire, après un impact d'asteroïde, la matière et les gaz remontent, à cause de l'effet recul provoqué par l'augmentation de la chaleur ambiante.

Mais contrairement aux gouttes d'eau, ils ne retombent pas, parce que la vitesse des éléments qui s'élèvent excède la vitesse de libération - celle requise pour échapper à la gravité de la planète - comme une fusée spatiale, par exemple.

Le croquis ci-dessous est inspiré des travaux du vulcanologue russe V. Shuvalov, qui a caculé les effets des bombardements cométaires/astéroïdaux en termes d'érosion atmosphérique.

Cependant, les cas étudiés par Shuvalov se limitent à des corps plus petits qui présentent un angle d'impact plus large que celui des fragments cométaires qui ont frappé la Baie d'Hudson il y a 12 900 ans. Je me suis efforcé d'appliquer l'analyse de Shuvalov à l'objet de la baie d'Hudson postulé par Firestone :



Impact d'un fragment cométaire de 80 km de diamètre selon un angle de 15°

Le diamètre du fragment cométaire (boule orange) est estimé à 80 km. Venant du Nord, il a pénétré l'atmosphère en contre-plongée (environ 15°), comme l'illustre la traînée orange.

À l'impact, le fragment cométaire a créé un cratère primaire d'une taille considérable bien que d'une faible profondeur, d'un diamètre de 482 km (cratère noir), et un énorme panache (en rouge sur le croquis) qui, de son côté, a créé des cratères secondaires produits par les débris (les Carolina Bays, par exemple).

Remarquez le cône d'ablation atmosphérique - la zone turquoise, sous la ligne de pointillés bleue (limite supérieure de l'atmosphère avant ablation). Le diamètre du cône au niveau du sol est d'environ 1000 km. La partie de l'atmosphère qui n'a pas subi d'ablation est la zone bleu foncé à gauche et à droite sur le croquis.

Bien sûr, un seul dessin ne saurait exprimer l'ampleur des forces et de la dynamique caractérisant probablement un tel impact. Alors pour vous expliquer les choses plus en détails :
au début, l'atmosphère entourant le corps cométaire est accélérée par la friction (voir la flèche bleue le long de la traînée orange). C'est comme le souffle qu'on ressent lorsqu'une voiture passe à côté de nous.
À l'impact, le vent puissant généré le long du sillon se combine au courant massif de gaz super chauds et de matière vaporisée, dont une partie atteint la vitesse de libération et s'envole dans l'espace dans un courant ascendant (voir la flèche rouge sur le dessin) emportant avec elle un gros morceau de l'atmoshère terrestre (déjection rouge) Entretemps, la déjection la plus lente retombe sur la surface de la Terre (déjection noire et rouge).
Pendant un bref instant consécutif à l'impact, la zone d'ablation équivaut à un vide spatial (zone turquoise). En guise de référence, la température du cosmos est de -270,5°C tandis que la température de l'espace à proximité de la Terre est de 10,17°C.

Température des couches atmosphériques.

Le vide est suivi d'un courant descendant tout aussi puissant que le courant ascendant qui l'a précédé. Un air super froid re-remplit violemment le vide. Ce courant descendant est constitué d'air principalement localisé dans les diverses couches de l'atmosphère supérieure. Parce que l'atmosphère supérieure est moins dense, ses molécules se déplacent plus rapidement.

Dans la haute atmosphère, la température est d'environ -50°C en moyenne (voir la ligne bleue verticale sur le diagramme à droite) mais peut atteindre jusqu'à -90°C juste au-dessus de la mésopause.

Le processus de reremplissage implique un refroidissement extrême de l'air, parce qu'en remplissant le vide, l'air environnant va rencontrer une chute de pression.

En outre, une partie de l'atmosphère ayant subi une ablation, l'ensemble de l'atmosphère perd du volume et s'affine, ce qui mène à une chute globale de la pression atmosphétique (diminution de la hauteur de la colonne atmosphérique).

La dépression refroidit effectivement les gaz : par exemple, lorsque vous utilisez une bombe d'air comprimé pour nettoyer votre clavier, à mesure que la pression dans la bouteille diminue, l'air se refroidit de plus en plus.

Lorsque les trois conditions citées plus haut sont réunies : vents de type tornade, influx d'air froid provenant de la haute atmosphère et refroidissement extrême causé par la décompression, elles peuvent susciter un refroidissement éolien difficile à imaginer et qui aurait facilement pu congeler instantanément les mammouths laineux et de nombreux autres animaux.



Répartition du pergélisol (hémisphere Nord).

Maintenant que nous avons une petite idée de la façon dont les mammouths laineux et leurs copains se sont fait congeler, la question suivante est : comment ont-ils pu rester congelés ?

Pour rester congelés, ils aurait fallu qu'ils soient dans un environnement où la température ne dépassait pas 0°C. En-dehors des calottes glaciaires, de telles conditions ne se produisent sur Terre que dans le pergélisol (permafrost), qu'on trouve dans les montagnes à haute altitude ou à haute latitude (supérieure à 60°C).

