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21 octobre 2016

Les qanâts


Lors de sa 40e réunion à Istanbul, le 15 juillet 2016, le comité du patrimoine mondial de l’Unesco a inscrit onze qanâts de l’Iran sur la liste du patrimoine de l’humanité. Ces qanâts, dont la construction du plus ancien remonte à plus de 2500 ans et celle du plus récent à 200 ans, auraient une technologie particulière qui les distinguerait des 33 000 autres qanâts du pays.

Après avoir étudié l’ancienneté, l’architecture, la profondeur et la longueur de chacun d’entre eux, les experts de l’Unesco ont fini par approuver l’inscription des qanâts sur la liste du patrimoine mondial. Ils se trouvent dans six provinces du pays : Khorasan-e Razavi, Khorasan méridional, Yazd, Kerman, Markazi et Ispahan.

La technique du qanât

La technique du qanât a été développée en Perse il y a plus de trois mille ans, puis s’est répandue vers l’est et l’ouest. Cyrus le Grand l’aurait introduite en Oman et Darius dans les oasis d’Égypte. Selon Callisthène qui a accompagné vers 335 av. J.-C. Alexandre le Grand lors de sa campagne d’Asie, les Perses avaient résolu le problème de distribution équitable de l’eau du qanât en utilisant la clepsydre.

Le qanât est une galerie souterraine creusée quasi horizontalement avec une pente douce pour que l’eau puisse s’écouler. Il est destiné à capter une nappe d’eau souterraine et à acheminer l’eau vers l’extérieur. La construction de l’ouvrage commence par le forage d’un puits terminal qu’on appelle le puits mère qui permet de s’assurer de la nature et du niveau de la nappe. Le creusement de la galerie commence à partir de l’aval pour atteindre le puits mère. Le forage d’une série d'accès verticaux ou de puits intermédiaires, espacés de 50 à 100 mètres, permet d’évacuer les débris du creusement de la galerie et d’assurer sa ventilation. La longueur de la galerie peut atteindre plusieurs kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres.

Une source fiable et stable en eau

Le qanât constitue une source d’approvisionnement fiable et stable en eau dans les régions arides et semi-arides. Le terme est d’origine akkadienne et signifie « roseau ». Il a été repris par des langues sémitiques comme l’araméen et l’arabe et des langues non sémitiques comme le grec ancien et le latin. Il est absent dans le vieux perse, mais dans le persan moderne on l’utilise couramment de même que son équivalent persan « kâriz » ou « kahriz ».

De nombreux historiens s’accordent à dire que la technique du qanât a été développée en Perse - l’Iran préislamique - il y a plus de trois mille ans, puis s’est répandue vers l’est, de l’Afghanistan jusqu’à l’Inde et la Chine, et vers l’ouest jusqu’aux pays de l’Afrique du Nord comme le Maroc, l’Algérie et la Libye. Elle a même été introduite à Palerme en Sicile lors de l’occupation mauresque. En fait, reprise des Perses, les Romains l’ont développée dans tout le Proche-Orient jusqu’en Tunisie, et les Arabes l’ont transmise jusqu’en Espagne et au Maroc. Cyrus le Grand (roi achéménide vers 559 av. J.-C. à 530 av. J.-C.) l’aurait introduite en Oman et Darius (550 av. J.-C.-486 av. J.-C.) dans les oasis d’Égypte.

Le qanât « Qasabeh »

L’un des 11 qanâts inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est le qanât « Qasabeh » de la ville de Gonabad dans la province du Khorasan-e Razavi au nord-est de l’Iran. Il est également connu sous le nom persan de « Kariz-e Keykhosrow ». C’est l’un des plus anciens qanâts du monde, les experts situent sa construction entre 700 et 500 ans av. J.-C. Il comporte 427 puits intermédiaires. La profondeur de son puits mère est de 320 m et la longueur de sa galerie est de 131 035 m. Dans son récit de voyage « Safarnâmeh », Nasir Khosrow (1003-1077) décrit sa longueur ainsi que la profondeur de son puits mère en précisant qu’il a été construit sous l’ordre de Keykhosrow, roi mythique, qui, selon certains Iraniens, n’était autre que Cyrus le Grand.

Une horloge à eau. DR

Le qanât de Zarch est un autre qanât inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Avec 71 km de longueur, il est le plus long qanât de l’Iran et comporte 2 115 puits intermédiaires ou, selon les experts, puits de visite qui servent au curage et à la réparation du qanât. Le qanât de Zarch est également le plus ancien de l’Iran. Sa construction remonte à environ 3000 ans.

33000 qanâts en Iran

Actuellement, on estime à environ 33 000 le nombre de qanâts opérationnels en Iran. Au milieu du XX° siècle leur nombre était d’environ 50 000. Cette baisse considérable est sûrement due à des causes économiques, démographiques, sociologiques et politiques. Elle est surtout imputable à la surconsommation d’eau dans tout le pays depuis l’avènement de la République islamique. Le forage d’innombrables puits non autorisés et la construction irréfléchie de barrages ont considérablement contribué à l’assèchement des nappes phréatiques.

Les qanâts ont l’avantage de résister aux catastrophes naturelles comme les tremblements de terre et les inondations, et les niveaux des précipitations ne les affectent pas tellement. Ils résistent également aux désastres humains comme les destructions en temps de guerre.

Au IIe siècle avant notre ère, Polybe, historien grec, a mentionné dans ses Histoires (livre X-28) les qanâts des Perses en précisant comment ceux-ci ont construit des réseaux souterrains de puits et galeries pour acheminer l’eau jusque dans le désert. Dans le passé, le financement de la construction d’un qanât était en général l’œuvre des propriétaires terriens et des marchands qui se regroupaient en petit nombre et recrutaient plusieurs creuseurs pour étudier d’abord la présence d’une nappe phréatique et procéder ensuite au creusement de la galerie. Certains pensent que ce procédé a été un frein à l’unification politique, car l’eau du qanât n’était pas équitablement distribuée. La maintenance du système posait aussi des problèmes. Dans leurs arguments contre la réforme agraire de Shah dans les années 1960 les opposants citaient aussi ces difficultés.

Les ruisseaux et les agriculteurs

Mais il semble que les Perses avaient résolu le problème de distribution équitable de l’eau du qanât en utilisant la clepsydre. Callisthène qui a accompagné vers 335 av. J.-C. Alexandre le Grand lors de sa campagne d’Asie raconte que dans les villages perses, les agriculteurs désignaient l’un des leurs pour surveiller la distribution équitable de l’eau du qanât. Il s’asseyait sur un podium à la sortie de l’eau et plaçait un petit récipient avec un petit trou dans un récipient plus grand rempli d’eau, et après le remplissage du petit récipient (une ou plusieurs fois) changeait le cours d’eau et l’acheminait vers le ruisseau d’un autre agriculteur. Cela montre bien que la clepsydre était à cette époque très répandue en Perse. Son invention a probablement un rapport avec le développement de la technologie du qanât par les Perses. 

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