Mais le nord de la Sibérie est dépourvu de montagne à haute altitude et sa latitude, à l'époque, était environ 40°C Nord. Cela signifie que la Sibérie a connu des températures glaciales extrêmes la majeure partie de l'année.

Pour expliquer la façon dont les mammouths sont restés congelés pendant environ 13 000 ans, il nous faut introduire la notion de migration des pôles géographiques.

Migration des pôles géographiques

On croit généralement que les pôles géographiques ont toujours été situés au même endroit. Or, les données prouvent que ce n'est pas le cas. L'emplacement des pôles géographiques a souvent changé, même à l'époque récente.

Une des meilleures preuves que les pôles géographiques ont déjà changé d'emplacement nous est fournie par l'analyse du corail. Les récifs coralliens requièrent une température aquatique de 20°C. Toutefois, les analyses géologiques révèlent la présence de corail dans certaines des régions actuelles les plus froides :
Dans la formation du Carbonifère, on retrouve des restes de plantes et des couches de charbon dans les régions arctiques. On a retrouvé des lepidodendrons et des calamites, ainsi que des fougères, sur l'île de Spitzberg et sur l'île aux Ours (Svalbard), dans l'extrême nord de la Sibérie orientale, tandis que des dépôts marins de la même ère contiennent une abondance de gros coraux rocheux. » (435:202)

~ C. Hapgood, The Path to the Poles, p.159 L'océanographe chinois Ting Ying Ma a passé des décennies à étudier les coraux et est parvenu à établir les positions des anciens récifs coralliens qui coïncident plus ou moins avec la ligne de l'équateur. Les récifs coralliens de Ma/les lignes de l'équateur partent dans toutes les directions, il y en a même un qui traverse l'océan Arctique.



Récifs coralliens à l'époque du Silurien (il y a environ 430 millions d'années).

Certains coraux anciens se trouvent très loin de la région équatoriale actuelle. D'anciennes colonies de coraux ont également été découvertes dans l'île d'Ellesmere, dans le cercle Arctique.

Le paléomagnétisme est un autre moyen permettant de déterminer l'emplacement des pôles géographiques dans le passé. Il se fonde sur l'analyse de la direction des particules de fer dans les roches telles que la magnétite ou l'hématite.

Lors de la formation de ces roches par solidification à partir d'une phase liquide (une éruption volcanique, par exemple), le fer magnétisé dans les roches fondues agit comme une boussole et se solidifie dans une position qui s'aligne sur le champ magnétique terrestre.

Non seulement ces particules de fer indiquent la direction du Nord à un certain moment dans le passé, mais en raison de leur pendage vertical, elles indiquent également à quelle distance se trouve le pôle (c'est-à-dire la latitude). Plus la particule de fer est proche du pôle, moins elle sera inclinée verticalement.

Emplacements des pôles géographiques depuis le Précambrien.
 L'un des problèmes de cette méthode est que le pôle magnétique migre lui aussi. Toutefois, au bout de quelques milliers d'années, il finit par retrouver sa position originelle, et sa position moyenne sur toute la période coïncide avec l'axe de rotation de la Terre. Donc, pour que le paléomagnétisme révèle avec fiabilité l'emplacement du pôle géographique, il faut collecter des échantillons sur une période de temps suffisamment longue. C'est pour cela que les coulées de laves sont si précieuses. Elles s'amoncellent au fil des éruptions, tandis que chaque coulée de lave indique l'emplacement du pôle au moment de chaque éruption.

Charles Hapgood a compilé les emplacements des pôles géographiques à travers les âges, et ses conclusions sont surprenantes. Par exemple, au cours du Pléistocène - qui a commencé il y a environ 2 588 000 ans et s'est terminé avec le Dryas récent - les pôles géographiques se sont trouvés à 15 emplacements différents.

De l'époque du Précambrien à aujourd'hui (ce qui représente environ 100 millions d'années), Hapgood a identifié en tout 229 emplacements différents pour les pôles géographiques.

Maintenant que nous savons que l'emplacement des pôles géographiques n'est pas aussi fixe qu'on le croyait auparavant, tentons de déterminer leur emplacement avant les impacts qui nous intéressent.


Calotte glaciaire septentrionale (v. 13000 avant le présent).Emplacement du pôle Nord géographique avant l'impact

La géologie constitue une méthode fiable pour déterminer l'ancien emplacement des calottes glaciaires (le pôle étant approximativement situé au centre de la calotte glaciaire).

En effet, les bords de la calotte glaciaire sont mis en mouvement par la pression de la glace qui se trouve derrière elle ; alors que l'effet de frottement commence, ils raclent le substratum du continent au-dessus duquel la calotte glaciaire s'est développée.

Les études géologiques indiquent qu'au cours de la dernière phase du Pléistocène (17 000 à 13 000 ans avant le présent), l'lnlandsis laurentidien se trouvait dans la région de la baie d'Hudson (voir carte à droite).

L'Inlandsis laurentidien représentait la plus grande partie de la calotte glaciaire septentrionale qui recouvrait la quasi-totalité du Canada, du Groenland (à l'exception de la côte) et une petite partie de l'Europe du Nord. Le reste de l'hémisphère Nord, y compris l'océan Arctique, l'Alaska, la Sibérie et une partie du Yukon était dépourvu de glace.

Comme l'a remarqué Hapgood, l'Inlandsis laurentidien était similaire tant par sa taille que par sa forme à l'actuelle banquise arctique.
« Le premier élément de preuve indiquant que la dernière calotte glaciaire nord-américaine était une calotte polaire se fonde sur la forme, la taille et la position géographique particulière de la nappe glaciaire. Deux géologues du nom de Kelly et Dachille ont fait remarquer que la région occupée par la glace était similaire tant par sa forme que par sa taille au cercle Arctique actuel. Nombre d'autres chercheurs ont souligné son emplacement anormal. Elle semble avoir occupé la partie nord-est plutôt que la partie nord du continent. Personne n'a su expliquer pourquoi la calotte glaciaire, qui s'étendait au sud jusque dans l'Ohio, ne recouvrait pas certaines des îles septentrionales de l'archipel arctique canadien, les îles s'étendant entre la baie d'Hudson et le pôle, ni pourquoi elle ne recouvrait pas la circonscription canadienne du Yukon ou la partie nord du Groenland. Plus loin, nous examinerons un grand nombre de données indiquant que l'océan Arctique lui-même était chaud lors de l'ère glaciaire. »

~ C. Hapgood, The Path to the Poles, P. 216

Mer de Ross.
Le point vert indique les antipodes de la baie d'Hudson. L'extrait ci-dessus suggère fortement qu'avant le Dryas récent, le pôle géographique se trouvait aux environs de la baie d'Hudson, qui se trouve approximativement à 60° Nord - c'est-à-dire à une distance de 30° de latitude du pôle Nord actuel.

Mais l'intrigante nappe glaciaire de l'Inlandsis laurentidien n'est pas l'unique preuve dont nous disposons. L'étude des fossiles nous donne une très bonne idée des espèces animales et végétales qui peuplaient les différentes régions de la planète juste avant le Dryas récent. Ces recherches tendent à confirmer que, à la fin du Pléistocène, le pôle Nord était situé dans la baie d'Hudson.

En effet, avant le Dryas récent, l'océan Arctique était tempéré (comme l'indique la présence de foraminifères dans les sédiments marins), la Sibérie était une région tempérée (comme l'indiquent les fossiles humains, les vastes forêts et la flore tempérée), et le Japon possédait un climat plus chaud qu'aujourd'hui (comme l'indiquent la flore, typique des climats tempérés, et les coraux d'Okinawa).

Un autre élément de preuve nous vient de l'Antarctique. Un pôle Nord géographique situé aux environs de la baie d'Hudson impliquerait que la distance séparant le pôle Sud géographique de la mer de Ross (en Antarctique) serait 7 fois supérieure à la distance les séparant aujourd'hui. Par conséquent, la mer de Ross n'aurait pas dû être recouverte de glace à la fin du Pléistocène (il y a environ 13 000 ans).

C'est précisément ce qu'ont révélé les couches de sédiments marins, dont la finesse est typique des climats tempérés. Ces sédiments fins sont charriés par des fleuves dont la source se trouve sur des continents dépourvus de glace. De façon intéressante, si le pôle Nord était situé dans la baie d'Hudson avant le Dryas récent, cela résoudrait deux énigmes qui ont souvent dérouté de nombreux experts.


Alignement de l'Allée des Morts, à Teotihuacan, avec la baie d'Hudson. 

Premièrement, la bizarre orientation de Stonehenge et de Teotihuacan. L'axe principal de ces deux sites pointe globalement vers le Nord, mais pas tout à fait (Teotihuacan : à 15°, Stonehenge : à 40°).

Toutefois, ces deux sites pointent directement vers la baie d'Hudson. On peut se demander si Stonehenge et Teotihuacan n'ont pas été bâtis avant le Dryas récent et n'étaient pas alignés sur l'axe Nord-Sud à l'époque.

Deuxièmement, les cartes anciennes représentent un Antarctique dépourvu de glace. Une collection de cartes anciennes, les « cartes des anciens rois des mers », fut publiée en 1531 par le géographe français Oronce Fine, mais ces cartes étaient bien antérieures à cette date. Apparemment, elles furent dressées par des peuples très anciens puis préservées par plusieurs civilisations antiques (Grecs, Phéniciens, etc.) avant d'être découvertes par Fine.

Les caractéristiques absolument étonnantes de ces cartes est qu'elles dépeignent un continent Antarctique totalement dépourvu de glace. Rappelez-vous qu'à l'époque de la découverte (1531), personne n'avait jamais entendu parler de l'Antarctique.

Une des cartes d'Oronce Fine dépeignant un continent Antarctique dépourvu de glace. Au début, ces cartes anciennes furent rejetées, mais lorsque les scientifiques commencèrent à cartographier l'Antarctique, ils découvrirent qu'elles étaient trop précises pour être le simple fruit du hasard :

Après plusieurs années de recherches, la projection de cette carte ancienne a été résolue. On a découvert qu'elle avait été tracée sur une projection cartographique sophistiquée, en utilisant la trigonométrie sphérique ; elle était tellement scientifique qu'on y a découvert plus de cinquante points du continent Antarctique localisés avec une exactitude que la science cartographique moderne n'atteindrait qu'au XIXe siècle.

~ C. Hapgood, The Path to the Poles, p. 258 Les données ci-dessus suggèrent fortement qu'il y a 13 000 ans, le pôle Nord géographique était situé aux environs de la baie d'Hudson, qui se trouve à environ 60° N, ou à une distance de 30° du pôle Nord actuel.

Ce qui placerait le nord de la Sibérie à une latitude d'environ 40° Nord (sa longitude actuelle est 70°, auxquels nous soustrayons 30°, ce qui nous donne 40° N).

40° N est la latitude actuelle de l'Espagne, de la Grèce, de l'Italie, de la Californie et du Nevada. C'est une latitude typique des climats tempérés. C'est sous cette latitude tempérée que vivaient les mammouths laineux, mais ce n'est pas sous cette latitude que leurs cadavres ont été préservés en état de congélation.

Le bombardement cométaire a eu des effets dramatiques sur notre planète, y compris sur l'emplacement de ses pôles géographiques. À présent, examinons le processus en œuvre.



Structure interne de la Terre.
Glissement de la croûte terrestre

Nous considérons généralement notre planète comme un morceau de roche solide, parce que nous ne voyons que sa surface constituée de roche solide (montagnes, déserts, fonds marins, etc). Pourtant, la roche solide n'est qu'une minuscule partie de la planète Terre, une fine couche (qu'on appelle la « croûte » ou la lithosphère) qui mesure moins de 100 km d'épaisseur.

Sous la croûte, il y a le manteau, une épaisse couche de magma d'une épaisseur moyenne de 2886 km. Tandis que la partie inférieure du manteau fait figure de solide en raison des immenses pressions qui maintiennent la cohésion des matières en fusion, le manteau supérieur, appelé l'asthénosphère, qui est chaud et subit une pression relativement faible, présente une faible viscosité, et possède les propriétés mécaniques d'un semi-fluide.

Ces propriétés fluides sont particulièrement présentes dans une couche spécifique de l'asthénosphère :

« Il semble qu'une telle couche ait été découverte dans l'asthénosphère à 160 km de profondeur environ. Selon le géophysicien russe V. V. Beloussov, les processus chimiques à l'œuvre à cette profondeur, processus rendus possibles par le changement de phase, transforment la roche lourde en roche plus légère, provoquant ainsi une instabilité gravitationnelle, la roche plus légère tentant de remonter à la surface. Beloussov appelle ce phénomène la « couche guide-d'ondes ». Les observations du géophysiciste américain Frank Press vont dans le même sens. Press a découvert (d'après des observations par satellite) que cette couche était vraiment très liquide. Il semble que si l'enveloppe externe de la Terre glisse « en bloc » sur l'intérieur, c'est à ce niveau que le mouvement est le plus susceptible de se produire. »

~ Charles Hapgood, The Path to the Poles, p.119 Donc, d'un point de vue mécanique, la croûte est relativement similaire à un iceberg qui flotte sur l'océan (l'asthénosphère à faible viscosité). La faible viscosité du manteau explique pourquoi les continents ne cessent de dériver. Elle suggère également qu'il faut bien moins de force mécanique pour déplacer la croûte par rapport au manteau que pour déplacer la planète entière.

Déplacer la planète entière (croûte, manteau et noyau) nécessiterait des forces considérables. Lorsqu'on entre les données relatives aux astéroïdes proposés par Firestone (environ 80 km de diamètre) dans un simulateur d'impact d'astéroïde, l'énergie du fragment cométaire de Firestone est bien trop faible pour induire un changement d'orbite, de vitesse de rotation ou d'inclinaison de la planète entière. Un tel objet ne pourrait déplacer notre planète dont la quantité de mouvement, en comparaison, est bien trop importante.


Simulation mécanique d'un glissement de la croûte terrestre d'origine astéroïdale.
À titre de comparaison, la masse de la Terre est estimée à environ 6X1024 kg, tandis que celle d'un astéroïde de 160 km de diamètre est d'environ 1,2X1018 kg. La Terre est donc environ 5 millions de fois plus lourde que le fragment cométaire.

Cependant, du fait de la faible viscosité du manteau supérieur, de tels impacts auraient pu faire glisser la croûte par rapport au manteau, en particulier si les astéroïdes arrivaient en contre-plongée (c'est-à-dire une quasi-tangente par rapport à la surface terrestre), ce qui semble être le cas pour les fragments cométaires proposés par Firestone. L'image de droite illustre le processus physique du glissement crustal induit par un astéroïde. Cette argumentation est détaillée ici.

Selon Charles Hapgood, le bombardement cométaire a fait glisser la croûte d'environ 30°, et les pôles géographiques ont migré jusqu'à leur emplacement actuel. Pour l'ingénieur italien Flavio Barbiero, la croûte a glissé d'environ 20°.

Les théories d'Hapgood et de Barbiero pourraient bien s'approcher de la vérité. En tous les cas, pour déplacer la Sibérie jusque dans les régions du pergélisol (latitude supérieure à 60°N) et permettre la conservation des mammouths par le froid, le glissement devait être supérieur à 20°.

À ce stade, nous avons une petite idée de la façon dont les mammouths ont pu être congelés instantanément et conservés tels quels (glissement crustal rapprochant le pôle Nord de la Sibérie). Cependant, les cadavres des mammouths recèlent d'autres éléments de preuves déconcertants.

Le verdict du médecin légiste

Le mammouth de Berezovka. 

Depuis 1800, pas moins de 11 expéditions scientifiques ont exhumé des mammouths gelés. La plupart ont été découverts dans le nord de la Sibérie, avec d'autres mammifères : aurochs, carcajous, campagnols, écureuils, bisons, lapins et lynx.

Le mammouth de Berezovka est probablement le plus célèbre de ces spécimens. Son cadavre congelé, presque entièrement préservé, a été découvert sur les rives de la Berezovka (d'où son nom).

Seuls une partie de son tronc et de sa tête ont dû être reconstitués : n'étant pas pris dans la glace, ils furent dévorés par les prédateurs.

Ce mammouth est exposé au musée zoologique de Saint-Pétersbourg, en Russie, dans la position de lutte dans laquelle il a été découvert près de la Berezovka, à l'intérieur du cercle Arctique.

Le parfait état des mammouths congelés a permis aux scientifiques de collecter de nombreuses informations concernant l'espèce en tant que telle ainsi que les causes de sa disparition.

En fait, les mammouths sont tellement bien préservés que certains chercheurs tentent d'utiliser leur ADN pour le croiser avec celui des éléphants d'Asie afin de ressusciter l'espèce.

Les médecins légistes qui ont examiné de nombreux mammouths ont découvert les mêmes caractéristiques chez nombre d'entre eux :
fractures : le mammouth de Berezovka présentait de nombreuses fractures osseuses au niveau des côtes, omoplates et pelvis.
terre : retrouvée dans les poumons et les appareils digestifs des mammouths congelés. Notons que l'unique cause de décès que l'on ait été en mesure d'établir avec certitude était la suffocation. Au moins trois mammouths et deux rhinocéros sont morts par suffocation. Aucune autre cause de décès n'a pu être établie pour les autres mammouths laineux. Vollosovitch a conclu que son deuxième mammouth enseveli, découvert le pénis en érection sur l'île de la Grande Liakhov, était mort suffoqué. On a retrouvé des œdèmes pulmonaires chez un mammouth nommé Dima, ce qui suggère une mort par asphyxie après un effort intense juste avant la mort. Le rhinocéros de Pallas présentait également des symptômes d'asphyxie.
Yedomas : il s'agit de collines (de 10 à 80 m d'altitude) constituées de terre mélangée à d'épaisses nervures de glace. Les yedomas sont largement répandus en Sibérie (Fig. 1), sur environ 1 million de km2. Ils sont très riches en carbone et regorgent littéralement d'arbres et d'animaux morts. Par exemple, le « cimetière des mammouths » est un yedoma contenant les cadavres de pas moins de 156 mammouths. Le sol des yedomas est constitué de lœss, des couches de limon issues de l'érosion éolienne (dépôts éoliens).
Position debout : 112 mammouths, dont celui de Berevoska, ont été découverts en position debout.

Coupe transversale d'un yedoma soumis à l'érosion fluviale.
À présent que nous connaissons les caractéristiques du bombardement cométaire et les preuves mises au jour par les analyses médico-légales pratiquées sur les mammouths, nous pouvons tenter de les combiner afin de reconstituer la chronologie catastrophique qui scella le destin tragique de ces créatures.

Chaque région a vécu sa propre variation sur le thème du désastre. Décrire chaque combinaison d'effets survenus dans chaque partie du monde serait trop fastidieux et, après tout, notre sujet principal est le mammouth laineux. Donc dans la chronologie suivante, nous nous concentrerons sur la séquence d'événements qui s'est produite en Sibérie et qui a mené à la disparition de ces créatures.

Le destin tragique des mammouths laineux

Comme l'indique la présence de carex, d'herbes et d'autres plantes dans l'estomac des mammouths, l'action se déroule en plein été, dans une forêt sibérienne tempérée à la végétation luxuriante, il y a environ 12 900 ans.


Flash de lumière causé par la désintégration du météore de Tcheliabinsk.
D'abord, une nouvelle étoile apparaît dans le ciel nocturne ; cette étoile devient de plus en plus grosse. Elle devient visible en plein jour et finit par éclipser le soleil, tant par sa brillance que par sa taille.

Quelques minutes avant l'impact, ce « deuxième Soleil » se scinde en pas moins de 5 gros fragments, ainsi que de nombreux autres morceaux plus petits qui traversent le ciel sibérien et poursuivent leur trajectoire vers le Nord avant de disparaître au-delà de l'horizon (à une vitesse d'environ 35 km/s).

Le ciel est zébré de traînées ardentes créées par des milliers de petits fragments qui se désintègrent dans l'atmosphère. Sous la violence soudaine du vent généré par le sillon des plus gros fragments cométaires, de la terre est soulevée du sol et les arbres environnants sont ébranlés.

Alimenté par les dépressions aériennes créées par les sillons, le vent gagne en force, l'air est saturé de poussière, les mammouths luttent contre ce vent poussiéreux tout en levant la tête, bouche ouverte, suffoquant, cherchant l'air pur.

L'impact lui-même illumine l'horizon hyperboréen ; ce flash de lumière prolongé est aveuglant. Le panache d'air ascendant propulse un énorme fragment d'atmosphère chaude dans l'espace. La pression baisse soudainement, faisant chuter la température atmosphérique et, pendant quelques secondes, les mammouths sont exposés au vide glacial de l'espace. Le processus de congélation instantanée commence. Plusieurs mammouths meurent suffoqués.

Cette congélation par le vide pourrait expliquer la présence d'une glace particulière, « dépourvue d'oxygène », qui a été découverte sous les mammouths gelés :
« Au plus profond de la falaise, la glace devient plus solide et transparente, totalement blanche et friable à certains endroits. Après une brève exposition à l'air, cette glace reprend une couleur jaunâtre-brunâtre similaire à l'ancienne glace.

Manifestement, quelque chose dans l'air (probablement l'oxygène) a réagi chimiquement à quelque chose dans la glace. Pourquoi l'air (composé principalement d'oxygène et d'azote) ne s'était-il pas déjà dissous dans la glace ? Tout comme l'eau liquide dissout le sel de table, le sucre et de nombreux autres solides, elle dissout également les gaz qui entrent en contact avec elle. Par exemple, la quasi-totalité de l'eau et de la glace sur Terre sont presque totalement saturées d'air. Si l'air avait été dissous dans le glacier rocheux de Herz avant de soudainement prendre une couleur jaunâtre-brunâtre, la réaction chimique se serait déjà produite. »

Mark A. Krzos, Frozen Mammoths Ensuite, des vents de force 12 commencent à souffler de l'air glacé en direction de la zone d'impact, remplissant ainsi le vide. Ce vent glacial surnaturel a duré pendant des heures. Si le cône d'ablation avait un rayon de 400 km, les vents de force 12 (200 km/h) ont dû souffler pendant deux heures afin de combler le vide. Il a congelé jusqu'à l'os les mammouths ainsi que de nombreux autres animaux.

Tandis que plusieurs mammouths sont restés congelés au sol en position debout, d'autres ont été emportés par le vent et/ou bombardés de débris volants/à la dérive (arbres, blocs de roche), ce qui pourrait expliquer les nombreuses fractures découvertes lors des autopsies.

En parallèle à cette vague réfrigérante, la Sibérie subit des précipitations sans précédent. Les deux principaux ingrédients nécessaires aux précipitations sont le refroidissement et la poussière. Le refroidissement entraîne la condensation (vapeur d'eau atmosphérique se transformant en eau liquide), et la poussière atmosphérique joue le rôle d'agent de nucléation autour duquel se forment les gouttes de pluie.

L'ampleur du refroidissement et la quantité d'air atmosphérique saturé de poussière provoquent des pluies torrentielles. En Sibérie, qui subit le refroidissement le plus sévère, le déluge de grêle et de neige prit probablement des proportions encore plus dramatiques.

En raison de la quantité de poussière, de suie, de boue et de sédiments dans l'atmosphère, des chutes de grêle et de neige sales, et des quantités astronomiques d'eau glacée, de suie et de sédiments se déversent sur la Sibérie.


Boucle de rétroaction de l'albédo et activité volcanique.

Ce déluge de pluie, de grêle et de neige sales aurait fini par cesser au bout de quelques jours, après que les précipitations auraient supprimé de l'atmosphère la poussière et la vapeur d'eau atmosphériques, mais ce ne fut pas le cas. Les constantes éruptions volcaniques terrestres et sous-marines, déclenchées par l'impact et le glissement crustal, continuèrent à générer de la poussière et de l'eau atmosphériques.

Par-dessus le marché, le refroidissement est maintenu, voire empiré par une « boucle de rétroaction de l'albédo » : une partie de plus en plus importante de la surface planétaire est recouverte de glace et de neige, lesquelles reflètent encore plus la faible quantité de lumière solaire qui parvient à pénétrer l'atmosphère chargée de poussière, le tout aggravant le refroidissement, lequel génère davantage de glace et de neige.

Le diagramme à droite décrit la boucle de rétroaction de l'albédo et la façon dont la continuelle activité volcanique a alimenté et aggravé toute la dynamique.

Ci-dessus, nous nous sommes appuyés sur des concepts basiques (poussière, condensation de la pluie, refroidissement) pour expliquer les effets météorologiques du bombardement. Toutefois, l'électricité joue également un rôle majeur, en particulier lorsque la poussière atmosphérique est impliquée.

Le rôle joué par l'électricité dans les phénomènes météorologiques a été abordé en détail dans notre ouvrage Les changements terrestres et la connexion anthropocosmique. Voici un très bref résumé de l'influence des charges électriques et de la poussière atmosphérique sur les précipitations.


© Bounds
Influence du champ électrique sur la taille des gouttes d'eau. 
Par beau temps, les électrons à la surface de la Terre sont attirés par l'ionosphère positivement chargée. S'il y a de la poussière dans l'atmosphère, la libre circulation des électrons est entravée, et les électrons sont capturés par la poussière atmosphérique, créant des zones chargées négativement dans l'atmosphère.

Ce sont ces charges électriques atmosphériques locales qui in fine alimentent les ouragans et leurs corollaires que sont les précipitations et le tonnerre, qui sont des phénomènes d'équilibrage de la charge qui ramènent les électrons à la surface de la Terre. En outre, les charges électriques accélèrent l'accumulation de gouttes d'eau.

L'événement a généré de nombreuses sources de poussière atmosphérique (impacts, éruptions volcaniques, immenses feux de forêt déclenchés par les panaches et les déjections, et vents de type tornade). En outre, la poussière atmosphérique issue des fragments cométaires était fortement chargée positivement.

Les fragments cométaires positivement chargés ont eux-mêmes perturbé le champ électrique atmosphérique (entre la surface de la Terre et l'ionosphère), entraînant une météo chaotique.

Dans des conditions relativement normales, les précipitations ne peuvent dépasser les 2 mètres en 24h, donc nous commençons à avoir une petite idée du type de précipitation provoquée par la combinaison unique de facteurs cités plus haut (atmosphère saturée de poussière, poussière électriquement chargée et perturbation du champ électrique atmosphérique).


Répartition géographique des yedomas. 
Les précipitations ont transporté des quantités astronomiques de poussière atmosphérique sur Terre et pourraient bien être la source des yedomas, qui sont essentiellement une accumulation de sédiments portés par le vent et d'eau glacée.

Cette couche de sédiments portée par le vent a dû recouvrir de nombreuses régions de l'hémisphère Nord. Mais aujourd'hui, on n'en retrouve que dans certaines régions de la Sibérie et en Alaska, parce que ces régions sont recouvertes par le pergélisol, qui maintenait la cohésion du complexe glace/yedoma et empêchait l'érosion aquatique (pluie et rivières) de l'entraîner dans les océans.

C'est un scénario proprement apocalyptique qu'il est difficile de se représenter. Peut-être que la comparaison la plus proche serait celle d'un monstrueux ouragan glacial qui durerait des mois, générerait des vents incroyables, des montagnes de grêle et de neige sales, soulèverait les arbres et les animaux dans les airs et provoquerait un déferlement de blocs de roche, avec en toile de fond des éruptions volcaniques et des séismes à n'en plus finir.

Les tsunamis viennent évidemment compléter le tableau. Toutefois, à l'époque, le niveau de la mer était plus bas (80 mètres de moins qu'aujourd'hui) ; nous disposons donc de peu de données concernant la survenue de tsunamis.

Le corps impacteur de la baie d'Hudson a probablement joué un rôle majeur dans le déclenchement de tsunamis. Il a directement frappé la calotte glaciaire (3 km d'épaisseur) et a projeté des milliers de km cube de glace dans l'océan Atlantique. L'énorme quantité de glace déversée dans l'océan est attestée par la montée du niveau de celui-ci (6 mètres de plus).
« La reconstitution de l'historique de la fonte des glace montre un important déversement d'eau de fonte en direction du Nord, il y a de cela 13 100-12 500 ans, au début du Dryas récent. Elle s'est déversée dans l'océan Arctique, via le fleuve Mackenzie et le détroit de Fram, avant d'atteindre la partie orientale de l'Atlantique nord.

Les données géomorphologiques, d'un autre côté, suggèrent que des étangs bloquaient la route vers le Nord et l'Est en direction de la voie maritime du Saint-Laurent jusqu'à la fin du Dryas récent. Les courbes du niveau de la mer à Tahiti, en Nouvelle-Guinée et à la Barbade montrent une petite élévation (moins de 6 mètres) il y a environ 13 000 ans vers le début du Dryas récent, et résultant peut-être de ce déluge. »

~ Vivien Gornitz, Rising Seas: Past, Present, Future, p.127 Lorsqu'on contemple la catastrophe décrite plus haut, on ne peut s'empêcher de penser au Déluge « mythique », aux 40 jours de pluie auxquels Noé fut confronté et qui anéantit la quasi-totalité de l'humanité, d'après la Bible.

En fait, la Bible est loin d'être la seule tradition mentionnant un déluge catastrophique. Sur 500 cultures (s'étendant sur tous les continents) étudiées par le chercheur Douglas Eddinger, près de 90% d'entre elles décrivent un tel déluge.


© Eddinger
Extrait du tableau énumérant les caractéristiques de divers récits traditionnels.Conclusion

En étudiant les mammouths congelés, j'ai découvert une anomalie. Le Dryas récent fut une période de refroidissement global qui dura 1400 ans (voir la courbe rouge sur la droite) et qui entraîna une augmentation de la taille des calottes glaciaires. 


Niveau de la mer VS température globale (de 20 000 ans avant le présent à aujourd'hui). Cependant, au cours de la même période (13 000 à 11 500 ans avant le présent), le niveau des mers augmenta d'environ 20 mètres (de -70 à -50m).

Refroidissement équivaut généralement à augmentation de la taille de la calotte glaciaire, entraînant une chute du niveau des mers (l'eau de mer étant transformée en glace). Or au cours du Dryas récent, c'est l'inverse qui s'est produit.

D'où venait tout ce surplus d'eau?

Un afflux extraterrestre serait une possibilité : la planète Mars était peut-être plus proche de la Terre que d'ordinaire, à l'époque, et par électrogravitation, la Terre aurait pu « voler » de l'eau qui, d'après ce qu'on raconte aujourd'hui, se trouvait autrefois sur Mars et en aurait « disparu ».

Cela expliquerait l'augmentation soudaine des niveaux des mers sur Terre (malgré le refroidissement du Dryas récent) et le fait que, de nos jours, Mars est une planète aride en dépit des nombreux éléments de preuve indiquant que dans le passé, elle possédait de larges réseaux hydrographiques. Mais cet article contient déjà suffisamment d'allégations excentriques (bombardements cométaires, ablation de l'atmosphère, congélation instantanée, glissement crustal), alors inutile de se lancer dans un autre sujet pour le moins polémique.

Que la Terre ait ou non interagi avec Mars, il est clair que la période du Dryas récent fut marquée par des catastrophes d'envergure. Les mammouths laineux et les peuples de la culture Clovis furent les témoins tragiques d'un événement cosmique majeur qui transforma notre planète en profondeur il y a environ 13 000 ans.

Cet événement pose un gros problème aux partisans de l'uniformitarisme qui, malgré l'abondance de preuves, continuent à nier les faits qu'ils ont sous les yeux. Cette insistance à s'accrocher à un dogme uniformitaire qui s'avère faux est à la base même de la politique et du pouvoir, comme nous le soulignons dans notre ouvrage Les changements terrestres et la connexion anthropocosmique :
« La légitimité de la classe dirigeante - quelle que soit sa place sur l'échiquier politique - est fondée sur l'illusion qu'elle est en mesure de protéger la population de la guerre, de la famine, de la faillite économique, ou de tout autre désastre qui perturbe son quotidien et ses moyens de subsistance. [...]

En attribuant la cause de ces événements d'origine cosmique aux êtres humains, les élites perpétuent l'illusion qu'elles contrôlent la situation, du moins jusqu'à un certain point ; si elles sont responsables de ces situations, alors en théorie, cela veut dire qu'elles sont capables d'y mettre fin. »

P. Lescaudron & L. Knight Jadczyk, Les changements terrestres et la connexion anthropocosmique Si une version, même modeste, du bombardement cométaire du Dryas récent se produisait à notre époque, je serais curieux de voir la réaction des élites, à supposer qu'elles survivent suffisamment longtemps pour avoir le temps de réagir. Reconnaîtraient-elle la fragilité de la condition humaine et leur impuissance totale face aux forces cosmiques ? Ou tenteraient-elles de capitaliser sur cet événement cosmique, le faisant passer pour une catastrophe d'origine anthropique, tout comme elles attribuent au réchauffement climatique et aux bouleversements terrestres une origine anthropique ?

Le mème « C'est la faute de la Russie » fonctionne tellement bien depuis quelque temps que la tentation de s'en servir dans un contexte aussi critique pourrait s'avérer trop grande pour les élites occidentales. J'imagine déjà les gros titres sur CNN : « Vladimir l'ignoble démon, non content d'être déjà responsable de tous les malheurs du monde, a appuyé sur le bouton, et tout a explosé. »
C'est Poutine le responsable ! Il a appuyé sur le bouton rouge !

Pierre Lescaudron 

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